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[ 4 mai 2023 ] Imprimer

Droit administratif général

Précisions sur la fermeture administrative d’un débit de boissons et l’autorité de la chose jugée au pénal

L’autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux juridictions et à toutes les autorités administratives en ce qu’elle s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif ; elle peut être invoquée pour la première fois en cassation. 

CE 25 avril 2023, n° 462997

Un sous-préfet avait prononcé la fermeture administrative pour un mois d’un bar dans lequel la gérante avait servi de l’alcool au conducteur et aux passagers d'un véhicule. Le conducteur avait ensuite provoqué un accident mortel alors qu’il était ivre, son taux d'alcool présent dans le sang était de 2,85 grammes par litre de sang.

En parallèle, la gérante du bar avait été relaxée par le tribunal de proximité des fins des poursuites engagées à son encontre sur le fondement de l'article R. 3353-2 du code de la santé publique selon lequel : « Le fait pour les débitants de boissons de donner à boire à des gens manifestement ivres ou de les recevoir dans leurs établissements est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe », au motif que les intéressés ne présentaient aucun signe d'ébriété manifeste au moment où des boissons alcoolisées leur ont été servies. 

La gérante du bar demandait au Conseil d’État d’annuler l’arrêté préfectoral prononçant la fermeture administrative de son établissement. Celui-ci vient de faire droit à sa demande contrairement à ce qu’avaient décidé le tribunal administratif et la cour administrative d’appel.

L'autorité de la chose jugée au pénal s’impose-t-elle au juge administratif ?

Dans cette affaire, le Conseil d’État reprend la solution dégagée dans sa décision de section du 16 février 2018 (395371) selon laquelle « L'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives, qui s'impose aux juridictions et à toutes les autorités administratives, s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette autorité, qui présente un caractère absolu, est d'ordre public et peut être invoqué pour la première fois devant le Conseil d'État, juge de cassation, en produisant, en tant que de besoin pour la première fois dans l'instance de cassation, les pièces propres à justifier de son bien-fondé ».

Le jugement du tribunal de proximité qui a relaxé la gérante du bar a acquis un caractère définitif. 

Les faits pris en compte pour justifier la fermeture administrative du débit de boissons (la gérante a servi de l’alcool à un conducteur déjà ivre) sont contraires à ceux qui ont servi de fondement au jugement du tribunal de proximité (le conducteur ne présentait aucun signe d'ébriété manifeste au moment où de l'alcool lui a été servi). Plus précisément, la décision administrative qui se fonde sur la circonstance que « le visionnage des images de vidéosurveillance de l'établissement établit que l'exploitante a servi de l'alcool au conducteur alors que celui-ci était ivre », sont en contradiction avec l'autorité absolue de la chose jugée par le jugement du tribunal de proximité.

La fermeture administrative des débits de boissons

Pour rappel, la fermeture d’un établissement peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois en cas d’atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques (CSP, art. L. 3332-15, 2). 

La mesure de fermeture de débits de boissons ordonnée par le préfet sur le fondement de l’article L. 3332-15 du code de la santé publique n’est pas une sanction présentant le caractère de punition, mais une mesure de police administrative qui a pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant (CE, avis, 6 févr. 2013, n° 363532).

Références

■ CE 16 févr. 2018, n° 395371 A : AJDA 2018. 365 ; ibid. 852, chron. S. Roussel et C. Nicolas ; RFDA 2018. 1091, note G. Simon et C. Sourzat.

■ CE, avis, 6 févr. 2013, n° 363532 B : AJDA 2013. 320.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont


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