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Droit des obligations
Précisions sur les conséquences de la résolution prononcée aux torts partagés des parties
Il résulte de l’article 1229 du Code civil que le prononcé de la résolution du contrat aux torts partagés des parties ne fait pas obstacle au mécanisme des restitutions ni à l’indemnisation de leurs préjudices.
Com. 15 mai 2024, n° 23-13.990
L’on sait la diversité des pouvoirs du juge en cas de résolution judiciaire (v. Point sur la résolution du contrat, DAE 30 mai 2024) dont celui, au cœur de la décision rapportée, de décider de résoudre le contrat aux torts réciproques des parties. Rarement prononcée, cette résolution du contrat aux torts partagés emportait des conséquences en partie incertaines, qui viennent d’être clarifiées par la chambre commerciale. Dans l’arrêt rapporté, elle précise en effet que la résolution prononcée aux torts partagés des parties n’exclut ni le jeu des restitutions ni, à elle seule, l’indemnisation du préjudice subi par chacune des parties. Dans le silence légal et face au peu d’arrêts rendus sur cette question, ces précisions, attendues, méritent d’être retenues, d’autant plus que la cour d’appel avait, dans cette affaire, tiré des conséquences pour le moins radicales de sa décision de prononcer la résolution du contrat aux torts partagés. Elle avait en effet induit de la réciprocité des manquements imputables aux contractants la neutralisation du mécanisme des restitutions réciproques consécutif à la résolution contractuelle, et le refus d’indemnisation de leurs préjudices respectifs. Radicale, son analyse était surtout inexacte, pour deux raisons :
- d’une part, après avoir rappelé les termes du troisième alinéa de l’article 1229 du Code civil qui pose le principe des restitutions consécutives à la résolution des contrats à utilité globale, la chambre commerciale juge que « l’admission de torts partagés ne fait pas obstacle aux restitutions », cassant ainsi la décision des juges du fond qui, pour rejeter la demande de restitution des sommes versées en exécution du contrat formée par le demandeur à la résolution, avaient retenu que, compte tenu des manquements des deux parties, la résolution devait être prononcée aux torts partagés sans possibilité de restitutions.
Ainsi la Cour confirme-t-elle l’indépendance du mécanisme des restitutions vis-à-vis des éventuels manquements des parties. La solution se comprend au-delà de l’hypothèse de l’espèce d’une résolution aux torts partagés : qu’ils soient réciproques ou exclusifs, les torts imputables aux contractants restent sans incidence sur la mise en œuvre du jeu des restitutions, dès lors que la résolution elle-même ne suppose pas l'inexécution fautive du débiteur. Puisque la faute du contractant est indépendante de l’inexécution à l’origine de la résolution, elle ne peut avoir d’impact sur les conséquences (restitutives) de cette résolution. En effet, bien que la résolution judiciaire suppose une « inexécution suffisamment grave », selon les termes de l’article 1224 du Code civil, rien n’indique que cette inexécution doive être fautive. En vérité, la gravité ne s’apprécie pas à l’aune du comportement fautif du contractant, mais au regard des conséquences de l’inexécution sur l’éventuelle poursuite des relations contractuelles. L’inexécution se trouve donc être le critère unique et objectif de la résolution judiciaire du contrat. Comme l’illustre la décision rapportée, l’indifférence de la résolution au caractère fautif de l’inexécution trouve un écho naturel en matière de restitutions, dont le critère réside dans la seule utilité de la prestation échangée, peu important les éventuels manquements des contractants, insusceptibles d’interférer sur leur mise en œuvre. Contrairement à ce qu’avait retenu la cour d’appel, la réciprocité des torts des parties ne pouvait donc avoir pour effet de paralyser les restitutions réciproques légalement induites de la résolution des contrats à utilité globale. Même fautive, chacune des parties au contrat gardait donc en l’espèce le droit de se voir restituer ce qu’elle avait versé en exécution du contrat.
- d’autre part, rappelant les termes de l'article 1231-1 du Code civil sur la responsabilité contractuelle, la Cour de cassation réfute l’analyse des juges du fond qui, pour exclure toute indemnisation, s’étaient bornés à retenir que les deux parties avaient commis des fautes réciproques et que la résolution devait être en conséquence prononcée à leurs torts partagés, « sans rechercher ni la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat eu égard à la gravité des fautes retenues ni l'importance du préjudice subi par chacune ». Comme le soutenait le demandeur au pourvoi, la résolution d’un contrat aux torts partagés ne peut exclure toute indemnisation que si les créances de responsabilité de chacune des parties à l’égard de l’autre sont d’un égal montant et s’éteignent ainsi par compensation. Sous cette réserve, en l’espèce inexistante, d’une compensation des créances indemnitaires, chacune des parties au contrat garde le droit d’obtenir la réparation du préjudice subi par la faute de son cocontractant, étant précisé que la même chambre commerciale a récemment indiqué la méthode d’évaluation à retenir dans une telle hypothèse (Com. 23 mars 2022, n° 20-15.475 : Selon cette décision, lorsque chacune des parties contractantes est jugée responsable pour moitié de la résiliation du contrat, chacune doit réparer le préjudice subi par l'autre du fait de cette résiliation en tenant compte de cette proportion, soit seulement à concurrence de 50 %, la compensation ne devant s'opérer qu'après application au préjudice de chaque partie de ce coefficient.)
Référence :
■ Com. 23 mars 2022, n° 20-15.475 : D. 2022. 606
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