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Droit de la famille
Précisions sur les modalités de fixation d’un droit de visite médiatisé par le juge des enfants
Si en matière d’autorité parentale, le juge décidant que le droit de visite du parent non gardien s’exercera dans un espace de rencontre il doit fixer la durée de la mesure et déterminer la périodicité et la durée des rencontres, ces modalités ne s’appliquent pas au juge des enfants qui ordonne que le droit de visite d'un ou des parent (s) à l'égard d'un enfant confié à une personne ou à un établissement s'exercera en présence d'un tiers.
Civ. 1re, 15 janv. 2025, n° 22-22.631
Un jugement du 22 octobre 2019 avait confié deux mineures à un service départemental d’aide à l’enfance. Deux ans plus tard, un second jugement du 22 octobre 2021 avait renouvelé leur placement jusqu’au 31 octobre 2022, et accordé au père un droit de visite médiatisé deux fois par mois en lieu neutre, à organiser avec le service gardien sous le contrôle du juge des enfants. Or le père bénéficiaire de ce droit de visite reprochait aux juges du fond de ne pas avoir précisé la durée de la mesure ordonnée ni celle des rencontres alors qu’en toute hypothèse, le juge décidant que le droit de visite d'un parent s'exercera dans un lieu de rencontre médiatisé doit définir les modalités de sa mise en œuvre.
Pour rejeter le pourvoi, la Cour rappelle le principe établi en matière d’autorité parentale selon lequel lorsque dans l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales décide que le droit de visite de l’un des parents s'exercera dans un espace de rencontre, il doit préciser non seulement la durée de la mesure, mais également la périodicité ainsi que la durée des rencontres (c. pr. civ. art. 1180-5 ; C. civ. 373-2-1 et 373-2-9 ; v. Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-16.709). Le juge est ainsi obligé de se prononcer sur cette question (Civ. 1re, 23 nov. 2011, Bull.I, n°202). Tenu de statuer sur les modalités du droit de visite du parent n’ayant plus l’autorité parentale ou la garde de l’enfant, le juge est en conséquence privé de la possibilité de déléguer ses pouvoirs en renvoyant aux parties le soin de déterminer à l’amiable les modalités de ce droit de visite médiatisé (Civ. 1re, 28 mai 2015, n° 14-16.511). Pour la même raison, dès lors que le juge décide que le droit de visite s’exercera dans un espace de rencontre, il n’est pas autorisé à déléguer aux responsables du lieu d'accueil le pouvoir de fixer les modalités du droit de visite, ni celui de les modifier (Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-12.592, fixant un droit de visite d’un an dans les locaux d’un espace de rencontre « selon les modalités en vigueur dans le service » ; adde, Civ. 1re, 12 juin 2024, n° 22-15.694). En toute hypothèse, le juge qui fixe en matière d’autorité parentale les modalités d’exercice du droit de visite « ne doit pas déléguer sur ce point les pouvoirs que lui confère la loi » (Civ. 2e, 7 oct. 1987, Bull.II, n°190).
Dans le cadre distinct de d’assistance éducative, le droit de visite médiatisé est soustrait au champ d’application du régime précédent relatif à l’autorité parentale : relevant des pouvoirs propres au juge aux affaires familiales, les dispositions précitées ne sont pas applicables à la décision du juge des enfants qui est seul compétent pour ordonner, au titre des mesures d’assistance éducative, que le droit de visite d'un parent d'un enfant confié à une personne ou à un établissement s'exercera en présence d'un tiers (sur la compétence exclusive du juge des enfants pour statuer, en cas de placement de l’enfant, sur ce droit de visite médiatisé, v. Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 19-26.152). La Cour rappelle ainsi que sa décision est autrement régie par les articles 375-7, alinéa 4, du Code civil et 1199-3 du Code de procédure civile, dont il résulte que le juge des enfants doit fixer la fréquence de ce droit de visite sauf à ce que, sous son contrôle, les conditions d'exercice de ce droit soient laissées à une détermination conjointe entre le ou les parents et la personne, le service ou l'établissement auquel l'enfant est confié. En cas d’assistance éducative, le juge peut donc se contenter de renvoyer aux parties le soin de déterminer les modalités du droit de visite médiatisé. S’il est tenu de fixer la nature et la fréquence de ce droit, il recouvre ici la liberté de renvoyer la détermination de ses conditions d’exercice à l’accord amiable des parties (Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-25.313). Il résulte en effet de la combinaison des textes précités que le juge des enfants peut s’en remettre, sous son contrôle, à une codétermination des modalités de la mesure par les parents et le service auquel les enfants sont confiés (Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-25.894). Cette possibilité de délégation est toutefois encadrée par la condition, au demeurant essentielle, que l’exercice de ce droit demeure sous le contrôle du juge et non sous le contrôle, proscrit, du service gardien.
L’argument du demandeur selon lequel le juge était en l’espèce tenu de spécifier la durée de la mesure ainsi que celle des rencontres décidées au titre de l’assistance éducative est en conséquence écarté.
Références :
■ Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-16.709 : D. 2018. 641, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2017. 351, obs. M. Saulier ; RTD civ. 2017. 625, obs. J. Hauser
■ Civ. 1re, 23 nov. 2011, n° 10-23.391 : D. 2011. 2934 ; ibid. 2012. 635, chron. B. Vassallo et C. Creton ; ibid. 2267, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2012. 46, obs. C. Siffrein-Blanc ; RTD civ. 2012. 111, obs. J. Hauser
■ Civ. 1re, 28 mai 2015, n° 14-16.511 : D. 2015. 1207 ; ibid. 2016. 674, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2015. 399, obs. S. Thouret ; RTD civ. 2015. 600, obs. J. Hauser
■ Civ. 1re, 10 juin 2015, n° 14-12.592 : D. 2016. 674, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2015. 398, obs. S. Thouret ; RTD civ. 2015. 600, obs. J. Hauser
■ Civ. 1re, 12 juin 2024, n° 22-15.694 : AJ fam. 2024. 519, obs. B. Mallevaey
■ Civ. 2e, 7 oct. 1987, n° 86-15.198
■ Civ. 1re, 20 oct. 2021, n° 19-26.152 : D. 2021. 1921 ; ibid. 2022. 528, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 856, chron. C. Dazzan, I. Kloda, X. Serrier, S. Vitse, E. Buat-Ménard, A. Feydeau-Thieffry et C. Azar ; ibid. 1574, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2021. 625, obs. L. Gebler ; RTD civ. 2022. 110, obs. A.-M. Leroyer ; ibid. 198, obs. N. Cayrol
■ Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-25.313 : D. 2020. 79 ; ibid. 2021. 499, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2020. 182, obs. F. Eudier ; RTD civ. 2020. 360, obs. A.-M. Leroyer
■ Civ. 1re, 15 janv. 2020, n° 18-25.894 : AJ fam. 2020. 182 ; RTD civ. 2020. 360, obs. A.-M. Leroyer
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