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[ 4 septembre 2012 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Précisions sur l’octroi du statut de réfugié concernant un étranger homosexuel

Mots-clefs : Statut de réfugié, Étranger, Groupe social, Persécutions, Homosexualité, Orientation sexuelle

Une personne persécutée dans son pays d’origine en raison de son orientation sexuelle appartient à un « groupe social » pouvant justifier l’octroi du statut de réfugié par la France même si cette personne ne manifeste pas publiquement cette orientation et si son pays d’origine ne condamne pas pénalement cette pratique.

En l’espèce une personne de nationalité congolaise s’était vue refuser par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) le statut de réfugié (CESEDA, art. L. 711-1) au motif qu’elle n’établissait pas la manifestation de son orientation sexuelle et que le code pénal de la République démocratique du Congo ne réprimait pas l’homosexualité. Le Conseil d’État annule cette décision dans un arrêt du 27 juillet 2012 en interprétant l’article 1er paragraphe A, 2° de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et l’article 10, paragraphe 1 d) de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts.

Selon l’article précité de la convention de Genève la qualité de réfugié est reconnue pour toute personne craignant avec raison d’être persécutée en raison de 5 motifs : race ; religion ; nationalité ; opinions politiques ; appartenance à un certain groupe social. Concernant l’homosexualité, il est uniquement possible de se fonder sur le critère de l’appartenance à un « groupe social ». La directive du 29 avril 2004 précitée vient préciser cette notion de « groupe social » qui « peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle ». Dans l’arrêt du 27 juillet 2012, le Conseil d’État donne une définition du « groupe social » en s’inspirant de celle issue de la directive de 2004. Celui-ci est « constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ». La façon dont sont perçus les homosexuels dans le pays d’origine est primordiale pour considérer si ces personnes appartiennent à un groupe social particulier pouvant être persécuté en raison de leur orientation sexuelle. Le Conseil d’État préconise donc de prendre en compte le regard porté sur les homosexuels par la société ou les institutions qui peut leur faire craindre d’être persécutés en raison même de leur appartenance à ce groupe (v. CE 23 août 2006, OFPRA c/ Mlle Shpak).

Par ailleurs, selon les juges du Palais Royal, l’octroi du statut de réfugié en raison de persécutions liées à l’appartenance à un groupe social fondé sur des orientations sexuelles communes ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne sollicitant le statut de réfugié « dès lors que le groupe social (…) n’est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l’existence objective de caractéristiques qu’on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions ». Enfin, l’appréciation de la réalité des persécutions à raison de cette appartenance peut « reposer soit sur des dispositions de droit commun abusivement appliquées au groupe social considéré, soit sur des comportements émanant des autorités, encouragés ou favorisés par ces autorités ou même simplement tolérés par elles ». Le fait qu’il n’existe aucune disposition pénale spécifique réprimant l’homosexualité dans le pays d’origine est sans incidence sur la réalité du risque de persécution.

CE 27 juill. 2012, M. B., n° 349824

Références

■ http://www.cnda.fr/

■ CE 23 août 2006, OFPRA c/ Mlle Shpak, req. n° 272679, Lebon ; AJDA 2006. 2086 ; V. Fraissinier-Amiot, « Les homosexuels étrangers et le droit d’asile en France : un octroi en demi-teinte », RFDA 2011. 291.

 Article L. 711-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

« La qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la Convention de Genève susmentionnée. »

■ Article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, entrée en vigueur le 22 avril 1954 (extrait)

« Définition du terme "réfugié"

A. Aux fins de la présente convention, le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne :

(…)

(2) Qui, par suite d’événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

Dans le cas d’une personne qui a plus d’une nationalité, l’expression « du pays dont elle a la nationalité » vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s’est pas réclamée de la protection de l’un des pays dont elle a la nationalité.

(…) »

■ Article 10 de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (extrait)

« Motifs de la persécution

1. Lorsqu'ils évaluent les motifs de la persécution, les États membres tiennent compte des éléments suivants:

(…)

d) un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier:

– ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l'identité ou la conscience qu'il ne devrait pas être exigé d'une personne qu'elle y renonce, et

– ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu'il est perçu comme étant différent par la société environnante.

En fonction des conditions qui prévalent dans le pays d'origine, un groupe social spécifique peut être un groupe dont les membres ont pour caractéristique commune une orientation sexuelle. L'orientation sexuelle ne peut pas s'entendre comme comprenant des actes réputés délictueux d'après la législation nationale des États membres. Les aspects liés à l'égalité entre les hommes et les femmes pourraient être pris en considération, sans pour autant constituer en soi une présomption d'applicabilité du présent article;

(…) »

 

Auteur :C. G.

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