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Droit de la sécurité sociale - protection sociale
Préjudice d'agrément : nouveau revirement
Mots-clefs : Accident du travail, Faute inexcusable de l'employeur, Indemnisation complémentaire, Préjudice d'agrément (définition), Préjudice sexuel
Par deux arrêts du 8 avril 2010, la deuxième chambre civile revient sur l'étendue du préjudice d'agrément.
Dans une première affaire (n° 09-11.634), un employeur contestait le montant alloué, au titre du préjudice d'agrément, au salarié victime d'un accident du travail ayant eu le bras droit happé par une machine. Il reprochait à la cour d'appel, sur le fondement de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, de ne pas avoir constaté que la victime justifiait avoir effectivement et personnellement pratiqué, avant l'accident, une quelconque activité ludique, sportive ou occupationnelle, et de ne pas avoir précisé en quoi les séquelles retenues par l'expert constituaient nécessairement un handicap, voire un obstacle aux actes les plus courants de la vie quotidienne et une atteinte constante à la qualité de vie de la victime.
La deuxième chambre civile rejette ce moyen, estimant que la cour d'appel « ne s'est pas déterminée par une disposition générale mais par une analyse des circonstances de la cause et [qu'elle] a souverainement apprécié l'existence et l'étendue du préjudice d'agrément subi par M. X. ainsi que le montant de l'indemnité propre à en assurer la réparation ». Elle précise au passage qu'« au sens de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, le préjudice d'agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d'existence ».
La Haute cour réitère cette définition dans une seconde affaire (n° 09-14.047), s'agissant de la victime d'un accident du travail bénéficiaire d'une rente au taux d'incapacité de 100 %, en précisant que le préjudice d'agrément inclut « notamment le préjudice sexuel ». Relevant que, selon le médecin expert, M. X. ne pouvait plus avoir de relations sexuelles, elle estime que « par ce seul motif, et abstraction faite de la considération erronée mais surabondante selon laquelle le préjudice sexuel est distinct du préjudice d'agrément, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'allouer à la victime un préjudice complémentaire de ce chef ».
On pouvait croire, depuis un arrêt du 28 mai 2009 (Civ. 2e, 28 mai 2009), que la définition du préjudice d'agrément était désormais celle de la nomenclature Dintilhac (celui-ci qui « vise exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs »). Or, ces deux arrêts, qui se réfèrent au préjudice « qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d'existence », traduisent un retour à la jurisprudence antérieure (Ass. plén. 19 déc. 2003), et donc à une conception moins restrictive du préjudice d'agrément, incluant le préjudice sexuel (v. déjà Lyon, 25 oct. 1995 ; Civ. 2e, 14 févr. 2007). Un revirement sans doute plus conforme à l'esprit du législateur —qui avait, en 2006, entendu réduire l'assiette des recours des tiers payeurs (et non l'étendre à des préjudices personnels indemnisés) —, mais rendu sous le seul visa du texte du Code de la sécurité sociale, et laissant donc subsister deux définitions du préjudice d'agrément : l'une de « droit commun » de la responsabilité civile, l'autre de « droit spécial » de la sécurité sociale (applicable aux seules victimes d'accidents du travail dus à la faute inexcusable de leur employeur).
Civ. 2e, 8 avr. 2010, n° 09-11.634 et n° 09-14.047, FS-P+B
RéférencesRéférences
■ Article L. 452-3 du Code la sécurité sociale
« Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. »
■ Civ. 2e, 28 mai 2009, D. 2009. AJ 1606, obs. Gallmeister ; ibid. 2010. Pan. 49, obs. Brun et Gout ; RTD civ. 2009. 534, obs. Jourdain ; JCP 2009. Chron. 248, Bloch, spéc. n° 1.
■ Ass. plén. 19 déc. 2003, Bull. civ. n° 8 ; D. 2004. Jur. 161, note Lambert-Faivre ; ibid. 2005. Pan. 185, obs. Delebecque, Jourdain et Mazeaud ; RTD civ. 2004. 300, obs. Jourdain.
■ Civ. 2e, 14 févr. 2007, n° 05-11.819.
■ v. aussi, P. Sargos, « Le point sur la réparation des préjudices corporels après deux arrêts du 8 avril 2010 : un revirement bienvenu mais une incohérence maintenue », D. 2010. Point de vue. à paraître.
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