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Prénom de l’enfant : point sur les dernières évolutions
Parachevant la politique de libéralisation du prénom de l’enfant engagée il y a trente ans, les pouvoirs législatif, exécutif comme judiciaire s’accordent désormais à reconnaître la liberté de l’élève transgenre à porter un prénom d’usage conforme à son identité sexuelle et à la politique scolaire inclusive de lutte contre les discriminations.
■ Choix du prénom de l’enfant : une libéralisation en expansion – Le prénom permet d’identifier un individu au sein de sa famille et de la société. Autrefois appelé « nom de baptême », il était, dans l’ancien droit, l’élément principal d’identification sociale de l’individu. Puis en devenant un élément d’individualisation de l’enfant à l’intérieur de sa famille, le déclin de sa fonction sociale avait pu être observé, d’aucuns regrettant qu’il soit même devenu un « accessoire décoratif » à la disposition des parents, devenus progressivement libres de son attribution (J. Hauser, RTD civ. 1993. 559).
Récemment, le prénom a connu un regain de vitalité en recouvrant sa fonction sociale originelle mais sous un angle identitaire nouveau (identité de genre) et paradoxalement, c’est par le renforcement de la liberté individuelle de choisir un prénom que sa fonction sociale a pu ainsi être ranimée.
Le Conseil d’État vient d’en fournir un exemple tout à fait significatif, en rejetant le recours dirigé contre une circulaire du 29 septembre 2021 qui prescrit l’emploi, par les personnels de l’Éducation nationale, du prénom d’usage choisi par les élèves transgenres. Participant d’une politique de sensibilisation de la communauté éducative aux situations de transidentité, cette circulaire reconnaît non seulement la possibilité de l’élève de porter le prénom de son choix, i. e. distinct de celui inscrit sur son état civil, mais elle prévoit l’usage de ce prénom par l’ensemble du personnel éducatif. Si le port d’un prénom d’usage par l’enfant n’est pas nouveau, ce prénom était jadis choisi par les parents, et échappait à toute réglementation. Désormais, c’est l’enfant qui se voit juridiquement reconnaître la liberté de choisir un prénom d’usage reflétant socialement son identité de genre. Ainsi la circulaire précitée, et que le Conseil d’État vient de valider, parachève le mouvement de libéralisation dans le choix du prénom de l’enfant qui, loin de l’affaiblir, en conforte et en renouvelle le rôle.
En effet, si ce libéralisme a d’abord été instauré au profit des parents de l’enfant, c’est désormais ce dernier qui en bénéficie, le prénom devenant ainsi le résultat d’un libre choix relevant à la fois de la sphère intime et du champ politique.
■ Le prénom : un choix volontaire des parents – Le prénom, à l’inverse du nom de famille, n’est pas imposé par la filiation et se trouve ainsi soustrait aux règles d’attribution légales. Le prénom est le fruit d’un choix volontaire des parents de l’enfant. Pendant longtemps, cette liberté était toutefois limitée par l’obligation d’attribuer un prénom calendaire, ou historique (L. du 11 germinal an XI, art. 1er), mais progressivement, une tolérance face au choix de prénoms absents des sources indiquées, notamment de prénoms étrangers, fut observée en pratique et même encouragée par instruction ministérielle (Instr. min. 12 avr. 1966 modifiant l’instruction générale relative à l’état civil, JO 3 mai 1966), avant que la fameuse loi du 8 janvier 1993 abrogea le droit ancien pour consacrer le principe de la liberté des parents dans l’attribution du prénom de leur enfant.
■ Le prénom d’usage : un choix volontaire de l’enfant - Ce mouvement de libéralisation a connu une récente extension en matière éducative. Conformément à la politique scolaire inclusive voulue par le législateur (C. éduc., art. L. 111-1 : le service public de l’éducation « contribue à l’égalité des chances » et « veille à la scolarisation inclusive des enfants, sans aucune distinction »), la circulaire précitée prescrit l’emploi, au titre des mesures individuelles susceptibles d’être mises en place pour accompagner un ou une élève transgenre, du prénom d’usage choisi par l’élève dans tous les documents relevant de l’organisation interne de l’établissement (listes d’appel, carte de cantine, carte de bibliothèque, etc.) ainsi que dans les espaces numériques (ENT). Cette ligne directrice repose sur le constat que « pour de nombreux jeunes transgenres d’âge scolaire, la reconnaissance sociale de l’identité de genre passe par le recours à un prénom d’usage », l’usage de ce dernier constituant souvent, d’ailleurs, une étape nécessaire et préalable à la modification de l’état civil lorsque celle-ci est souhaitée. D’un élément d’identification sociale, le prénom était devenu un élément d’individuation de l’enfant au sein de sa famille. On comprend qu’il redevient un élément d’identification sociale, mais autrement que par le passé : d’une part, le prénom se présente ici comme un élément d’identification sociale dans le cadre exclusif et restreint de cette micro-société qu’est l’école ; d’autre part, la fonction sociale qui lui est assignée est nouvelle, le prénom assurant une fonction identitaire, au sens politique du terme (identité de genre), qui l’éloigne de sa fonction première d’identification sociale (isoler la personne en l’individualisant du reste de la société) : le prénom devient donc un élément d’identification du genre de l’enfant dans son environnement social scolaire. Mêlant l’individuel au collectif, son caractère privé et sa fonction sociale, le prénom relève ainsi, désormais, d’un choix à la fois intime et politique.
■ Le prénom : un choix intime et politique – Qu’il soit d’usage ou officiel, attribué par les parents ou choisi par l’enfant, le prénom revêt en toutes hypothèses « un caractère intime et affectif » (CEDH 24 oct.1996, Gaillot c/ France, n° 15773/89). À celui-ci doit être adjoint un rôle politique. En ce sens, le Conseil d’État insiste sur le but poursuivi par la circulaire de lutter contre les discriminations (Conv. EDH, art. 14) fondées sur le genre : « en préconisant ainsi l’utilisation du prénom choisi par les élèves transgenres dans le cadre de la vie interne des établissements, la circulaire attaquée (…) a entendu contribuer à la scolarisation inclusive de tous les enfants conformément aux dispositions de l’article L. 111-1 du code de l’éducation », les restrictions imposées aux élèves dans l’expression sociale de leur identité devant être « appliquées sans distinction selon le genre ». De même qu’un prénom peut être modifié par souci de préserver son identité culturelle (Civ. 1re, 22 juin 1999, n° 97-14.794), un prénom peut aussi être adopté à l’effet de voir reconnaître socialement son identité sexuelle, au soutien de la politique de lutte contre toute forme de discrimination.
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