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Droit des obligations
Prescription et terme de la créance
Mots-clefs : Prescription, Forclusion, Durée contractuelle, Caution, Obligation de règlement, Expiration
La clause qui fixe un terme au droit d’agir du créancier a pour effet qu’à son terme, le droit du créancier est atteint par la forclusion.
Par acte authentique du 2 novembre 2004, une banque avait consenti deux ouvertures de crédit à une société, remboursables le 30 septembre 2006, garanties par une caution solidaire à concurrence d'une certaine somme pour la durée des crédits prolongée de deux ans, l'acte précisant que ce délai supplémentaire était prévu pour permettre à la banque d'agir contre la caution au titre de son obligation de règlement. Le 27 mai 2011, la banque avait demandé la saisie des rémunérations de la caution en exécution de son engagement. Cette dernière lui avait opposé l'extinction de son obligation de règlement, acquise au 30 septembre 2008.
« Pour autoriser la saisie des rémunérations sollicitée par la banque, la cour d’appel retint que la clause selon laquelle la caution s'était engagée pour la durée du prêt, prolongée de deux ans pour permettre à la banque d'engager une action en paiement, devait être analysée comme un aménagement du délai de prescription et que ce délai ayant été interrompu par l'effet de la déclaration de créance de la banque au passif de la procédure du redressement judiciaire ouverte contre la société emprunteuse le 26 juin 2007, convertie en liquidation judiciaire le 16 décembre 2008 et non clôturée à ce jour, de sorte que l'action contre la caution, engagée le 27 mai 2011, cependant que le délai conventionnel de prescription de deux ans demeurait interrompu, ne s’était donc trouvée affectée d'aucune déchéance ».
Cette décision est cassée par la Cour, qui rappelle que la clause qui fixe un terme au droit d'agir du créancier institue un délai de forclusion et reproche en conséquence aux juges du fond d’avoir méconnu les termes de l’article 1134 du Code civil alors même qu'elle avait constaté que la clause par laquelle la caution était engagée pour la durée du prêt, prolongée de deux années pour permettre à la banque d'agir contre elle au titre de son obligation de règlement, avait pour objet de fixer un terme à cette action, ce dont il résulte que le délai imposé à la banque était un délai de forclusion et non de prescription.
Cette décision rappelle la nécessité de ne pas confondre la prescription du titre exécutoire et la forclusion résultant de l'extinction de l'obligation contractuelle qu'il constate. En appel, la saisie des rémunérations avait été accordée par les juges à la banque au motif que la stipulation contractuelle relative à la durée de l’engagement ne saurait faire échec au délai de prescription en matière d'exécution d'un titre exécutoire, lequel avait été interrompu par l’effet de la déclaration par la banque de sa créance au passif du débiteur principal. Ainsi le juge d'appel avait-il assimilé à tort la durée de l'obligation contractuelle à une prescription dont la durée aurait été aménagée.
En réalité, au terme des cinq années prévues par la stipulation contractuelle, seul le droit substantiel se trouvait éteint, et non la prescription du titre. La chambre commerciale avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de sanctionner les juges du fond pour avoir opéré une telle confusion dans une affaire qui mérite d’être rapprochée de celle rapportée. Assignée en paiement par son bailleur, à la suite d’une résiliation anticipée du bail, une banque qui garantissait le paiement des loyers lui avait opposé la caducité de son engagement, l'appel à la garantie ayant été effectué au-delà du délai de trois mois expressément prévu dans l'acte de caution, pour sa mise en jeu. Saisie par le bailleur, la cour d’appel condamna la caution au paiement considérant que ce « délai contractuel est un délai de prescription puisque, selon l'engagement de caution, il a pour conséquence d'y mettre un terme en le rendant caduc et qu'en application de l'article 2254 du Code civil, ce délai ne saurait être réduit à moins d'un an ». La Cour de cassation censura cette décision au visa de l'article 1134 du Code civil, jugeant qu’ « en statuant ainsi, alors que la caution était fondée en application de la convention des parties, à invoquer le non-respect du délai expressément prévu pour la mise en jeu de son engagement (…) ». Ainsi, et plus concrètement, dès lors que l'acte de caution contient une clause précisant que le cautionnement ne pourra être appelé passé un délai fixé dans l'acte, la caution est fondée à invoquer le non-respect de ce délai pour refuser d’exécuter son engagement (Com., 15 oct. 2013, n°12-21.704).
Cependant, s'il est possible de convenir que les poursuites contre la caution ne peuvent pas intervenir après le terme fixé et de limiter ainsi dans le temps son obligation de règlement (obligation qu’a la caution de régler la dette du débiteur principal en cas de non-paiement de celui, cette obligation naissant en même temps que la dette du débiteur principal) comme son obligation de couverture (obligation qu’a la caution omnibus de garantir les dettes qui naîtront éventuellement dans le futur, de « couvrir » par la garantie qu’elle a donné des dettes qui ne sont pas encore nées à la date de son engagement mais qui pourront naître dans le futur), il convient que la clause prévoyant cette limitation de durée soit clairement et précisément déterminée dans l’acte.
Com. 26 janv. 2016, n° 14-23.285
Références
■ Com., 15 oct. 2013, n°12-21.704, D. 2013. 2460 ; RTD civ. 2014. 120, obs. H. Barbier ; ibid. 155, obs. P. Crocq ; ibid. 705, obs. P. Théry
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