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Droit européen et de l'Union européenne
Présomption de causalité entre une pollution et un exploitant dont les installations sont proches de cette pollution
Mots-clefs : Environnement, Pollution, Pollueur-payeur, Responsabilité, Présomption de causalité
En application de la directive sur la responsabilité environnementale, les exploitants qui ont des installations à proximité d’une zone polluée peuvent être présumés responsables de cette pollution, du fait de cette proximité. Ainsi vient d’en décider la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 9 mars 2010.
Saisie par la justice italienne d’une question préjudicielle, la CJUE revient sur l’application du principe pollueur-payeur. Consacré à l’article 174 CE, ce principe fondamental de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 prévoit que l’exploitant dont l’activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d’un tel dommage est tenu pour financièrement responsable.
L’obligation de réparation n’incombe aux exploitants qu’en raison de leur contribution à la génération de la pollution ou au risque de pollution (v. par analogie, CJCE, 24 juin 2008, Commune de Mesquer).
Toutefois, comme le souligne la Cour, si un tel lien de causalité peut être aisément établi lorsque l’on est en présence d’une pollution circonscrite dans l’espace et dans le temps, qui est le fait d’un nombre restreint d’opérateurs, tel n’est pas le cas s’agissant de phénomènes de pollution à caractère diffus.
Ainsi, la directive du 21 avril 2004 prévoit qu’en présence d’une telle pollution, un régime de responsabilité ne constitue pas un instrument approprié lorsque le lien de causalité ne peut pas être établi. Par conséquent, aux termes de l’article 4, paragraphe 5, de la directive 2004/35, celle-ci ne s’applique à ce type de pollution que lorsqu’il est possible d’établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants.
Le 9 mars 2010, la CJUE considère, pour sa part, que la directive 2004/35 sur la responsabilité environnementale ne s’oppose pas à une réglementation nationale permettant à l’autorité compétente de présumer l’existence d’un lien de causalité, y compris dans le cas de pollutions à caractère diffus, entre des exploitants et une pollution constatée, en raison de la proximité de leurs installations avec la zone de pollution.
Cependant, pour présumer un tel lien de causalité, cette autorité doit disposer d’indices plausibles susceptibles de fonder sa présomption, tels que la proximité de l’installation de l’exploitant avec la pollution constatée et la correspondance entre les substances polluantes retrouvées et les composants utilisés par l’exploitant dans le cadre de ses activités.
Lorsque l’autorité compétente dispose de tels indices, celle-ci est alors en mesure d’établir un lien de causalité entre les activités des exploitants et la pollution diffuse constatée. Conformément à la réglementation communautaire, une telle situation relèvera alors du champ d’application de la directive, à moins que ces exploitants soient en mesure de renverser cette présomption.
Ce faisant, la CJUE poursuit le but pragmatique de renforcer l’efficacité de la réglementation communautaire en matière environnementale. Une étape avait d’ailleurs déjà été franchie à l’occasion de l’affaire médiatique de l’Erika et l’arrêt de grande chambre du 24 juin 2008 de la Cour de justice, selon lequel le producteur du produit générateur de déchet est susceptible d’être tenu de supporter les coûts liés à l’élimination des déchets, non pas en qualité de producteur de déchets, mais parce qu’il a « contribué au risque de survenance de la pollution » (v. J. Makowiak).
CJUE, 9 mars 2010, aff. C-378/08, Raffinerie Mediterranee (ERG) SpA, Polimeri Europa SpA et Syndial SpA c/Ministero dello Sviluppo economico e.a.
Références
« Dans le droit communautaire, acte liant les États membres destinataires quant au résultat à atteindre, tout en leur laissant le choix des moyens et de la forme. »
« Mode de raisonnement juridique en vertu duquel de l’établissement d’un fait on induit un autre fait qui n’est pas prouvé. La présomption est dite de l’homme (ou du juge) lorsque le magistrat tient lui-même et en toute liberté ce raisonnement par induction, pour un cas particulier ; elle n’est admise que lorsque la preuve par témoins est autorisée.
La présomption est légale, c’est-à-dire instaurée de manière générale, lorsque le législateur tire lui-même d’un fait établi un autre fait dont la preuve n’est pas apportée. La présomption légale est simple lorsqu’elle peut être combattue par la preuve du contraire. Lorsque la présomption ne peut être renversée, elle est dite irréfragable ou absolue.
On qualifie présomption mixte la présomption dont la preuve contraire est réglementée par le législateur, qui restreint les moyens de preuve ou l’objet de la preuve. »
« La question préjudicielle est celle qui oblige le tribunal à surseoir à statuer jusqu’à ce qu’elle ait été soumise à la juridiction compétente qui rendra à son sujet un acte de juridiction. On distingue les questions préjudicielles générales qui relèvent de la compétence d’un autre ordre de juridiction (question administrative, question pénale) et les questions préjudicielles spéciales dont la solution dépend d’une autre juridiction appartenant au même ordre. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Traité sur l’Union Européenne
Troisième partie : Les politiques de la communauté
Titre XIX : Environnement
Article 174
« 1. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :
- la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement,
- la protection de la santé des personnes,
- l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles,
- la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement.
2. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur.
Dans ce contexte, les mesures d'harmonisation répondant aux exigences en matière de protection de l'environnement comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre, pour des motifs environnementaux non économiques, des mesures provisoires soumises à une procédure communautaire de contrôle.
3. Dans l'élaboration de sa politique dans le domaine de l'environnement, la Communauté tient compte :
- des données scientifiques et techniques disponibles,
- des conditions de l'environnement dans les diverses régions de la Communauté,
- des avantages et des charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence d'action,
- du développement économique et social de la Communauté dans son ensemble et du développement équilibré de ses régions.
4. Dans le cadre de leurs compétences respectives, la Communauté et les États membres coopèrent avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes. Les modalités de la coopération de la Communauté peuvent faire l'objet d'accords entre celle-ci et les tierces parties concernées, qui sont négociés et conclus conformément à l'article 300.
L'alinéa précédent ne préjuge pas la compétence des États membres pour négocier dans les instances internationales et conclure des accords internationaux. »
■ Art. 4, para. 5 de la directive Parl. et Cons. CE 2004/35 du 21 avril 2004
« 5. La présente directive s'applique uniquement aux dommages environnementaux ou à la menace imminente de tels dommages causés par une pollution à caractère diffus, lorsqu'il est possible d'établir un lien de causalité entre les dommages et les activités des différents exploitants. »
■ Dir. Parl. et Cons. CE 2004/35 du 21 avril 2004.
■ CJCE, 24 juin 2008, aff. C-188/07, Commune de Mesquer, Rec. p. I 4501, point 77 ; Europe 2008, n° 8, comm. 280, obs. D. Simon.
■ J. Makowiak, « Spécificité de l’ordre juridique communautaire et pragmatisme de la Cour : ou comment lutter efficacement contre les pollutions maritimes », RTD eur. 2009. 402.
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