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Droit bancaire - droit du crédit
Prestataire de services d’investissement : pas d’obligation de proposer au client d’investir les fonds conservés sur l’un de ses comptes
Mots-clefs : Épargne, Produits financiers, Banque dépositaire, PEA, Responsabilité (non), Absence de preuve de la faute, Absence de manquement au devoir de conseil
Le détenteur d'un PEA bancaire qui n'a pas confié de mandat de gestion à la banque n'est pas fondé à reprocher à celle-ci d’avoir manqué aux règles de bonne conduite et au devoir de conseil qui lui incombent en s'étant abstenue de lui proposer de placer les fonds conservés sur le compte en espèces adossé au plan.
L'article L. 533-4 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 , relatif aux règles de bonne conduite des prestataires de services d'investissement (PSI), les contraignant à se conformer au mieux aux intérêts de leurs clients, n'impose cependant pas à une banque de proposer à son client d'investir les fonds conservés sur l'un de ses comptes. Tel est le sens de la décision rapportée.
En l'espèce, un client ayant souscrit auprès d’une banque, en novembre 1995, un plan d'épargne en actions (PEA) sans pour autant lui confier de mandat de gestion et avait demandé à celle-ci, en octobre 2007, le transfert de son PEA vers un autre établissement. Considérant avoir subi un préjudice né du défaut de valorisation des fonds conservés sur le compte-espèces de ce plan, lui-même causé par une information erronée reçue de la banque, il reprocha à celle-ci un manquement à son obligation de conseil et lui demanda réparation.
À l'appui de sa demande, il soutenait, d'une part, avoir été informé par la banque que les parts du fonds commun de placement (FCP), qu'il souscrivait habituellement pour obtenir une rémunération des fonds en attente sur le compte espèces, n'étaient plus éligibles au plan d'épargne en actions. Il invoquait, d’autre part, un manquement de la banque à l'obligation d'agir au mieux de ses intérêts, obligation qui aurait dû la conduire à lui proposer d'investir ses fonds disponibles dans ce fonds commun de placement.
Ses demandes furent rejetées en appel, la cour retenant, d’une part, le manquement du client à la charge qui lui incombait de prouver la délivrance d’un conseil erroné et niant, d’autre part, toute faute de la banque, laquelle n’avait pas l’obligation de proposer à son client d’investir les fonds conservés sur l’un des comptes litigieux.
Le client forma alors un pourvoi en cassation, qui fut rejeté par la chambre commerciale.
Celle-ci confirme l’analyse des juges du fond. D’une part, le client ne justifiait pas des demandes qu'il prétendait avoir formulées à partir de 2005-2006 auprès de la banque pour souscrire des parts de fonds communs de placements au moyen du compte espèces adossé à son PEA et des refus qu'elle lui aurait opposés. D'autre part, ni le contenu de l'ordre de transfert, ni la proposition faite à titre commercial par la banque n'établissait la réalité de l'information erronée quant à l'éligibilité du fonds commun de placement susvisé au PEA. Ainsi, la cour d'appel, faisant ressortir qu'il n'était pas établi que l'information litigieuse avait été communiquée par la banque au client, a-t-elle légalement justifié sa décision.
Enfin, en affirmant que l'article L. 533-4 du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, applicable en l'espèce, n'imposait pas à une banque de proposer à son client d'investir les fonds conservés sur l'un de ses comptes, la Cour de cassation en conclut qu'aucune faute de la banque en rapport avec le préjudice allégué n'était établie. En effet, en l'absence de mandat de gestion du PEA, la banque, tout en restant liée par les règles de bonne conduite qui lui imposent, en sa qualité de prestataire de services d'investissement, d'exercer son activité avec soin et diligence, au mieux des intérêts de ses clients, restait libre de proposer à son client d'investir les fonds conservés sur l'un de ses comptes. L’article L. 533-4 du Code monétaire et financier, dans sa version applicable à l’époque des faits litigieux, faisait certes obligation aux prestataires de services d’investissement de s’enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d’investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés, mais de cette obligation légale de se renseigner, dont dépendent la pertinence et l’adéquation aux besoins du client de l’information et du conseil à livrer , ou de la mise en garde à opérer , ne peut être déduite une obligation de conseil quant au fonctionnement d’un compte, en l’espèce adossé à un PEA, en l’absence de risque.
Ainsi, même si les fonds placés sur ledit compte en espèces le sont dans l'attente de leur investissement en titres et ne sont pas rémunérés, la banque n'est pas tenue, en l’absence de risque, d'un devoir de conseil sur le fonctionnement de ce compte. Déjà énoncée par la cour d’appel, cette règle est formulée en des termes plus larges par la Cour de cassation qui, au-delà du PEA, exclut toute obligation pour un PSI « de proposer à son client d'investir les fonds conservés sur l'un de ses comptes ». Dans un contexte général qui vise à renforcer les obligations de conseil, de soin et de diligence des PSI (V. C. mon. fin., art. L. 533-13, issue de l’Ord. n° 2007-544 du 12 avr. 2007), cette décision mérite incontestablement d’être relevée.
Com. 8 avril 2015, n° 14-10.058
Références
■ Code monétaire et financier
Article L. 533-4 dans sa rédaction issue de la L. n° 2003-706 du 1er août 2003, rédaction applicable à l’époque des faits litigieux.
« Les prestataires de services d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 ainsi que les personnes mentionnées à l'article L. 214-83-1, sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations.
Ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers.
Elles portent, le cas échéant, sur les services connexes que ces prestataires sont susceptibles de fournir.
Elles obligent notamment à :
1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;
2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;
3. Etre doté des ressources et des procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en oeuvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité ;
4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ;
5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients ;
6. S'efforcer d'éviter les conflits d'intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veiller à ce que leurs clients soient traités équitablement ;
7. Se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de leurs activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de leurs clients et l'intégrité du marché.
8. Pour les sociétés de gestion de portefeuille, exercer les droits attachés aux titres détenus par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières qu'elles gèrent, dans l'intérêt exclusif des actionnaires ou des porteurs de parts de ces organismes de placement collectif en valeurs mobilières et rendre compte de leurs pratiques en matière d'exercice des droits de vote dans des conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. En particulier, lorsqu'elles n'exercent pas ces droits de vote, elles expliquent leurs motifs aux porteurs de parts ou actionnaires des organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu. »
« I. En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement s'enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d'investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d'investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation.
Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations requises, les prestataires s'abstiennent de leur recommander des instruments financiers ou de leur fournir le service de gestion de portefeuille pour compte de tiers.
II. En vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d'investissement demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d'investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent.
Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations nécessaires ou lorsque les prestataires estiment, sur la base des informations fournies, que le service ou l'instrument ne sont pas adaptés, les prestataires mettent en garde ces clients, préalablement à la fourniture du service dont il s'agit.
III. Les prestataires de services d'investissement peuvent fournir le service de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers ou le service d'exécution d'ordres pour le compte de tiers sans appliquer les dispositions du II du présent article, sous les conditions suivantes :
1. Le service porte sur des instruments financiers non complexes, tels qu'ils sont définis dans le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
2. Le service est fourni à l'initiative du client, notamment du client potentiel ;
3. Le prestataire a préalablement informé le client, notamment le client potentiel, de ce qu'il n'est pas tenu d'évaluer le caractère approprié du service ou de l'instrument financier ;
4. Le prestataire s'est conformé aux dispositions du 3 de l'article L. 533-10. »
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