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Droit de la famille
Prestation compensatoire et indemnisation d’un accident de la circulation
Mots-clefs : Divorce, Prestation compensatoire, Montant, Fixation, Sommes exclues, Compensation du handicap, Charge de la preuve
L’indemnité versée au titre de la réparation d’un préjudice corporel consécutif à un accident de la circulation ne figure au nombre des sommes exclues, par l’article 272, alinéa 2, du Code civil, des ressources prises en considération par le juge pour fixer la prestation compensatoire que dans la mesure où l’époux bénéficiaire établit qu’elle a compensé un handicap.
La fixation du montant de la prestation compensatoire n’en finit pas de poser des difficultés.
Cette prestation est destinée à compenser, autant que possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des anciens conjoints (C. civ., art. 270, al. 2).
Pour la détermination de son montant, l’article 271 du Code civil est généralement visé. Or l’article 272, alinéa 2, du Code civil doit également être pris en compte. Ce texte prévoit que : « Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne prend pas en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à la compensation d’un handicap ». Or la décision rapportée procède d’un rappel du champ d'application de ce texte, rappel bienvenu tant la nature exacte des sommes à exclure au titre de la compensation du handicap mérite encore d’être précisée.
En l’espèce, une fois le divorce d’un couple définitivement prononcé, une cour d’appel avait condamné l’époux à verser une prestation compensatoire à son ex-épouse, dont le montant fut fixé en considération des indemnités que celle-ci percevait en réparation du préjudice corporel causé par un accident de circulation subi quelques années auparavant.
Par la suite, l’épouse en contesta le montant devant la Cour de cassation car, selon elle, les sommes perçues par un époux ayant pour objet l’indemnisation d’un accident de circulation doivent relever des sommes exclues par l’article 272 du Code civil dès lors que ces sommes ne sont pas destinées à assurer un minimum de revenus à son bénéficiaire, mais revêtent un caractère indemnitaire. La demanderesse au pourvoi reprochait ainsi aux juges du fond de ne pas avoir justifié la nature mixte, indemnitaire et alimentaire, des sommes litigieuses, ce qui aurait dû les conduire, de toute façon, à écarter une seule partie des sommes perçues, et non leur totalité.
Son pourvoi est néanmoins rejeté au motif que « l’indemnité versée au titre de la réparation d’un préjudice corporel consécutif à un accident de la circulation ne figure au nombre des sommes exclues, par l’article 272, alinéa 2, du code civil, des ressources prises en considération par le juge pour fixer la prestation compensatoire que dans la mesure où l’époux bénéficiaire établit qu’elle a compensé un handicap. Les juges soulignent qu’en l’espèce, l’épouse : « n’ayant pas offert de prouver que l’indemnité litigieuse avait en tout ou partie pour objet de compenser le handicap résultant de l’accident dont elle avait été victime, c’est à bon droit que la cour d’appel l’a prise en considération au titre de ses ressources (…) ».
La première chambre civile réitère ici une solution déjà posée pour les pensions d'invalidité et pour l'allocation adultes handicapés, qui sont des ressources à prendre en compte pour déterminer le montant de la prestation compensatoire, et ne relèvent donc pas de la liste des sommes exclues par l'article 272, alinéa 2, du Code civil.
Ce texte, qui exclut en effet des ressources à prendre en compte pour fixer la prestation compensatoire les « sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et celles versées au titre de la compensation d'un handicap », a suscité des difficultés d’interprétation dans le cas, qui est celui de la décision rapportée, où les sommes perçues présentent un caractère mixte, alimentaire et indemnitaire.
Dans cette hypothèse, la première chambre civile avait déjà pu considérer que « l'allocation adultes handicapés, à la différence de la prestation de compensation, est destinée à garantir un minimum de revenus à l'allocataire et non à compenser son handicap » (Civ. 1re, 28 oct. 2009). Le caractère alimentaire de l’allocation l’emportait sur son caractère indemnitaire et se voyait ainsi écartée du champ d'application de l'article 272, alinéa 2. La solution fut, par la suite, étendue aux pensions d'invalidité (Civ. 1re, 9 nov. 2011 ; Civ. 1re, 26 sept. 2012) au motif qu’elles comprennent l'indemnisation « de pertes de gains professionnels et des incidences professionnelles de l'incapacité », ce qui sous-entend qu'elles ne servent pas à compenser le handicap mais à assurer un minimum de revenus à son bénéficiaire.
En l’espèce, le problème se posait dans les mêmes termes puisque les indemnités perçues par l’épouse avaient autant pour objet de compenser le handicap éventuel de la victime que de l’indemniser du préjudice subi. Si la Cour n’exclut pas que des indemnités de ce type soient prises en compte au titre de la compensation du handicap, elle requiert néanmoins de l’époux invoquant le bénéfice de leur exclusion de rapporter la preuve que ces indemnités visent, au moins pour partie, à compenser un handicap. Dans cette affaire, c’est parce qu’une telle preuve a manqué d’être rapportée que les sommes perçues par l’épouse ont été prises en compte pour le calcul du montant de la prestation compensatoire.
En somme, l’application du texte de l’article 272, alinéa 2, du Code civil aux indemnités ayant un caractère mixte soulève un problème plus vaste, celui de la charge de la preuve que de telles indemnités ont pour objet, même partiellement, de compenser un handicap.
Civ. 1re, 18 déc. 2013, n°12-29.127
Références
■ Civ. 1re, 28 oct. 2009, n°08-17.609, RTD civ. 2010. 91, obs. Hauser.
■ Civ. 1re, 9 nov. 2011, n°10-15.381, RTD civ. 2012. 103, obs. Hauser.
■ Civ. 1re, 26 sept. 2012, n°10-10.781, RTD civ. 2012. 717, obs. Hauser.
■ Code civil
« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »
« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
À cet effet, le juge prend en considération notamment :
– la durée du mariage ;
– l'âge et l'état de santé des époux ;
– leur qualification et leur situation professionnelles ;
– les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
– leurs droits existants et prévisibles ;
– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »
« Dans le cadre de la fixation d'une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l'occasion d'une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l'honneur l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge ne prend pas en considération les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et les sommes versées au titre du droit à compensation d'un handicap. »
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