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[ 6 janvier 2015 ] Imprimer

Droit de la famille

Prestation compensatoire et pension alimentaire : le rappel du principe de distinction

Mots-clefs : Famille, Divorce, Effets, Pension alimentaire, Prestation compensatoire, Ressource à prendre en compte (non)

La prestation compensatoire n’a pas à être incluse dans l’appréciation des ressources et des besoins de l’époux à qui elle est versée pour contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants.

Un jugement ayant prononcé le divorce d’un couple par consentement mutuel avait, dans le même temps et comme le requiert la procédure applicable à ce cas de divorce, homologué la convention portant règlement des effets du divorce. Celle-ci prévoyait, notamment, la fixation de la résidence des enfants mineurs du couple en alternance au domicile de chacun des parents, et le versement par le père à la mère d’une contribution à leur entretien et leur éducation. La mère avait fait appel du jugement à l’effet d’obtenir l’augmentation de cette contribution mensuelle.

Pour rejeter sa demande, la cour estima, d’une part, que sa situation financière ne s’était pas dégradée depuis le jugement de divorce et prit en compte, d’autre part, la somme de 500 euros qu’elle percevait depuis, mensuellement, à titre de prestation compensatoire.

Au visa des articles 371-2 et 373-2-2 du Code civil, relatifs à l’autorité parentale et à l’obligation d’éducation et d’entretien qui en découle, et de l’article 270, alinéa 2, du même code relatif à la prestation compensatoire, la décision des juges du fond est cassée au motif que « la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage, n’a pas à être incluse dans l’appréciation des ressources de l’époux à qui elle est versée pour la fixation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ». 

Quoique chacune participe des effets du divorce, la prestation compensatoire et la pension alimentaire — versée au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants — se distinguent.

Alors que la première, qui tend à compenser la disparité des conditions de vie causée par la rupture du mariage et la disparition de la vie commune qui résulte, ne relève que des effets du divorce entre époux, la seconde vise à assurer les dépenses d'entretien et d'éducation des enfants et ne concerne, en conséquence, que ces derniers qui en sont, en principe, les créanciers exclusifs. 

Plus précisément, la prestation compensatoire est destinée « à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des ex-époux (C. civ., art. 270, al. 2) ; elle « est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre » (C. civ., art. 271 al. 1er). Le législateur a dressé une liste non limitative de critères à prendre en considération dont, notamment, la durée du mariage, l’âge et l’état de santé des époux, leurs qualifications et situations professionnelles, leurs patrimoines, leurs revenus et situations respectives en matière de pension de retraite (C. civ., art. 271). 

Distinctement, la pension alimentaire vise à contraindre celui des parents chez lequel l’enfant ne réside pas habituellement à verser à l’autre parent une contribution pour son entretien et son éducation. Cette obligation découle de l’article 371-2 du Code civil aux termes duquel chacun des parents doit contribuer à l’entretien et à l’éducation de ses enfants proportionnellement à ses ressources, à celles de l’autre parent et aux besoins de l’enfant. Elle résulte de l’obligation alimentaire prévue par l’article 203 du Code civil selon lequel les parents doivent nourrir, entretenir et élever leurs enfants. Cette obligation ne pouvant logiquement plus s’exécuter en nature de la part du parent chez lequel l’enfant ne réside pas, elle prend alors la forme d’une pension alimentaire. 

Les finalités respectives et distinctes de la prestation compensatoire et de la pension alimentaire avaient déjà conduit les juges à affirmer, pour les exclure des ressources à prendre en compte pour déterminer le droit au bénéfice d’une prestation compensatoire, que « (l)es prestations destinées aux enfants ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux » (Civ. 1re, 6 oct. 2010).

Peu de temps après, la Cour avait, suivant la même analyse, décidé que « pour la détermination de la contribution des parents à l'entretien et à l'éducation des enfants, les allocations familiales peuvent être prises en compte au titre des ressources dont chacun d'eux dispose » (Civ. 1re, 17 nov. 2010).

Il était donc logique, qu’en l’espèce, la Cour réaffirme le principe selon lequel la prestation compensatoire n’a pas à être incluse dans l’appréciation des ressources et des besoins de l’époux à qui elle est versée pour déterminer le montant de la pension alimentaire devant bénéficier aux enfants (V. déjà Civ. 2e, 3 déc. 1997 Civ. 2e, 11 juill. 2002).

Concrètement, la pension alimentaire doit être versée à celui chez lequel l’enfant réside habituellement, ce dernier y contribuant, directement, en nature. Mais c’est en sa qualité de parent que la pension lui est due, et non en sa qualité d’ex-époux, ce qui explique que la prestation compensatoire dont il peut éventuellement bénéficier ne puisse être prise en compte, qu’il s’agisse de déterminer son droit à une pension ou, le cas échéant, d’évaluer le montant de celle-ci. 

Civ. 1re , 19 nov. 2014, n°13-23.732

Références

■ Civ. 1re, 6 oct. 2010n° 09-12.718.

 Civ. 1re, 17 nov. 2010, n°09-12.621.

 Civ. 2e, 3 déc. 1997, n°94-16.970.

■ Civ. 2e, 11 juill. 2002, n°01-10.170.

■ Code civil

Article 203

« Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. »

Article 270

« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.

L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.

Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »

Article 271

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

- la durée du mariage ;

- l'âge et l'état de santé des époux ;

- leur qualification et leur situation professionnelles ;

- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

- leurs droits existants et prévisibles ;

- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »

Article 371-2

« Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.

Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur. »

Article 373-2-2

« En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l'enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d'une pension alimentaire versée, selon le cas, par l'un des parents à l'autre, ou à la personne à laquelle l'enfant a été confié.

Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l'article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge. Cette convention ou, à défaut, le juge peut prévoir le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.

Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d'une prise en charge directe de frais exposés au profit de l'enfant.

Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d'un droit d'usage et d'habitation. »

 

Auteur :M. H.


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