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Droit de la famille
Prestation compensatoire : la disparité s’apprécie à la date du prononcé du divorce
Mots-clefs : Divorce, Prestation compensatoire, Demande en appel, Disparité de ressources, Date d’appréciation
La disparité dans les conditions de vie respectives des époux ne peut être appréciée sur des circonstances antérieures au prononcé du divorce qui relèvent des choix de vie de l’époux demandeur avant et depuis son mariage.
Un juge aux affaires familiales avait prononcé le divorce d’un couple pour altération définitive du lien conjugal. L’époux avait par la suite sollicité, en appel, l’octroi d’une prestation compensatoire. Pour rejeter cette demande, la cour releva que la disparité de ressources et de droits à la retraite résulte avant tout des choix personnels de l’appelant avant et depuis son mariage. Cette analyse est censurée par la première chambre civile, reprochant aux juges du fond d’avoir statué par un motif inopérant dès lors qu’il se fonde sur des circonstances antérieures au prononcé du divorce.
La prestation compensatoire est destinée « à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des époux (C. civ., art. 270, al. 2), et « est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle versée et les ressources de l’autre » (C. civ., art. 271, al. 1er). Son octroi dépend donc du constat par le juge d’une telle disparité ; il n’a donc rien d’automatique, quoiqu’il soit souvent sollicité.
En l’espèce, l’époux avait demandé le bénéfice de cette prestation en cause d’appel. Or la recevabilité de sa demande n’allait pas de soi. Certes, par principe, « les demandes reconventionnelles sont (…) recevables en appel » (C. pr. civ., art. 567) et la solution vaut, notamment, pour la prestation compensatoire.
Partant, si l’octroi d’une prestation compensatoire peut être sollicité pour la première fois devant les juges du second degré (v. par ex. Civ. 2e, 26 juin 1996), c’est à la condition, toutefois, que le prononcé du divorce ne soit pas encore passé en force de chose jugée (Civ. 1re, 14 juin 2005). Tout dépend alors du point de savoir, lorsqu’un appel du jugement de divorce est interjeté, si cet appel est général ou limité aux conséquences de la rupture. Dans le premier cas, le prononcé du divorce n’étant pas encore passé en force de chose jugée, il est alors possible de présenter pour la première fois, devant les juges du second degré, une demande de prestation compensatoire. Dans le second cas, le prononcé du divorce étant déjà passé en force de chose jugée, la demande sera en revanche déclarée irrecevable.
On comprend ainsi, qu’en l’espèce, l’appel interjeté par l’époux était général et non limité aux seules conséquences du divorce. Outre la question de la recevabilité de la demande se posait naturellement celle de son bien-fondé. Les juges du fond l’avaient contesté au motif que les disparités constatées auraient résulté des choix de vie faits par l’époux avant et depuis son mariage, notamment celui de cesser toute activité professionnelle en raison de son état de santé.
La cassation était attendue. En effet, selon l’article 271 du Code civil, « [l]a prestation compensatoire est fixée (…) en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible », ce dont la jurisprudence a déduit le principe selon lequel la disparité doit être appréciée à la date de la disparition du lien matrimonial.
Plus précisément, dans le cas d’un appel général, qui est celui de l’espèce, les juges du second degré doivent tenir compte de la situation telle qu’elle existe au jour où ils statuent ; lorsque le recours ne concerne que les effets du divorce, ils doivent en revanche se placer à la date à laquelle le divorce est devenu définitif.
Dans tous les cas, dans la mesure où la prestation compensatoire vise à compenser une disparité que la rupture du mariage a causée, seule la période du mariage doit être prise en considération pour apprécier le bien-fondé de la demande. C’est la raison pour laquelle la Cour rappelle, ici, que les choix de vie d’un époux antérieurs au mariage, même s’ils perdurent par la suite au cours du mariage, ne peuvent être pris en compte pour déterminer le droit au bénéfice d’une prestation compensatoire.
Une réserve a, toutefois, été apportée par la jurisprudence pour tenir compte d’une éventuelle séparation de fait des époux avant le prononcé du divorce ; « (D)ans la détermination des besoins et des ressources (…), le juge peut (toutefois) prendre en considération la durée de la vie commune postérieure à la célébration du mariage » (Civ. 1re, 18 déc. 2013). Autrement dit, le temps du mariage est ici regardé en fait plutôt qu’en droit, à l’effet d’ignorer les disparités apparues après la cessation de la vie commune dès lors que celles-ci ne résultent pas, comme le requiert l’article 270 du Code civil, de la dissolution de l’union. Pour la même raison, même dans l’hypothèse d’une vie commune des futurs époux, les disparités apparues avant le mariage doivent rester sans incidence puisqu’un tel déséquilibre ne peut logiquement résulter de la rupture du mariage qui, au moment où la disparité s’est créée, n’était pas encore conclu.
Civ. 1re, 16 sept. 2014, n°13-20.159
Références
■ Civ. 2e, 26 juin 1996, n°94-15.564, RTD civ. 1996. 884, obs. Hauser.
■ Civ. 1re, 14 juin 2005, n°04-12.373.
■ Civ. 1re, 18 déc. 2013, n°12-26.541, RTD civ. 2014. 347, obs. Hauser.
■ Code civil
« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »
« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
À cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »
■ Article 567 du Code de procédure civile
« Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel. »
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