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[ 1 juin 2023 ] Imprimer

Droit de la famille

Prestation compensatoire : limites à une première demande d’attribution en appel

Si la demande de prestation compensatoire, accessoire de la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel dès lors que la décision prononçant le divorce n'a pas acquis la force de la chose jugée, encore faut-il qu'un appel, principal ou incident, soit formé sur le prononcé du divorce et que cet appel soit recevable.

Civ. 1re, 11 mai 2023, n° 21-17.153 B

La solution n’est pas nouvelle, mais l’intérêt de l’arrêt rapporté tient dans sa confirmation, sur le fondement des textes nouveaux issus de la réforme de la procédure d’appel, opérée par le décret du 6 mai 2017, et entrée en vigueur le 1er septembre 2017.

Solution traditionnelle. La recevabilité de la demande de prestation compensatoire, même présentée pour la première fois en cause d’appel, est acquise : la demande de prestation compensatoire étant considérée comme l’accessoire de la demande principale en divorce, il est logique d’admettre une première demande en cause d’appel.

La recevabilité de la demande est toutefois soumise à une condition : que la décision ayant prononcé le divorce, et dont il est interjeté appel, n’ait pas acquis force de chose jugée (Civ. 1re, 14 juin 2005, n° 04-12.373 pour le cas d’un appel général principal ; Civ. 2e, 26 juin 1996, n° 94-15.564 pour le cas d’un appel incident sur les conséquences du divorce à la suite d’un appel général principal formé par le conjoint).

Réforme de la procédure d’appelPour rappel, la réforme opérée par le décret du 6 mai 2017 (Décr. 2017-891) a mis fin à l’appel général puisque, désormais, en application de l’article 562 du Code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que les chefs de jugement qu’il critique expressément ou ceux qui en dépendent. La déclaration d’appel doit désormais, à peine de nullité, indiquer les chefs de jugement expressément critiqués, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige (ie de l’appel) est indivisible.

Confirmation de la solution sur le fondement du droit nouveau. Dans cet arrêt, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’il résulte des articles 270 et 271 du Code civil que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux pour attribuer, le cas échéant, une prestation compensatoire à l’ex-époux au détriment duquel une telle disparité est constatée. Ce principe de l'indivisibilité entre l'action en divorce et la demande de prestation compensatoire est ancien (v. déjà, Civ. 1re, 23 juin 2010, n° 09-13.812).

Elle énonce ensuite qu’il résulte de la combinaison des articles 562 et 566 du Code de procédure civile le principe selon lequel l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ainsi que ceux qui en dépendent (C. pr. civ., art. 562), en sorte que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire (C. pr. civ., art. 566).

S’infère de ce qui précède que si la demande de prestation compensatoire, accessoire de la demande en divorce, peut être présentée pour la première fois en appel tant que la décision, en ce qu'elle prononce le divorce, n'a pas acquis la force de la chose jugée, encore faut-il qu'un appel, principal ou incident, soit formé sur le prononcé du divorce et que cet appel soit recevable.

En l’espèce, pour condamner l’ex-époux à payer une certaine somme à titre de prestation compensatoire, la cour d’appel avait retenu que si aucune prestation compensatoire n'avait été réclamée en première instance, la demande formée à ce titre, accessoirement à la demande en divorce, pouvait toutefois être présentée pour la première fois en appel puisque la décision prononçant le divorce n'avait pas acquis la force de la chose jugée. Cependant, l’appel interjeté par l’épouse était limité aux conséquences du divorce.

L’arrêt est censuré au visa des textes précités et au motif prévisible qu’en l'absence d'appel interjeté sur le prononcé même du divorce, la demande de prestation compensatoire formée pour la première fois en appel devait être jugée irrecevable.

Dont acte : dans le cadre de la nouvelle procédure d’appel, le juge ne peut, en vertu du principe acquis d'indivisibilité entre l'action en divorce et la demande de prestation compensatoire, statuer pour la première fois sur une demande de prestation compensatoire qu'à la condition que le principe du divorce ait été expressément visé par la déclaration d'appel.

Références :

■ Civ. 1re, 14 juin 2005, n° 04-12.373 P : D. 2005. 1803 ; RTD civ. 2005. 578, obs. J. Hauser.

■ Civ. 2e, 26 juin 1996, n° 94-15.564 D. 1996. 179 ; RTD civ. 1996. 884, obs. J. Hauser.

■ Civ. 1re, 23 juin 2010, n° 09-13.812 D. 2010. 1786 ; AJ fam. 2010. 396, obs. S. David ; RTD civ. 2010. 536, obs. J. Hauser.

 

Auteur :Merryl Hervieu


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