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[ 25 janvier 2010 ] Imprimer

Droit des obligations

Prêt consensuel ou réel : preuve de la remise des fonds

Mots-clefs : Prêt (nature, consensuel, réel), Remboursement, Remise des fonds (obligation préalable, preuve, exécution, charge de la preuve, prêteur, emprunteur), Reconnaissance de dette, Cause

Par deux arrêts du 14 janvier 2010, la première chambre civile revient sur les notions de « prêt consensuel » et de « prêt réel » et, dans le premier cas, assouplit la jurisprudence en faveur de l'emprunteur.

Dans la première affaire (pourvoi n° 08-13.160), la société Cetelem, suivant une offre préalable acceptée le 4 mai 1993, avait consenti à un particulier un prêt d’un montant de 500 000 francs. Elle sollicita, par la suite, le remboursement du prêt ; elle fut déboutée au motif qu’elle n’avait pas fait la preuve de l’exécution préalable de son obligation de remise des fonds. La Cour de cassation rejette son pourvoi qui invoquait la possibilité de prouver l’existence du contrat de prêt par le seul accord de volonté résultant de l’offre de crédit régulièrement signée par l’emprunteur. Pour la première chambre civile, « si le prêt consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel, il appartient au prêteur qui sollicite l’exécution de restitution de l’emprunteur d’apporter la preuve de l’exécution préalable de son obligation de remise des fonds » ; elle estime que « la cour d’appel, qui a relevé que la signature de l’offre préalable de prêt n’emportait pas la preuve que l’emprunteur, qui contestait avoir reçu la somme prêtée, l’avait perçue et que faute d’apporter une telle preuve, la société de crédit n’apportait pas celle de sa créance, a légalement justifié sa décision ».

Dans la seconde espèce (pourvoi n° 08-18.581), des particuliers avaient assigné en paiement d’autres particuliers ; ils avaient été déboutés au motif qu’ils n’avaient pas rapporté la preuve du versement de la somme d’argent litigieuse, nonobstant l’existence d’une reconnaissance de dette. Cette décision est censurée au visa des articles 1315 et 1132 du code civil, la première chambre civile rappelant que « la convention n’en est pas moins valable quoique la cause n’en soit exprimée, de sorte qu’il incombait [aux personnes] qui avaient signé les reconnaissances de dette litigieuses et prétendaient, pour contester l’existence de la cause de celles-ci, que les sommes qu’elles mentionnaient ne leur avaient pas été remises, d’apporter la preuve de leurs allégations ».

Le prêt est réel lorsqu’il est contracté entre deux particuliers, et seulement consensuel lorsqu'il est consenti par un professionnel du crédit. Dans le premier cas, la remise des fonds étant à la fois condition de validité du contrat et cause de l’obligation de remboursement, le prêteur qui réclame le remboursement des fonds doit justifier de leur remise préalable. En présence d’une reconnaissance de dette, cependant, la jurisprudence opère un renversement de la charge de la preuve : l’existence de la cause est présumée et il revient à l’emprunteur de démontrer l'absence de cause, même si celle-ci n'est pas exprimée (Civ. 1re, 8 oct. 2009 ; 19 juin 2008).

Dans le cas d’un prêt consenti par un établissement de crédit, sa validité ne réclame rien d'autre qu'un accord de volonté (Civ. 1re, 7 avr. 2009 ; 19 juin 2008, préc.). La signature du contrat de prêt par l'emprunteur fait présumer que son engagement est causé et la remise des fonds n'est plus que le premier acte d'exécution du contrat. La haute juridiction en déduit que c'est normalement à celui qui invoque la non-remise des fonds de l'établir (Civ 1re, 27 juin 2006). C’est cette solution, peu favorable à l’emprunteur, qui est tempérée par le premier arrêt du 14 janvier qui, s’agissant d’un crédit à la consommation, fait peser sur le prêteur la charge de la preuve de l’exécution préalable de son obligation de remise des fonds (étant précisé que la valeur probante des documents produits relèvera de l'appréciation souveraine des juges du fond).   

 

 

Références

Civ. 1re, 8 oct. 2009, D. 2010. Jur. 128., obs. Rebeyrol.

Civ. 1re, 19 juin 2008, D. 2008. AJ 1827, obs. Delpech ; ibid. 2008. Chron. C. cass. 2363, n° 5, obs. Creton ; ibid. Jur. 2555, note Chénedé ; RTD com. 2008. 603, obs. Legeais.

Civ. 1re, 7 avr. 2009, D. 2009. AJ 1203, obs. Avena-Robardet ; ibid. 2080, note Ghestin ; JCP 2009, n° 27, p. 27, note Lasserre-Capdeville ; RLDC 2009, n° 3449, obs. Maugeri ; Banque et Droit 126/2009, p. 18, obs. Bonneau ; Defrénois 2009. 1942, note François.

Civ 1re, 27 juin 2006, D. 2007. Pan. 753, obs. Martin ; CCC 2006, n° 221, note Leveneur.

Code civil
■ Article 1315
 Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

■ Article 1132
 La convention n'est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée.

■ Contrat réel
 « Contrat dont la validité est subordonnée à la remise d’une chose. »

■ Consensualisme 
 « Principe reconnaissant la perfection du contrat par le simple échange des consentements, en dehors de toute forme. »

■ Cause 
 « Raison d’être de l’engagement du débiteur ».

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

 


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