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Droit des obligations
Prêt de titres : l’objet de l’obligation ne se confond pas avec l’objet du contrat
Mots-clefs : Contrat, Prêt de titres, Objet du contrat, Objet de l’obligation, Distinction, Existence de l’objet (oui)
L’objet dont l’absence est sanctionnée par la nullité de la convention s’entend de l’objet de l’obligation que renferme cette convention, et non de l’objet du contrat dès lors, l’objet de l’obligation du prêteur de titres tel qu’il était stipulé aux termes du contrat-cadre et de ses conventions d’application, résidait dans la mise à disposition de titres qui existaient et étaient identifiés lors de la signature de ces conventions, en sorte que celles-ci n’encouraient pas l’annulation pour défaut d’objet.
Une société de gestion détenait sur le marché parisien à règlement mensuel d’importantes positions à l’achat sur les titres de deux sociétés. Par la suite confrontée à une situation financière rendue difficile par la baisse du cours de ces titres, qui la contraignait à verser chaque mois les sommes nécessaires au report de ses positions, cette société s’était rapprochée de la Caisse des dépôts et consignations avec laquelle elle avait, le 23 novembre 1993, conclu un contrat-cadre de prêts de titres afin de lui permettre de dénouer ses opérations à terme. Il y était stipulé que, dès l’accord intervenu entre les parties, le prêteur ou l’emprunteur devrait immédiatement adresser à l’autre partie une « confirmation » qu’à la « date de début du prêt », le prêteur livrerait les titres à l’emprunteur, et que la livraison des titres par le prêteur réaliserait le transfert de leur propriété au profit de l’emprunteur et, enfin, que tout prêt pourrait donner lieu à la constitution par l’emprunteur d’une garantie en faveur du prêteur sous la forme d’une remise par l’emprunteur d’espèces ou de titres en garantie. En application de ce contrat-cadre, les deux parties avaient, dès le lendemain de sa conclusion, signé deux confirmations aux termes desquelles la société prêtait à la Caisse certains des titres qu’elle détenait, la date de début de prêt étant fixée au 30 novembre 1993, tandis que la Caisse s’engageait à lui verser à la même date des espèces en garantie de ce prêt.
Après que ces opérations eussent été effectuées sur un compte ouvert par la société prêteuse, cette dernière et la Caisse avaient conclu cinq nouvelles confirmations. La société n’ayant pu, à l’échéance, restituer les fonds qu’elle avait remis en garantie, la Caisse, constatant sa défaillance, s’était approprié les titres prêtés. La société l’avait alors assignée en annulation de l’opération de prêt de titres, subsidiairement en requalification de cette opération en un prêt d’espèces garanti par un nantissement de titres. Pour faire droit à sa demande d’annulation, la cour d’appel retint que ces prêts, par opposition aux prêts à usage, entraînent un transfert de propriété des titres à l’emprunteur, autrement dit, que dans un contrat de prêt de titres, le prêteur doit pouvoir disposer des titres puisque ce contrat a un caractère translatif de propriété et que lorsqu’il est conclu entre professionnels, il est par principe consensuel, c’est-à-dire qu’il se forme dès l’échange des consentements, lequel suffit à transférer la propriété. Elle ajouta que l’obligation dominante autour de laquelle s’organise l’économie de la convention de prêt de titres suppose que le prêteur soit propriétaire de ces derniers pour pouvoir en transférer temporairement la propriété, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, la société de gestion n’ayant pas eu la propriété des titres avant la conclusion du contrat, en sorte que ce dernier, faute d’objet, était nul.
En appelant au droit commun contractuel, la chambre commerciale rejette cette analyse. Au visa des articles 1108 et 1126 du Code civil, dont il résulte que l’objet dont l’absence est sanctionnée par la nullité de la convention s’entend de l’objet de l’obligation que renferme cette convention, et non de l’objet du contrat, elle affirme que l’objet de l’obligation du prêteur de titres, tel qu’il était stipulé aux termes du contrat-cadre et des confirmations subséquentes, résidait dans la mise à disposition de titres, qui existaient et étaient identifiés lors de la signature de ces conventions, et non dans le transfert de propriété de ces titres qui n’était qu’un effet de leur remise.
Cette décision offre l’occasion de rappeler que l’expression « objet du contrat », figurant à l’article 1126 du Code civil, est en réalité inexacte, du moins trompeuse. Le contrat n’a pas d’objet à proprement parler mais des effets : créer des obligations. Ce sont ces obligations qui ont un objet. Autrement dit, le contrat a pour effet la création d’obligations qui, elles-mêmes, ont pour objet une chose. Comme le souligne ici la Cour, il conviendrait donc plutôt de dire « l’objet de l’obligation du contrat », quoiqu’il soit d’usage d’employer la formule elliptique d’« objet du contrat ». Ainsi est-il faux de dire, par exemple, que le contrat a pour objet la cession d’un bien. En vérité, il y a deux objets, propres aux deux obligations créées par ce contrat : le transfert de la propriété d’une part, le paiement du prix d’autre part. L’objet de l’obligation est donc le contenu de l’engagement, ce à quoi les parties se sont obligées, ce qu’elles ont promis : une prestation présente ou future. Il va de soi que l’obligation doit avoir pour objet une chose qui existe et qui, en application de l’article 1129 du Code civil, soit déterminée avec précision, ce qui était bien le cas en l’espèce, les juges soulignant à la fois l’existence et l’identification des titres formant l’objet de l’obligation du prêteur lors de la conclusion des différentes conventions d’application du contrat-cadre conclu par les parties, qui était donc bien valable.
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