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Droit de la consommation
Prêt immobilier : la condition suspensive ne profite pas toujours à l’acquéreur
Mots-clefs : Vente immobilière, Promesse, Emprunt, Non-recours, Mention manuscrite, Condition suspensive, Fraude à la loi
En l’absence de fraude de la part du promettant, si la promesse de vente indique que le prix sera payé sans recours à un prêt et que l'acquéreur appose la mention manuscrite exigée par l'article L. 312-17 alinéa 1er du Code de la consommation, le jeu de la condition suspensive est définitivement écarté quand bien même un prêt serait ultérieurement sollicité.
Il résulte de l'article L. 312-16, alinéa 1er, du Code de la consommation que, dès l'instant où le prix d'une opération immobilière mentionnée à l'article L. 312-2 du même code doit être payé, directement ou indirectement, à l'aide d'un ou de plusieurs prêts régis par les textes protecteurs du consommateur, l'acte constatant cette opération est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. En outre, en vertu de l'article L. 312-15 du Code de la consommation, l'acte écrit, y compris la promesse unilatérale de vente préliminaire, ayant pour objet de constater l'une des opérations mentionnées à l'article L. 312-2 du Code de la consommation, doit indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l'aide d'un ou de plusieurs prêts régis par les règles protectrices de cette législation.
Ainsi, en l'absence d'indication, dans une promesse de vente immobilière, sur la nécessité de recourir à un prêt, celui-ci ayant néanmoins été, par la suite, sollicité, la vente doit, par application de l'article L. 312-16, alinéa 2, du Code de la consommation, être considérée comme conclue sous la condition suspensive de l'obtention de ce financement.
Si, comme dans l’espèce rapportée, le prix de l'opération ne doit pas être financé par un prêt, la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'a pas de raison d'être. Cela étant, puisque dans cette hypothèse, la seule rencontre des volontés oblige l'acquéreur au paiement du prix de vente, un formalisme spécifique est exigé à l’effet de protéger le consentement de l’acquéreur. Ainsi, la simple indication dans l’acte que l'opération sera financée sans l'aide d'un prêt est insuffisante pour faire perdre à l’acquéreur le bénéfice de la condition suspensive, l'article L. 312-17, alinéa 1er, du Code de la consommation prescrivant, en outre, que l'acquéreur porte dans l'acte, une mention de sa main par laquelle il reconnaît avoir été informé que s'il recourrait néanmoins à un prêt, il ne pourrait se prévaloir des dispositions protectrices de ses droits prévues par le Code de la consommation.
De surcroît, la jurisprudence sanctionne, en vertu du même texte, les déclarations mensongères relatives au financement de l’acquisition : ainsi, une promesse de vente sera considérée comme ayant été conclue sous la condition suspensive de l'obtention du prêt lorsque la mention manuscrite de non-recours au prêt est contraire à la réalité et trahit la volonté du promettant d’échapper à l’application des textes protecteurs du consommateur (Civ. 1re, 10 mars 1987).
C’est sur cette règle que reposait, en l’espèce, l’analyse des juges du fond qui, pour rejeter la demande du promettant en paiement de l’indemnité d’immobilisation, formée à la suite de la rétractation du bénéficiaire, avaient retenu que nonobstant la mention manuscrite contraire apposée sur la promesse de vente immobilière par son bénéficiaire, « en réalité le prix de cet immeuble devait être payé à l’aide d’un prêt, en sorte que l’acte était nécessairement conclu sous la condition suspensive de son obtention », laquelle était défaillie faute pour le bénéficiaire d’avoir obtenu le prêt sollicité, obligeant ainsi le promettant à lui restituer l’indemnité d’immobilisation.
Cette analyse est censurée par la troisième chambre civile au visa de l’article L. 312-17 du Code de la consommation et au motif que la cour d’appel aurait dû rechercher si le promettant avait eu connaissance, lors de la conclusion de la promesse de vente, de l’intention de son bénéficiaire de recourir à un prêt.
S’il résulte, en effet, des articles L. 312-15 et L. 312-17, al. 1er du Code de la consommation une présomption de recours à un prêt que seules l'indication de ne pas vouloir y recourir et la mention manuscrite précitée sont susceptibles d'écarter, ces règles ne doivent pas masquer qu'à l'inverse, si l'acte indique, en l'absence de tout comportement frauduleux du promettant, que le prix sera payé sans l'aide d'un prêt et que l'acquéreur appose la mention manuscrite exigée par l'article L. 312-17, alinéa 1er du Code de la consommation, le jeu de la condition suspensive est définitivement écarté quand bien même un prêt serait sollicité par la suite.
Or la fraude à la loi n’est caractérisée qu’à la condition d’établir que la promettant était informé, avant la conclusion de la promesse, de la nécessité pour l’acquéreur de recourir à un prêt ce qui, faute d’avoir été recherché, ne pouvait en l’espèce être constaté.
A contrario, la Cour de cassation a pu retenir l’existence de la fraude dans un cas où l'acquéreur avait, deux jours avant la signature de la promesse, envoyé au promettant un fax par lequel il confirmait son intention d'acquérir le bien ; ce dernier précisait que « la banque Paribas lui accorder[ait] un prêt pour tout ou partie de son acquisition » et produisait les attestations de deux banques lui ayant refusé le prêt. La Cour avait alors considéré que le promettant avait bien été informé, avant la conclusion de la promesse, de la nécessité pour l'acquéreur de recourir à un prêt, et que les mentions de l'acte de vente, conformes à l'article L. 312-17 du Code de la consommation, procédaient d'une fraude à la loi tendant à éluder les dispositions protectrices relatives au crédit immobilier, de sorte que l'acte devait être considéré comme conclu sous la condition suspensive, non réalisée, de l'obtention d'un prêt (Civ. 1re, 16 oct. 2008).
Civ. 3e, 29 janv. 2014, n°12-28.836
Références
■ Civ. 1re, 10 mars 1987, n° 85-15.839 ; D. 1987. Somm. 499, note J.-L. Aubert.
■ Civ. 1re, 16 oct. 2008, n° 04-11.177.
■ Code de la consommation
« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes :
1° Pour les immeubles à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation :
a) Leur acquisition en propriété ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;
b) Leur acquisition en jouissance ou la souscription ou l'achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en jouissance, y compris lorsque ces opérations visent également à permettre la réalisation de travaux de réparation, d'amélioration ou d'entretien de l'immeuble ainsi acquis ;
c) Les dépenses relatives à leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant du crédit est supérieur à 75 000 € ;
d) Les dépenses relatives à leur construction ;
2° L'achat de terrains destinés à la construction des immeubles mentionnés au 1° ci-dessus. »
« L'acte écrit, y compris la promesse unilatérale de vente acceptée et le contrat préliminaire prévu à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, ayant pour objet de constater l'une des opérations mentionnées à l'article L. 312-2, doit indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 3 du présent chapitre. »
« Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 312-15 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 3 et la section 5 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement.
Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa du présent article n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié. »
« Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 312-15 indique que le prix sera payé sans l'aide d'un ou plusieurs prêts, cet acte doit porter, de la main de l'acquéreur, une mention par laquelle celui-ci reconnaît avoir été informé que s'il recourt néanmoins à un prêt il ne peut se prévaloir du présent chapitre.
En l'absence de l'indication prescrite à l'article L. 312-15 ou si la mention exigée au premier alinéa du présent article manque ou n'est pas de la main de l'acquéreur et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive prévue à l'article L. 312-16. »
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