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[ 18 avril 2017 ] Imprimer

Droit des obligations

Prêt viager hypothécaire : point de départ du délai de prescription

Mots-clefs : Prescription, Délai de droit commun, Point de départ, Actions personnelles et mobilières, Prêt viager hypothécaire, Eléments déclencheurs

S’agissant d’un prêt viager hypothécaire, la connaissance par le prêteur du décès du co-emprunteur est nécessaire mais insuffisant à constituer le point de départ du délai de prescription, lequel doit être fixé à la date où il prend également connaissance de l’identité du débiteur de l’obligation de rembourser.

Par acte authentique en date du 9 octobre 2007, une banque avait consenti à un couple un prêt viager hypothécaire exigible au décès du dernier vivant des co-emprunteurs ou lors de l'aliénation du bien immobilier donné en garantie. L’époux mourut le 4 mai 2009 et son épouse, le 21 juin 2010. Informée, le 17 août 2010, du décès de cette dernière, la banque fit vainement sommation, le 7 février 2012, à la fille des emprunteurs, de lui faire connaître le nom et les coordonnées de l'office notarial chargé de la succession, ainsi que de notifier une attestation notariée précisant ses qualités héréditaires et, enfin, de prendre position sur son acceptation ou sa renonciation à la succession. Partant, le 19 juin 2012, la banque lui fit délivrer un commandement valant saisie immobilière du bien donné en garantie, puis l'assigna, le 9 octobre 2012. Pour juger l’action de la banque en remboursement non prescrite, la cour d’appel retint comme point de départ de la prescription de son action le 7 février 2012, date à laquelle la banque avait effectivement eu connaissance de l’existence de la fille des co-emprunteurs décédés devenue, par l’effet de leurs décès, l’unique débitrice de l’obligation de rembourser. Celle-ci contesta, à l’appui de son pourvoi en cassation, cette date du point de départ de la prescription, arguant qu’elle avait commencé à courir à compter du jour où la créance était devenue exigible, autrement dit, du jour du décès du dernier de ses parents.

Pour rejeter son pourvoi, la Cour de cassation rappelle que selon l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Or si le décès du dernier co-emprunteur constituait l'événement déclenchant le remboursement du prêt viager hypothécaire, en ce qu'il rendait la créance exigible, la cour d'appel a, selon les Hauts magistrats, exactement énoncé que cet événement n'était pas suffisant pour constituer le point de départ du délai de prescription mais qu'il eût été également nécessaire que le prêteur ait eu connaissance, outre de la survenance du décès, de l'identité du ou des débiteurs de l'obligation de remboursement. 

Il ressort de la définition du prêt viager hypothécaire, telle qu'elle résulte de l'article L. 314-1 du Code de la consommation, que son remboursement ne peut être exigé qu'au décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué s'ils surviennent avant le décès. En l’espèce, l'événement causant l’obligation de remboursement, propre à ce contrat spécial, à savoir le décès de l’épouse, la dernière des deux co-emprunteurs, avait en conséquence rendu, au profit de l’établissement bancaire, la créance que celui-ci détenait, exigible. Cela étant, si la survenance de ce fait pouvait à elle seule servir à fixer la date d’exigibilité de la créance, elle demeurait insuffisante, quoique nécessaire, à fixer celle du point de départ du délai ouvert au prêteur pour engager les poursuites en paiement : outre la connaissance de la survenance du décès, il eût encore fallu, pour pouvoir exercer son action, que le prêteur ait eu connaissance de l'identité du (es) débiteur (s) de l'obligation de rembourser puisque par hypothèse, il ne s'agissait plus des emprunteurs mais fatalement, de leurs héritiers.

C’est la raison pour laquelle la première chambre civile approuve la cour d’appel d’avoir retenu le 7 février 2012 comme date certaine à laquelle la banque avait eu connaissance de l'existence de l’auteure du pourvoi en qualité d'héritière unique, et donc débitrice de l'obligation de rembourser le prêt hypothécaire viager souscrit par ses parents. En effet, le point de départ de la prescription doit, en conséquence du texte précité, être fixé au jour où le créancier de l’obligation est en mesure de connaître l’identité de son débiteur, ce qui se comprend lorsque, comme en l’espèce, ce dernier, rétif au remboursement de la créance, incite son titulaire à engager une action judiciaire en remboursement, laquelle, pour être effectivement initiée, dépend de cette connaissance.

Civ. 1re, 15 mars 2017, n° 15-27.574

 

Auteur :M. H.


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