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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Prêter serment sur l’Évangile : une atteinte à la liberté de ne pas croire
La Cour européenne des droits de l’homme a considéré dans un arrêt du 3 juin 2010 que porte atteinte à la liberté de religion, l’obligation de révéler ses convictions religieuses afin de ne pas prêter serment sur l’Évangile devant la juridiction pénale.
La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Grèce pour non respect de la « liberté négative de religion » sur le fondement de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH).
En l’espèce, quatre militants d’une ONG de défense des droits de l’homme ont saisi les juges européens car ils estimaient contraire à l’article 9 de la Conv. EDH le fait d’avoir dû préciser, avant leurs auditions, en tant que témoins ou suspects, qu’ils n’étaient pas chrétiens orthodoxes.
Rappelons que le « volet négatif » de la liberté de religion ou « liberté négative de religion » implique la liberté « d'adhérer ou non à une religion et celle de la pratiquer ou de ne pas la pratiquer » (CEDH, Buscarini et a. C. Saint-Martin, 18 févr. 1999, § 34). Cette liberté « négative » suppose donc que l'individu a le droit « de ne pas être obligé à manifester sa confession ou ses convictions religieuses et de ne pas être obligé d'agir en sorte qu'on puisse tirer comme conclusion qu'il a — ou n'a pas — de telles convictions » (§ 38).
Or, il existe en Grèce, pour tout témoin entendu, une présomption de « chrétienté » résultant de la loi. Selon le Code de procédure pénale grec, tout témoin a l’obligation, sous peine de nullité de la procédure, de prêter serment avant d’être entendu par l’organe judiciaire compétent. L’intéressé doit apposer la main droite sur l’Évangile et jurer devant Dieu. Toutefois, un second article de ce même code prévoit une procédure de prestation de serment pour les non orthodoxes. L’intéressé peut alors choisir la forme du serment prévue par sa religion ou bien faire une affirmation solennelle lorsque sa religion ne permet pas de prêter serment ou lorsqu’il n’adhère à aucune religion. Dans ce dernier cas, l’organe judiciaire doit en être convaincu. L’intéressé ne peut donc pas choisir si aisément de se soustraire à la prestation de serment religieux en optant simplement pour une affirmation solennelle.
La CEDH relève en cela une divergence du droit interne grec. Ainsi, le Code de procédure civile fait-il preuve d’une plus grande souplesse en donnant au témoin la possibilité de choisir sans condition supplémentaire (sans avoir à convaincre, par exemple, de son athéisme), entre la prestation de serment religieux et l’affirmation solennelle.
En conséquence, la CEDH conclut à une ingérence dans l’exercice, par les requérants, de leur liberté de religion. L’obligation de révéler ses convictions religieuses pour ne pas prêter serment sur l’Évangile devant la juridiction pénale grecque est donc contraire à la liberté de religion. Il y a, en l’espèce violation de l’article 9 de la Convention.
La CEDH avait déjà affirmé que les autorités étatiques ne pouvaient rechercher les convictions religieuses de l'individu ou l'obliger à manifester ses convictions religieuses dans l’arrêt Alexandridis c/ Grèce du 21 février 2008. En l'espèce, le requérant avait été dans l'obligation, lors de sa prestation de serment d'avocat, de révéler qu'il n'était pas chrétien orthodoxe et ne souhaitait pas prêter le serment religieux. Cette obligation avait porté atteinte à sa « liberté de ne pas avoir à manifester ses convictions religieuses ».
CEDH 3 juin 2010, Dimitras et autres c/ Grèce, nos 42837/06, 3237/07, 3269/07, 35793/07 et 6099/08
Références
■ Article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Liberté de pensée, de conscience et de religion
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
■ CEDH, 18 févr. 1999, Buscarini et a. c. Saint-Martin, n° 24645/94, § 34.
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