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Droit des obligations
Preuve de la vente parfaite d'un immeuble : échange de correspondance entre les avocats des coïndivisaires
Un échange de correspondance entre les avocats des coïndivisaires portantes acceptation de l'offre d'achat du bien indivis et revêtue de la mention « officielle » n'est pas couvert par le secret professionnel, de sorte que la lettre litigieuse pouvait être transmise au pollicitant et établir la perfection de la vente.
À la suite de leur divorce, des époux ont mis en vente un bien immobilier dont ils étaient indivisément propriétaires. Alors qu'une offre d'achat avait été formulée, l'acte authentique n'est jamais intervenu, si bien que le pollicitant a fait assigner les vendeurs afin de voir prononcer la vente.
La cour d'appel accueille cette demande, estimant que la vente est parfaite dès lors que l'offre formulée par le demandeur a été acceptée par l'ensemble des coïndivisaires. Pour statuer ainsi, la cour s'appuyait sur une lettre produite par le demandeur dans laquelle l'avocat de l'ex-époux faisait savoir à l'avocat de l'ex-épouse que son client acceptait l'offre. Ce courrier avait vraisemblablement été transmis au demandeur par l'ex-épouse (ou son avocat) qui, contrairement à son ex-mari — lequel avait entre-temps changé d’avis —, était favorable à la réalisation de la vente.
Un échange de correspondance entre les avocats des ex-époux pouvait-il ainsi être invoqué en justice par un tiers ?
L'ex-époux prétendait le contraire dans son pourvoi en cassation, arguant qu'une lettre entre avocats, quand bien même elle portait la mention « officielle », ne pouvait être invoquée par un tiers étranger au litige la concernant, et qu'en admettant que le demandeur à l'instance pouvait utilement s'en prévaloir, la cour d'appel avait violé l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 relatif au secret professionnel de l'avocat.
Remanié à plusieurs reprises (pour un rappel historique, v. Code de l'avocat 2012 Dalloz, commentaire sous l'art. 66-5 de la L. 31 déc. 1971), ce texte prévoit l'application du secret professionnel notamment aux correspondances échangées entre l'avocat et ses confrères, à l'exception, depuis une loi du 11 février 2004 (art. 34), de celles portant la mention « officielle ». Les correspondances échangées entre avocats ne sont donc pas soumises au secret professionnel dès lors qu'elles sont revêtues de l'estampille « officielle ».
Reste à déterminer la portée de cette exception : exclues du champ d'application du secret professionnel de l'avocat, de telles correspondances peuvent-elles être invoquées par un tiers étranger au litige sur lequel elles portent ?
À l'égard des tiers, le secret professionnel « constitue un obstacle infranchissable dans la recherche des preuves » (v. Rép. civ.). En effet, un élément de preuve obtenu en violation du secret professionnel ne peut être produit devant le juge, en application de l'article 9 du Code de procédure civile (v. par ex. Civ. 1re, 5 févr. 2009), qui pose l'exigence de la licéité de la preuve (« conformément à la loi »).
Mais au cas d'espèce, l'admissibilité de la lettre litigieuse ne pouvait être contestée. Rejetant le pourvoi, la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir retenu que la lettre n'était pas couverte par le secret professionnel dès lors qu'elle était revêtue de la mention « officielle » prévue par l'article 66-5 précité. Elle pouvait donc être transmise au pollicitant pour lui permettre de prouver que la vente était parfaite.
À cet égard, le demandeur au pourvoi adressait à la cour d'appel un autre grief : il lui reprochait d'avoir retenu que la vente était parfaite, alors que la lettre contenant son acceptation avait été adressée à l'avocat de son ex-épouse, qui n'était pas mandataire du pollicitant. Autrement dit, cette acceptation n'était pas adressée directement à l'émetteur de l'offre ou à son mandataire, ce qui interdisait de considérer qu'elle avait suffi à sceller la vente.
Cet argument, qui n'est pas sans rappeler l'intarissable débat relatif à la localisation dans le temps et dans l'espace du consentement (sur lequel v. F. Terré, P. Simler et Y. Lequette), est écarté de façon laconique par la Haute cour qui approuve la cour d'appel d'avoir retenu que l'offre avait été acceptée par tous les coïndivisaires et que la vente était parfaite. Il en ressort que, pour que le consentement à la vente soit établi, il n'est pas nécessaire que l'acceptation ait été adressée directement au pollicitant (ou à son représentant) ; il suffit que ce dernier de l'offre ait eu connaissance de l'acceptation formulée par le destinataire de l'offre, fût-ce de façon indirecte comme en l'espèce.
Civ. 3e, 9 mai 2012, no 11-15.161, FS-P+B
Références
[Droit civil]
« Auteur d’une pollicitation, c’est-à-dire d’une proposition ferme et précise de contracter. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code de l'avocat 2012 Dalloz.
■ Rép. civ., V° « Preuve 2o [règles de preuve] ».
■ F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 10e éd., Dalloz, 2009, nos 164 et s.
■ Article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 relatif au secret professionnel de l'avocat, modifié par l’article 34 de la loi n°2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques
« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. »
■ Article 9 du Code de procédure civile
« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
■ Civ. 1re, 5 févr. 2009, no 07-17.525.
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