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Introduction au droit
Principe de la liberté de la preuve d’un fait juridique
Mots-clefs : Droit de la preuve, Impartialité de la preuve, Prohibition de la preuve autoconstituée, Domaine
Le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique.
Nul ne peut se constituer une preuve à soi-même, sauf lorsqu’il s’agit de prouver un fait juridique. C’est à ce rappel de principe que procède, dans la décision rapportée, la première chambre civile de la Cour de cassation.
En l’espèce, un participant à une activité sportive de plongée sous-marine s’étant à cette occasion blessé au genou avait assigné l’organisateur et son assureur en réparation de son préjudice corporel. Pour rejeter cette demande, la cour d’appel s’appuya sur le principe selon lequel nul n’est admis à se préconstituer une preuve à soi-même pour en déduire l’absence de force probante des annotations faites par la prétendue victime sur son carnet de plongée pour relater les circonstances de l’accident et rapporter la preuve de la vitesse excessive alléguée du bateau.
Cette analyse est censurée par la Haute cour qui reproche aux juges du fond d’avoir violé l’article 1315 du Code civil en refusant d’examiner le contenu des pièces produites alors même que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique.
Si elle connaît de multiples déclinaisons, l’exigence d'impartialité de la preuve repose, notamment, sur la règle générale selon laquelle nul ne peut se procurer une preuve (ou « un titre ») à soi-même. Cette règle, qui interdit en principe au juge de reconnaître une valeur probante aux déclarations et documents émanant des plaideurs, est l’objet d’une jurisprudence à la fois fournie et constante.
Cependant, l’interdiction de la preuve autoconstituée trouve difficilement sa place dans le système de la preuve libre qui, à l’inverse du système de la preuve légale, laisse par principe le juge libre d’apprécier la valeur probante des éléments de preuve qui lui sont soumis. Or, en dehors des cas où la preuve libre est exceptionnellement admise pour rapporter la preuve d’actes juridiques, normalement soumis au système de la preuve légale (C. civ., art. 1341), la liberté de la preuve joue par principe lorsque ce texte n’a pas lieu de s’appliquer et il en est ainsi, en droit civil, des faits juridiques.
L’article 1348, alinéa 1er, du Code civil sert de fondement à la règle : « lorsque l’obligation est née d’un quasi-contrat, d’un délit ou d’un quasi-délit (…) », elle peut être prouvée par tous moyens. La liberté de la preuve se trouve donc applicable à la responsabilité civile extracontractuelle.
La raison de cette liberté va de soi : à la différence de l’acte juridique que les parties ont voulu et dont elles ont souhaité les effets, le fait juridique se présente, au contraire, comme un événement saisi par le droit dans ses conséquences sans que ceux qui les subissent ne les aient jamais recherchées. La volonté de produire des effets de droit est, concernant le fait juridique, absente, et l’exigence de la préconstitution écrite de la preuve, par conséquent, inadaptée.
C’est en vertu de ce principe de liberté que la Haute cour rappelle ici le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ne s'applique pas aux faits juridiques (v. déjà Civ. 2e, 6 mars 2014 et Civ. 3e, 3 mars 2010). En somme, la liberté domine la loyauté de la preuve du fait juridique.
Civ .1re, 1er oct. 2014, n°13-24.699
Références
■ Civ. 2e, 6 mars 2014, n°13-14.295, Dalloz Actu Étudiant 21 mars 2014.
■ Civ. 3e, 3 mars 2010, n°08-21.056, Bull. civ. III, n° 52.
■ Code civil
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.
Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce. »
« Les règles ci-dessus reçoivent encore exception lorsque l'obligation est née d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, ou lorsque l'une des parties, soit n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure.
Elles reçoivent aussi exception lorsqu'une partie ou le dépositaire n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable. Est réputée durable toute reproduction indélébile de l'original qui entraîne une modification irréversible du support. »
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