Actualité > À la une
À la une
Droit des obligations
Principe de liberté de la preuve : le tempérament lié à la mixité de l’acte
La preuve de la commande de travaux supplémentaires par un non-commerçant excédant 1 500 € doit être rapportée par écrit.
Civ. 3e, 17 novembre 2021, n° 20-20.409
Un maître d’ouvrage confie des travaux de rénovation d’une maison d’habitation à un entrepreneur, qui lui réclame le paiement de travaux supplémentaires. Sa demande en paiement est rejetée en appel, la cour retenant que les factures produites n’établissaient pas que les travaux avaient été acceptés sans équivoque et que l’entrepreneur ne produisait ni écrit, ni commencement de preuve par écrit de la commande des travaux prétendument passée par le maître de l’ouvrage.
L’entrepreneur forme un pourvoi, soutenant qu’il lui suffisait de prouver que les travaux avaient été commandés, ce qui pouvait avoir été fait oralement. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle juge que : « 4. La cour d’appel a exactement retenu que, [la maître d’ouvrage] n’étant pas commerçante, les dispositions de l’article 1341 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, par elle invoquées, étaient applicables et que, la somme réclamée au titre des travaux supplémentaires dépassant le montant de 1 500 euros, la preuve de la commande devait être rapportée par écrit, en l’absence d’un commencement de preuve par écrit émanant du maître de l’ouvrage. 5. Ayant relevé que la société ne rapportait pas la preuve que les travaux supplémentaires, facturés pour un montant de 14 013 euros, avaient été commandés, elle en a déduit, à bon droit, que la demande en paiement de la société devait être rejetée ».
Lorsque le contrat est soumis à l’article 1793 du Code civil relatif aux marchés à forfait de construction d’un bâtiment, les travaux supplémentaires doivent avoir été autorisés par écrit ou ratifiés par le maître de l’ouvrage pour donner lieu à paiement, sauf en cas de bouleversement de l’économie du marché, justifiant le paiement du surcoût à la condition qu’une acceptation expresse et non équivoque des travaux une fois effectués supplée l’absence de leur autorisation écrite préalable par le maître de l’ouvrage. Non soumis à l’article 1793 du Code civil, les travaux supplémentaires effectués au titre d’aménagements intérieurs, ne constituant pas la construction d’un bâtiment, n’ont pas à faire l’objet d’une autorisation écrite (Civ. 1re, 16 déc. 1964; Civ. 3e, 23 juin 1999, n° 98-10.276). La preuve de l’accord se retrouve alors soumise au droit commun de la preuve. La Cour de cassation applique ici ces règles communes issues de l’ancien article 1341 du Code civil en soumettant à la preuve littérale la commande de travaux supplémentaires dont le paiement du coût, supérieur à 1500 euros, était réclamé par un entrepreneur à un non-commerçant.
Rappelons en effet que par exception au principe de la preuve libre, applicable aux faits comme aux actes juridiques, la preuve d’un acte juridique supérieur à 1500 euros doit être rapportée par écrit (C. civ., art. 1359 ; anc. art. 1341). Cette règle s’applique pour établir l’existence, mais aussi le contenu, d’un acte supérieur à 1500 euros.
En revanche, les « petits contrats », inférieurs à ce montant, pourront être prouvés par tout moyen (A. Marais, Introduction au droit, Vuibert, 8e éd., n° 314, p. 241) : en effet, comme le rappelle l’article 1358 du Code civil, la liberté de la preuve joue, par principe, lorsque l’article 1359 du Code civil n’a pas vocation à s’appliquer. Ainsi en droit civil, la preuve, par principe, est libre pour prouver l’existence de contrats dont le montant est inférieur au seuil précité. Hors du droit civil, le principe étant celui de la liberté de la preuve, en droit commercial, les actes juridiques passés entre commerçants (C. com., art. L. 110-3) peuvent alors être prouvés par tout moyen.
Néanmoins, comme le rappelle le présent arrêt, si l’acte est mixte et revêt un caractère civil pour l’une des parties et un caractère commercial pour l’autre, les règles de l’article 1359 du Code civil (anc. art. 1341) s’appliquent envers la partie pour laquelle l’acte a un caractère civil. Le commerçant, pour prouver l’acte qui le lie à un non-commerçant, devra donc produire un écrit, tandis que le non-commerçant pourra, quant à lui, rapporter librement cette preuve à l’encontre du commerçant (A. Marais, op.cit., n° 327, p. 246).
En l’espèce, la société de travaux ayant eu, en qualité de demandeur à l’instance, celle de demandeur à la preuve, suivant cette fois les règles communes à la détermination de la charge de la preuve, c’est à elle qu’incombait la charge de rapporter la preuve des travaux supplémentaires qui lui auraient été commandés ; et c’est en qualité de commerçante prétendument liée contractuellement par cette commande à un maître d’ouvrage non-commerçant qu’elle se devait d’en rapporter la preuve écrite.
Références
■ Civ. 1re, 16 déc. 1964 : D. 1965.347
■ Civ. 3e, 23 juin 1999, n° 98-10.276 P : RDI 1999. 403, obs. B. Boubli
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une