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Droit de la responsabilité civile
Principe de non-option : c’est au juge de choisir !
Lorsqu’une victime assigne en responsabilité son cocontractant sur un double fondement contractuel et délictuel, le juge ne peut fonder l’irrecevabilité de la demande sur le principe de non-cumul et doit déterminer le régime de responsabilité applicable à l’espèce.
Le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle règle depuis longtemps la question de la délimitation des deux types de responsabilité civile : alors que la première fonde la réparation des dommages nés de l’inexécution du contrat, la seconde sert à indemniser tous les autres dommages, survenus hors de la sphère contractuelle. Ce principe doit en fait s’entendre comme un principe de non-option entre ces deux types de responsabilité civile : dès lors que ses conditions d’engagement sont réunies, la responsabilité contractuelle doit s’appliquer sans que la victime de l’inexécution du contrat ait la liberté de préférer engager son action sur le fondement, généralement plus favorable (sur ce point v. Civ. 11 janv. 1922) , de la responsabilité délictuelle (v. Civ. 11 janv. 1922 : « les articles 1382 et suivants du Code civil sont sans application lorsqu’il s’agit d’une faute commise dans l’exécution du contrat). Les intérêts pratiques de cette question sont importants. Ses conséquences procédurales le sont tout autant, comme en atteste la décision rapportée (V. Prétentions des parties et office du juge, p. 888, Précis Dalloz). Une agence de conseil en communication avait assigné son cocontractant en réparation de son préjudice, causé par la rupture brutale de leur relation commerciale ainsi que par une inexécution déloyale du contrat. Elle avait fondé son action à la fois la responsabilité contractuelle et sur la responsabilité délictuelle, rattachant à la première le manquement de son partenaire à la force obligatoire du contrat et à la règle de son exécution de bonne foi, et à la seconde la brutalité de la rupture.
La cour d’appel déclara sa demande d’indemnisation irrecevable en raison de sa contrariété à la règle du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle : dès lors qu’à l’effet d’obtenir la réparation d’un même fait dommageable, la victime se fondait sur la responsabilité délictuelle et que la responsabilité contractuelle n’était pas invoquée à titre subsidiaire, la juridiction de second degré caractérisa ainsi une violation du principe de non-option, qu’elle estima applicable aux rapports entre commerçants liés par un contrat. La Cour de cassation devait donc répondre à la question de savoir si la recevabilité d’une demande en indemnisation fondée sur les deux régimes de responsabilité devait être à ce titre exclue. La Chambre commerciale y répond par la négative, aux visas de l’ancien article 1147 du Code civil, aujourd’hui article 1231-1 du Code civil, de l’article L. 442-6, I, 5° ancien du Code de commerce et de l’article 12 du Code de procédure civile, au motif qu’il appartenait aux juges du fond de déterminer le régime de responsabilité applicable à l’espèce, et de statuer en conséquence. Ainsi, lorsque les juges du fond sont saisis d’une demande d’indemnisation fondée sur le double fondement de la responsabilité contractuelle et délictuelle, ils ne peuvent pour ce motif déclarer la demande irrecevable mais doivent eux-mêmes déterminer lequel des deux régimes de responsabilité se trouve applicable.
Cette décision prolonge la jurisprudence de la chambre commerciale concernant l’office du juge dans l’hypothèse du double fondement, contractuel ou délictuel, de la demande indemnitaire de la victime, les juges du fond n’étant pas admis à tirer prétexte de la méconnaissance du principe de non-option pour déclarer la demande irrecevable ; ainsi sont-ils tenus de statuer lorsque n’ayant pas reconnu à la victime la qualité de partie au contrat, ils doivent en conséquence se prononcer sur sa demande fondée sur la responsabilité délictuelle, la règle de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne recevant application que dans les rapports entre contractants (Com. 9 juill. 2002, n° 99-19.156) aussi bien, même lorsque l’action a été fondée sur les deux types de responsabilité, celle en responsabilité délictuelle doit être jugée recevable dès lors qu’elle a été formée à titre subsidiaire et que par ailleurs, aucun lien contractuel n’existe entre le demandeur et le défendeur (Civ. 3e, 28 avr. 2011, n° 10-13.646).
Com. 25 sept. 2019, n° 18-11.112
Références
■ Fiches d’orientation Dalloz : Responsabilité civile
■ Civ. 11 janv. 1922: GAJC, 12e éd.,t.II, Dalloz, 181, p. 281, 3
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