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Droit de la responsabilité civile
Principe de non-option des responsabilités contractuelle et délictuelle : illustration à propos du contrat de parking
En l’absence de contrat conclu entre la victime et l’exploitant d’un parking, le juge n’a pas le choix d’obliger celle-ci à fonder son action en réparation sur la responsabilité contractuelle quand seule la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de l’exploitant peut, dans ce cas, être engagée.
Civ. 2e, 21 déc. 2023, n° 21-22.239
Il est des évidences que la Cour de cassation ne devrait pas avoir à rappeler. Ainsi de la distinction, fondatrice du droit de la responsabilité civile, entre responsabilité délictuelle et contractuelle. Lorsque le dommage est causé par l’inexécution d’une obligation contractuelle, le débiteur peut obtenir réparation du préjudice subi en application des articles 1231 s. du Code civil, dans le cadre d’une responsabilité dite contractuelle. Au contraire, lorsqu’aucun lien juridique préalable n’existe entre le responsable et la victime, celle-ci peut voir son préjudice réparer sur le seul fondement des articles 1240 s. du même code. La responsabilité est alors dite délictuelle. Ce principe de distinction paraît clair. Il est pourtant méconnu par certains juges du fond car si ses critères de qualification semblent simples à mettre en œuvre, encore faut-il déterminer la source exacte, contractuelle ou extracontractuelle, de l’obligation en question. En témoigne une décision rendue en fin d’année dernière par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans laquelle les juges d’appel ont caractérisé à tort l’existence d’un contrat pour refuser à une victime l’engagement de la responsabilité délictuelle de l’auteur de son dommage.
Au cas d'espèce, le conducteur d'une voiture gare son véhicule dans un parking souterrain. Sa passagère chute et se blesse. Elle assigne l'exploitant du parking sur le fondement de la responsabilité du fait des choses qui, on le sait, permet de rechercher la responsabilité du propriétaire ou du gardien de la chose instrument du dommage. Ce qui devait alors conduire à condamner le gardien du sol du parking sur lequel la passagère du véhicule avait chuté. La cour d'appel de Bastia rejeta pourtant la demande d'indemnisation au motif que la responsabilité susceptible d’être engagée n'était pas extracontractuelle, mais contractuelle. Pour les juges corses, "la société qui met à disposition un espace de stationnement, et par conséquent organise et réserve des voies de circulation pour les piétons qui sortent des véhicules ou qui viennent les reprendre, qu’ils soient conducteurs ou non, conclut avec eux un contrat qui la rend débitrice d’une obligation de sécurité excluant l’application du régime de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle". Aucune demande n'ayant été formée sur le terrain contractuel, la demande en réparation fut alors écartée. Il est vrai que la dualité des ordres de responsabilité est garantie par un principe de non-cumul, ou plus exactement, par la règle prétorienne du non-choix des responsabilités : en l’absence de contrat, la responsabilité est nécessairement engagée sur le terrain délictuel ; inversement, en présence d’un contrat, le préjudice né de son inexécution doit nécessairement être indemnisé sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la victime ne pouvant fonder son action sur les articles 1240 s. (1382 s. anc.) du Code civil. C’est cette absence d’option offerte à la victime qui fonde en l’espèce la décision des juges d’appel : selon eux, l’exploitant du parking ayant conclu un contrat de stationnement avec tous les utilisateurs du parking, « qu’ils soient conducteurs ou non », une obligation générale de sécurité pèserait alors sur lui, « excluant l’application du régime de responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle ». Grossière, l'erreur des juges du fond tient dans l'incise "qu'ils soient conducteurs ou non". Comment considérer qu'un contrat de stationnement ait pu exister entre la passagère et l'exploitant du parking alors que celle-ci n'avait consenti à rien ? Rappelons qu’il n'y a pas de contrat sans accord de volontés, fût-il implicite. L'article 1101 du Code civil ne laisse aucun doute sur ce point, définissant le contrat comme "un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». Or en l’espèce, les juges du fond ont vu un contrat là où il n'y a jamais eu d’accord de volontés. S’il existait bien un "contrat de stationnement", que la Cour ne prend d’ailleurs pas la peine de qualifier (de bail ou de dépôt ; sur cette alternative, v. P. Puig, Contrats spéciaux, 8e éd., n° 582), entre le conducteur du véhicule garé, qui avait accepté de payer un certain tarif pour pouvoir laisser son véhicule en stationnement, et l'exploitant du parking, ce contrat ne liait pas les tiers, dont la passagère du véhicule. D'où la censure, prévisible, prononcée par la Cour de cassation : "la responsabilité de l'exploitant d'un parking peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce parking, sur le fondement de la responsabilité contractuelle si la victime a contracté avec cet exploitant et sur celui de la responsabilité extracontractuelle si la victime est tiers au contrat de stationnement". En vertu du principe de non-option, la victime n’a pas le choix du terrain de responsabilité sur lequel fonder son action. Le juge non plus. Partant, face à l’absence de contrat conclu entre l’exploitant et la passagère du véhicule, non seulement la responsabilité pouvait être engagée sur le terrain délictuel (responsabilité du fait des choses), mais elle ne pouvait l’être que sur ce fondement. Saluons ce rappel élémentaire mais salutaire auquel procède en l’espèce la Cour de cassation pour reconnaître à la victime un droit à la réparation de son préjudice que les juges du fond lui avaient à tort dénié.
Moralité, il faut rendre à César ce qui est à César, au contrat ce qui est au contrat, et à l'extracontractuel ce qui n'en relève pas.
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