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Introduction au droit
Principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle : illustration à propos de la désolidarisation des loyers en cas de violences conjugales
La loi ne disposant que pour l'avenir et n'ayant point d'effet rétroactif, l'article 8-2 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989, créé par la loi n° 2018-1021, du 23 novembre 2018, qui prévoit la possibilité pour un locataire victime de violences conjugales de se désolidariser du paiement des loyers, n'est pas applicable à un bail résilié avant son entrée en vigueur.
Civ. 3e, 20 avr. 2023, n° 22-13.036
Général, le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle irrigue l’ensemble des contrats spéciaux, comme l’illustre la jurisprudence récente. Outre une récente application au contrat d’assurance (Civ. 2e, 20 avr. 2023, n°21-23.712), la Cour de cassation en a offert, le même jour, une nouvelle illustration à propos du contrat de bail d’habitation. Par l’arrêt rapporté, elle refuse, en application de ce principe fondateur de l’application de la loi dans le temps, d’appliquer la règle dite de désolidarisation des loyers à un bail résilié antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi ayant consacré cette règle nouvelle.
En l’espèce, soutenant avoir quitté son logement en raison des violences exercées par son concubin, une locataire en avait informé sa bailleresse, le 9 octobre 2017, afin de ne plus être tenue solidairement avec son ancien concubin au paiement des loyers restant dus. Elle se prévalait ainsi de l'article 8-2 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989, issu de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, qui prévoit que, sous réserve d’informer le bailleur par lettre recommandée avec avis de réception, et en y joignant la copie notifiée d’une ordonnance de protection d’un juge aux affaires familiales ou la copie d’une condamnation pénale pour des faits de violences sur sa personne ou sur un enfant résidant habituellement avec lui et datant de moins de six mois, le conjoint, le partenaire pacsé, ou le concubin ayant quitté le logement, ainsi que la personne qui s’en est portée caution, ne sont plus solidaires du paiement des dettes locatives futures à compter de la première présentation du courrier au domicile du bailleur.
Sur ce fondement, la locataire faisait grief au jugement rendu en première instance de l’avoir, nonobstant la promulgation du nouveau dispositif, condamnée au paiement d'une certaine somme au titre d’un arriéré locatif dont son ancien concubin se prétendait créancier.
En application du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, impliquant notamment que les effets passés du contrat soient soustraits à l’application de la loi nouvelle, son pourvoi se voit logiquement rejeté. La troisième chambre civile relève que la loi ne disposant que pour l'avenir et n'ayant point d'effet rétroactif, l'article 8-2 de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989, créé par la loi précitée du 23 novembre 2018, n'est pas applicable à un bail résilié avant son entrée en vigueur. Or en l’espèce, le tribunal a constaté que la bailleresse avait été informée le 9 octobre 2017 par la locataire qu'elle avait quitté le logement en raison de violences exercées par son concubin et que les clés du logement avaient été restituées le 26 février 2018. Le bail ayant été résilié à cette date, il s’en déduisait que le nouveau texte ne lui était pas applicable, en sorte que la solidarité des loyers n'a pas pu être privée d'effet.
NB : rendue à propos des effets passés d’un contrat (de bail), il est à noter que la solution ne se justifie que par le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, et non par la règle de survie de la loi contractuelle ancienne, celle-ci ne servant qu’à déterminer la loi applicable aux effets futurs (et non passés) du contrat.
Référence :
■ Civ. 2e, 20 avr. 2023, n°21-23.712 B : DAE, 25 mai 2023, note M. Hervieu ; D. 2023. 783.
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