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Droit administratif général
Principe de précaution et utilité publique
Mots-clefs : Principe de précaution, Environnement, Utilité publique, Ligne à très haute tension, Modalités de contrôle
Par un arrêt du 12 avril 2013, le Conseil d’État précise les modalités de son contrôle concernant le principe de précaution dans les litiges relatifs aux actes déclaratifs d’utilité publique.
Les travaux nécessaires à la réalisation d’une ligne électrique aérienne à très haute tension, la ligne « Cotentin-Maine », ont été déclarés d’utilité publique par arrêté ministériel en date du 25 juin 2010. Diverses associations de protection de l’environnement, des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et des particuliers ont alors demandé l’annulation de cet arrêté. Selon les requérants, le respect du principe de précaution faisait obstacle à la réalisation de cette ligne en raison des risques sur la santé des riverains. Le Conseil d’État a rejeté leurs demandes.
Le principe de précaution est prévu à l’article 5 de la Charte de l’environnement, charte qui fait partie du bloc de constitutionnalité. La valeur constitutionnelle de ce principe a été reconnue par le Conseil d’État dans sa décision Commune d’Annecy du 3 octobre 2008. Au niveau législatif, on retrouve ce principe à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement.
Le problème posé notamment dans cette affaire était relatif à l’articulation entre le respect du principe de précaution par l’Administration et les décisions qu’elle est amenée à prendre concernant les projets d’utilité publique.
Pour cela, le Conseil d’État détermine les modalités du contrôle auxquelles l’autorité administrative doit se livrer pour qu’un acte déclaratif d’utilité publique respecte le principe de précaution (sachant qu’une opération qui méconnaît les exigences de ce principe ne peut être déclarée d’utilité publique). Ainsi, selon les juges du Palais-Royal, lorsque l’autorité compétente de l’État est saisie d’une demande tendant à ce qu’un projet soit déclaré d’utilité publique, la première vérification doit reposer sur la recherche :
– soit d’un « risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement » ;
– soit d’une « atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé ».
L’autorité de l’État doit, ensuite, mettre en œuvre ou contrôler les « procédures d’évaluation du risque identifié ». Pour cela, elle doit vérifier que les mesures de précaution prévues afin de prévenir la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives, en prenant en compte :
– d’une part la plausibilité et la gravité du risque ;
– et, d’autre part, l’intérêt de l’opération.
Lorsque le juge est saisi d’une demande d’annulation d’un acte déclaratif d’utilité publique, il doit « vérifier que l’application du principe de précaution est justifiée » puis « s’assurer de la réalité des procédures d’évaluation du risque mises en œuvre et de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures de précaution ». Par la suite, si le juge n’a pas censuré la décision, il doit contrôler l’utilité publique du projet en mettant en balance les avantages et les inconvénients.
En l’espèce, le Conseil d’État applique ces principes. Les juges reconnaissent l’existence d’un risque accru de leucémie chez l’enfant lors d’exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence, même si aucune preuve scientifique ne démontre le lien de causalité. Ils considèrent cette hypothèse suffisamment plausible, en l’état des connaissances scientifiques, pour justifier l’application du principe de précaution. Toutefois, les magistrats ont considéré que l’obligation d’évaluation du risque n’avait pas été méconnue. En effet, des procédures ont été mises en place (surveillance et mesure des ondes par des organismes indépendants, suivi médical…). Par ailleurs, les mesures de précaution prises (information du public, engagement de rachat des habitations situées à moins de 100 mètres. de la ligne à très haute tension…) ne peuvent être regardées comme manifestement insuffisantes pour parer à la réalisation du risque éventuel.
CE, Ass., 12 avr. 2013, Assoc. coordination interrégionale Stop THT et a., req. n° 342409
Références
■ CE 3 oct. 2008, Commune d’Annecy, n° 297931, au Lebon ; AJDA 2008. 2166 ; D. 2009. 1852, obs. Bernaud et Gay ; RFDA 2008. 1147, concl. Aguila ; Constitutions 2010. 139, obs. Aguila.
■ Article L. 110-1 du Code de l’environnement
« I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :
1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;
2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;
3° Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ;
4° Le principe selon lequel toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques ;
5° Le principe de participation en vertu duquel toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l'autorité compétente.
III. - L'objectif de développement durable, tel qu'indiqué au II, répond, de façon concomitante et cohérente, à cinq finalités :
1° La lutte contre le changement climatique ;
2° La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;
3° La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ;
4° L'épanouissement de tous les êtres humains ;
5° Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables.
IV. - L'Agenda 21 est un projet territorial de développement durable. »
■ Article 5 de la Charte de l’environnement
« Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
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