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Droit des successions et des libéralités
Privation du droit viager d’usage et d’habitation du conjoint survivant : formalisme de l’article 971 du Code civil
Mots-clefs : Succession, Conjoint survivant, Droit au logement, Droit viager d'usage et d'habitation, Privation, Formalisme, Art. 764 C. civ., Art. 971 C. civ., Applicabilité L. 3 déc. 2001
En vertu des articles 764 et 971 du Code civil, le conjoint survivant ne peut être privé du droit d’habitation du logement servant d’habitation principale et d’usage du mobilier le garnissant que par la volonté du défunt exprimée dans un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins.
Visant à préserver le cadre de vie du conjoint survivant, le droit au logement est une innovation de la loi du 3 décembre 2001. Rappelons qu’en vertu de l’article 764 du Code civil, ce droit viager ouvert au conjoint successible — qui dispose d’un an à partir du décès pour manifester sa volonté d’en bénéficier (art. 765-1 C. civ.) — doit porter sur le logement que l’époux occupe effectivement au moment du décès, à titre d’habitation principale et dépendant de la succession. Contrairement au droit temporaire au logement dont bénéficie aussi le conjoint survivant (art. 763 C. civ.), le droit viager n’est pas d’ordre public (art. 764 al. 1er C. civ.). Ainsi le de cujus peut-il neutraliser ce droit successoral. Mais pour éviter tout mouvement d’humeur irraisonné, le législateur a encadré cette possibilité dans des conditions de forme assez contraignantes édictées à l’article 971 du Code.
En l’espèce, un homme avait fait donation à son épouse en 1997 de l’usufruit de leur résidence principale ainsi que des meubles qui la garnissent, l’acte notarié précisant que le conjoint était toutefois privé de « la jouissance légale » (anc. art 767 C. civ.).
Deux années après, toujours par acte notarié, il lui fit donation de l’usufruit d’une résidence secondaire mais révoqua, par testament olographe, la donation de la résidence principale.
En 2001, confirmant la donation de l'usufruit de la résidence secondaire par acte notarié, l’époux priva son épouse de la « jouissance légale ».
Au décès de son époux en 2003, la veuve assigna, sur le fondement la loi du 3 décembre 2001, les descendants d’un premier lit en liquidation et partage de la succession pour obtenir, notamment, le droit d’habitation de la résidence principale.
Les juges du fond ont débouté l’épouse aux motifs :
– d’une part que l’époux, conformément à la faculté légale prévue à l’alinéa 1er de l’article 764 du Code, avait manifesté sa volonté par voie testamentaire — dont la validité formelle n’était pas contestée — de priver sa femme de la résidence principale et ne lui avait reconnu qu’un droit d’usufruit sur la résidence secondaire ;
– et, d’autre part, que si certes cette exclusion testamentaire avait été exprimée antérieurement à la date d’entrée vigueur de la loi de 2001 (applicable aux successions ouvertes le 1er juill. 2002), elle ne lui était pas contraire et pouvait donc produire ses effets.
La Haute cour censure partiellement ce raisonnement pour violation des articles 764 et 971 du Code civil. En effet, le défunt n’avait pas manifesté sa volonté dans les conditions de forme contraignantes et impératives édictées aux articles 971 à 975 à savoir : qu’elle doit être exprimée dans un testament authentique reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins. Elle rejoint toutefois les juges du fond sur le fait de voir appliquer les dispositions issues de la loi de 2001 à une disposition testamentaire pourtant rédigée antérieurement à son entrée en vigueur.
Civ. 1re, 15 déc. 2010, n°09-68.076
Références
« Celui des deux époux qui survit à l’autre.
En plus de ses droits dans la succession, il est reconnu au conjoint survivant un droit de jouissance gratuite sur le logement qui lui servait d’habitation principale et sur les meubles qu’il contient, pendant un an à compter du décès, droit d’ordre public que le défunt ne peut pas supprimer par testament. Le conjoint survivant peut aussi exiger de conserver son droit de jouissance sur ce logement et ce mobilier, sa vie durant (sauf volonté contraire de son conjoint prédécédé) et à la seule condition de notifier sa décision aux autres héritiers. »
« Premiers mots de la formule “ de cujus successione agitur ” (littéralement : celui de la succession de qui il s’agit); utilisés de nos jours pour désigner le défunt auteur de la succession : on dit le de cujus. »
« Contrat par lequel une personne (le donateur) transfère, immédiatement et irrévocablement, avec intention libérale, la propriété d’un bien, sa nue-propriété, ou l’un des autres droits réels principaux (usufruit) à une autre (le donataire) qui l’accepte sans contrepartie. »
« Acte juridique unilatéral par lequel une personne, le testateur, exprime ses dernières volontés et dispose de ses biens pour le temps qui suivra sa mort.
• Le testament authentique est celui qui est reçu par deux notaires ou un notaire et deux témoins.
• Le testament mystique ou secret est celui qui est écrit par le testateur ou un tiers, signé par le testateur, présenté clos et scellé à un notaire qui dresse un acte de suscription en présence de deux témoins.
• Le testament olographe est celui qui est entièrement écrit, daté et signé de la main du testateur. La signature doit être nécessairement apposée à la suite des dispositions de dernières volontés à peine de nullité du testament.
• Il existe aussi un testament dit international réglementé par la loi matérielle uniforme annexée à la Convention de Washington du 28 octobre 1973. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« Si, à l'époque du décès, le conjoint successible occupe effectivement, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit.
Si son habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer ou d'un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou l'indemnité d'occupation lui en seront remboursés par la succession pendant l'année, au fur et à mesure de leur acquittement.
Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux.
Le présent article est d'ordre public. »
« Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l'article 971, le conjoint successible qui occupait effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a sur ce logement, jusqu'à son décès, un droit d'habitation et un droit d'usage sur le mobilier, compris dans la succession, le garnissant.
La privation de ces droits d'habitation et d'usage exprimée par le défunt dans les conditions mentionnées au premier alinéa est sans incidence sur les droits d'usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou d'une libéralité, qui continuent à obéir à leurs règles propres.
Ces droits d'habitation et d'usage s'exercent dans les conditions prévues aux articles 627, 631, 634 et 635.
Le conjoint, les autres héritiers ou l'un d'eux peuvent exiger qu'il soit dressé un inventaire des meubles et un état de l'immeuble soumis aux droits d'usage et d'habitation.
Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d'habitation n'est plus adapté à ses besoins, le conjoint ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions d'hébergement. »
« Le conjoint survivant non divorcé, qui ne succède pas à la pleine propriété et contre lequel n’existe pas de jugement de séparation de corps passé en force de chose jugée a, sur la succession du prédécédé, un droit d’usufruit qui est :
D’un quart, si le défunt laisse un ou plusieurs enfants soit légitimes, issus ou non du mariage, soit naturels ;
De moitié, si le défunt laisse des frères et sœurs, des descendants de frères et sœurs, des ascendants ou des enfants naturels conçus pendant le mariage.
Le calcul sera opéré sur une masse faite de tous les biens existant au décès du de cujus, auxquels seront réunis fictivement ceux dont il aurait disposé, soit par acte entre vifs, soit par acte testamentaire, au profit de successibles, sans dispense de rapport.
Mais l’époux survivant ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n’aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, et sans préjudicier aux droits de réserve ni aux droits de retour.
Il cessera de l’exercer dans le cas où il aurait reçu du défunt des libéralités, même faites par préciput et hors part, dont le montant atteindrait celui des droits que la présente loi lui attribue, et, si ce montant était inférieur, il ne pourrait réclamer que le complément de son usufruit.
Jusqu’au partage définitif, les héritiers peuvent exiger, moyennant sûretés suffisantes, et garantie du maintien de l’équivalence initiale, que l’usufruit de l’époux survivant soit converti en une rente viagère équivalente. S’ils sont en désaccord, la conversion sera facultative pour les tribunaux. »
« Le conjoint dispose d'un an à partir du décès pour manifester sa volonté de bénéficier de ces droits d'habitation et d'usage. »
« Le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins. »
« Si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l'un de ces notaires l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.
S'il n'y a qu'un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.
Dans l'un et l'autre cas, il doit en être donné lecture au testateur.
Il est fait du tout mention expresse. »
« Ce testament doit être signé par le testateur en présence des témoins et du notaire ; si le testateur déclare qu'il ne sait ou ne peut signer, il sera fait dans l'acte mention expresse de sa déclaration, ainsi que de la cause qui l'empêche de signer. »
« Le testament devra être signé par les témoins et par le notaire. »
« Ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public, ni les légataires, à quelque titre qu'ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus. »
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