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Procédure civile
Procédure arbitrale : définition de l'estoppel
Mots-clefs : Arbitrage, Estoppel, Droit processuel, Déloyauté
Par un arrêt du 3 février 2010, la première chambre civile estime que l'estoppel sanctionne le comportement procédural d'une des parties lorsqu'il est constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions.
La théorie d’origine anglo-saxonne de l’estoppel désigne une attitude procédurale déloyale, adoptée au détriment de son adversaire. En matière d'arbitrage, elle sanctionne, par le biais d'une fin de non-recevoir, le fait de se tenir « en embuscade » en s'abstenant de relever une irrégularité procédurale pour mieux l'invoquer par la suite, surtout lorsqu'il s'avère que l'arbitrage dessert ses intérêts.
En l'espèce, des difficultés étaient survenues dans l'exécution d'un contrat d'approvisionnement qui comprenait une clause compromissoire. L'arbitre avait partiellement accueilli la demande présentée par la partie qui se plaignait de ces difficultés. Dans sa sentence, il avait ordonné une compensation avec les condamnations prononcées sur la demande reconventionnelle de son adversaire — qu’il avait lui-même accueillie, comme le permet le règlement d’arbitrage de la chambre de commerce et d’industrie, ici en cause. Il était reproché au demandeur de ne pas avoir protesté contre les termes de cette première ordonnance de procédure, de n’avoir émis aucune réserve sur le procès-verbal d'audience de clôture de la procédure arbitrale, avant de se raviser et tenter d'obtenir l'annulation de la sentence.
Pour la Cour de cassation, l’absence de contestation de l'ordonnance de procédure n'est pas suffisante, à elle seule, pour constituer un estoppel et priver la partie du droit de demander l'annulation de la sentence. En réalité, elle semble rattacher l'estoppel à la notion de renonciation à un droit (ici celui d'agir en annulation). De droit commun, la renonciation n'est valable que si elle résulte d'une manifestation de volonté dénuée d'équivoque (v., not., Civ. 2e, 20 juin 2002). La Haute Cour a estimé en l’espèce que la passivité du litigant était trop ambiguë pour valoir renonciation à agir, par la suite, en annulation de la sentence.
Si la théorie de l'estoppel éprouve des difficultés à prospérer en droit processuel français (v. Ass. plén. 27 févr. 2009), le droit de l'arbitrage l’a consacrée crescendo (v. Civ. 1re, 6 juill. 2005 ; Civ. 11 juill. 2006 ; Civ. 6 mai 2009). L'arrêt du 3 février 2010 confirme cette tendance et même l’amplifie. S’il casse l'arrêt d'appel, ce n’est pas pour condamner la notion d’estoppel mais pour en préciser les contours. Une définition générale de la notion est même proposée : l'estoppel sanctionne « le comportement procédural [d'une des parties lorsqu'il est] constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire [son adversaire] en erreur sur ses intentions ».
Civ. 1re 3 févr. 2010
Références
■ Civ. 2e, 20 juin 2002, Bull. civ. II, n° 138.
■ Ass. plén. 27 févr. 2009, D. 2009. AJ. 723, obs. Delpech ; D. 2009. Jur. 1245, note Houtcieff ; D. 2010. Pan. 169, obs. Fricero ; JCP 2009. I. 133, n° 30, obs. Mayaux ; ibid. 142, n° 7, obs. Serinet ; ibid. II. 10073, note Callé ; Gaz. Pal. 19 mars 2009, p. 10, note Janville ; Dr. et proc. 2009. 263, note Douchy-Oudot.
■ Civ. 1re, 6 juill. 2005, D. 2005. Pan. 3050, obs. Clay ; ibid. 2006. Jur. 1424, note Agostini ; Rev. arb. 2005. 993, note Pinsolle ; JDI 2006. 608, note Behar-Touchais ; Gaz. Pal. 24-25 févr. 2006, note Train ; RTD com. 2006. 309, note Loquin ; JCP G 2005. I. 179, note J. Ortscheidt ; RDC 2006. 1279, obs. Fauvarque-Cosson.
■ Civ. 11 juill. 2006, Bull. civ. I, n° 369 ; D. 2006. IR. 2052, obs. Delpech.
■ Civ. 6 mai 2009, D. 2009. AJ. 1422, obs. Delpech ; ibid. Pan. 2959, obs. Clay ; RTD com. 2009. 546, obs. Loquin.
■ E. Agostini, « L'estoppel et les trois unités », D. 2010. Chron. 285.
■ Rép. civ. Dalloz, V° "Renonciation", n° 60, par D. Houtcieff.
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