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Droit des sociétés
Procédure de saisie-attribution et existence juridique des dividendes
Mots-clefs : Société civile immobilière, Société de personnes, Saisie-attribution, Dividende, Existence juridique, Assemblée générale, Décision
La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, par un arrêt du 13 septembre 2017, vient rappeler que la réalisation de bénéfices n’est pas synonyme de distribution de dividendes.
Le gérant et associé d’une société civile immobilière (SCI) est débiteur à l’égard du Trésor public d’une somme d’argent. Un comptable du service des impôts des particuliers fait pratiquer une saisie-attribution des sommes qui lui sont dues par la SCI. La SCI conteste être sa débitrice au motif que ses bénéfices n’ont pas été distribués mais affectés au compte « report à nouveau ». Le comptable du service des impôts des particuliers, estimant que la société avait manqué à ses obligations de tiers saisi, assigne la société pour demander la délivrance d’un titre exécutoire à son encontre.
La cour d’appel de Nîmes, pour condamner la SCI à payer au comptable la somme due, retient que l’argument de la SCI, selon lequel l’absence de preuve de sa qualité de débitrice du gérant résulte de l’affectation des revenus fonciers déclarés au compte « report à nouveau » sans distribution, est inopérant dès lors que la créance du gérant sur elle résulte de la déclaration des revenus fonciers 2011 de ce dernier.
L'arrêt est cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation au visa des articles L. 211-3 et R. 211-15 du Code des procédures civiles d’exécution, ensemble les articles 1842 et 1852 du Code civil. La Cour de cassation considère que les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé, de sorte qu’en l’absence d’une telle décision, la SCI n’est pas débitrice de l’associé gérant. Ainsi, elle ne peut être condamnée aux causes de la saisie pour avoir méconnu son obligation de renseignement.
Cet arrêt vient rappeler des arrêts antérieurs de la Chambre commerciale de la Cour de cassation par lesquels les juges ont estimé que « les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de l’existence de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé ». En clair, le versement d’un dividende suppose une décision de distribution des dividendes prise par les associés réunis en assemblée générale. En d’autres termes, la qualité d’associé, si elle confère un droit à une fraction des bénéfices proportionnelle au nombre de parts détenues, ne confère aucun droit à un versement annuel des bénéfices. Les associés doivent prendre une décision collective en ce sens, étant rappelé qu’il leur est aussi permis de décider d’une mise en réserve des bénéfices (Com. 4 févr. 2014, n° 12-23.894. Com. 28 nov. 2006, n° 04-17.486. Com. 23 oct. 1990, n° 89-13.999).
L’existence juridique des dividendes est par conséquent subordonnée à l’accomplissement de trois formalités :
1) L'approbation des comptes de l'exercice par l'assemblée générale ;
2) La constatation de l'existence de sommes distribuables ;
3) La détermination de la part qui est attribuée à chaque associé.
En votant la distribution d'un dividende, l'assemblée générale consacre au profit de l'actionnaire un droit de créance qui, même lorsque la date de paiement n'est pas encore fixée, ne peut être supprimé sauf si a posteriori le bénéfice apparaît fictif ou si, par suite d'indisponibilités découlant de circonstances imprévisibles et indépendantes de la volonté de la société, la distribution ne pourrait être opérée sans enfreindre les dispositions légales.
En l’espèce, une procédure de saisie-attribution a été exercée, celle-ci permettant à un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible d’en obtenir le paiement en saisissant entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent. Une société peut en effet être débitrice de son associé au titre de dividendes non encore versés. Il est alors possible, dans cette situation, que le créancier d’un associé mette en œuvre une saisie-attribution. Or, les faits ayant donné lieu à cet arrêt du 13 septembre 2017 étaient dissemblables puisque la société n’était pas encore débitrice de son associé. En effet, les sommes affectées au compte « report à nouveau » étaient dans l’attente d’une décision d’affectation pouvant notamment consister en une distribution.
Une interrogation pourrait se poser du point de vue du droit fiscal puisque les SCI sont, sauf dérogation, des sociétés de personnes soumises à l’impôt sur le revenu. Cela signifie que le bénéfice qu’elles réalisent est directement imposé au niveau de chaque associé, même si ce bénéfice n’est pas distribué. Ainsi, l’associé doit déclarer les revenus fonciers perçus par la société civile immobilière au titre de ses revenus, alors même qu’il n’a pas encaissé à titre personnel lesdites sommes. Ce constat pourrait amener l’associé à penser qu’il est, par conséquent, systématiquement créancier de sa société. Or, il ne faut pas oublier qu’en cas de réalisation d’un résultat déficitaire par la société, l’associé pourra imputer la quote-part de déficit lui revenant sur ses revenus. L’associé n’est donc pas lésé.
Finalement, c’est d’un point de vue juridique que la Cour de cassation estime que la simple existence d’un bénéfice dégagé par une société ne fait pas naître un droit de créance des associés sur leur société. Seule une décision collective de ces derniers peut faire exister cette créance de somme d’argent en lui donnant vie juridiquement.
En définitive, une saisie-attribution portant sur des dividendes inexistants au moment de la saisie est impossible.
Com. 13 sept. 2017, n° 16-13.674
Références
■ Com. 4 févr. 2014, n° 12-23.894: Rev. sociétés 2014. 373, note A. Reygrobellet.
■ Com. 28 nov. 2006, n° 04-17.486 : D. 2006. 3055, obs. A. Lienhard ; ibid. 2007. 1303, chron. M.-L. Bélaval et R. Salomon ; RTD civ. 2007. 149, obs. T. Revet.
■ Com. 23 oct. 1990, n° 89-13.999 P : D. 1991. 173, note Y. Reinhard ; RTD civ. 1991. 361, obs. F. Zenati.
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