Actualité > À la une
À la une
Procédure civile
Procès civil : le principe de l’oralité
Mots-clefs : Procès civil, Oralité, Principe, Domaine
Devant la juridiction de proximité, la procédure est orale et l’absence de conclusions écrites ne peut alors fonder l’irrecevabilité des prétentions formulées oralement.
S’il est devenu courant de souligner le déclin de l’oralité dans le procès civil, la décision rapportée vient contredire cette tendance ou du moins, en limiter la portée. En effet, c’est la faveur traditionnelle pour l’oralité du procès civil qui se trouve ici rappelée.
Datant de l’époque féodale, celle-ci a véritablement émergé à la Révolution française, période durant laquelle les abus de la procédure écrite (développement des enquêtes, consécration du système de la preuve légale, mise à l’écart du juge privé d’une connaissance directe de l’affaire) développés depuis le xiiie siècle, furent fermement dénoncés. C’est ainsi que l’oralité de la procédure est progressivement devenue un principe fondamental du procès, permettant d’assurer, indirectement, le respect de certains principes fondamentaux : contradiction, publicité des débats (v. L. Cadiet, J. Normand, S. Amrani). La Cour de cassation est même venue affirmer le droit de tout justiciable à un débat oral (Ass. plén. 24 nov. 1989). Encore faut-il s’entendre sur le sens de cette notion d’oralité. En vérité, elle en recouvre deux (v. Cornu) :
– dans un sens absolu, elle désigne le caractère de la procédure qui, n’accordant aucune valeur aux écritures, repose exclusivement sur des échanges verbaux, dont principalement les débats à l’audience ;
– dans un sens plus étroit, elle correspond à l’importance relative que revêt l’élément verbal dans le procès, plus spécialement à l’audience, par rapport aux échanges d’écritures.
Or, il est vrai que dans ces deux sens, l’oralité décline. On constate, en effet, une résurgence de l’écrit, qu’accompagne l’incontestable régression de l’art oratoire dans les prétoires.
Se prêtant mieux à la procédure écrite, la précision technique aurait remplacé la rhétorique, la régression de l’oralité se manifestant, notamment, par la légalisation de la pratique du dépôt du dossier de plaidoirie (C. pr. civ., art. 779 al. 3, issu du décret n°2005-1678 du 28 déc. 2005).
De surcroît, l’oralité ne fait pas partie des exigences du procès équitable. En ce sens, un décret n°2010-1165 du 1er octobre 2010 est venu prolonger les quelques dérogations déjà autorisées en jurisprudence à l’oralité en multipliant les possibilités de recours à l’écrit, dans le cadre de procédures traditionnellement orales.
Cela étant, l’oralité est loin d’avoir encore totalement disparu de la procédure civile, notamment parce qu’elle reste de principe dans certains contentieux. Les contentieux visés sont ceux dans lesquels l’intervention du juge peut sembler de nature plus sociale que juridique et où les faits seraient plus déterminants que le débat en droit. Ainsi la procédure est-elle orale devant toutes les juridictions d’exception (tribunal de commerce, d’instance, conseil des prud’hommes, TASS).
Le formalisme des procédures écrites (exigence de conclusions récapitulatives et qualificatives, postulation obligatoire) entraverait alors la recherche d’une justice de proximité, impliquant de reconnaître au justiciable le droit de s’exprimer oralement et de s’adresser directement au juge.
Dans l’espèce ici rapportée, il s’agissait précisément d’une juridiction de proximité devant laquelle, pour les raisons qui viennent d’être exposées, la procédure doit être orale ; les rédacteurs du Code de procédure civile l’ont d’ailleurs expressément prévu (C. pr. civ., art. 843). Or, pour écarter les pièces et prétentions contenues dans les dernières conclusions de la demanderesse et la débouter de ses demandes, le juge de proximité saisi dans cette affaire avait énoncé que celles-ci ne se retrouvaient pas dans ses premières conclusions.
Ce jugement est cassé au motif que les conclusions de la demanderesse avaient préalablement été soutenues oralement à l’audience et que le juge de proximité ne pouvait en conséquence refuser d’examiner les prétentions ainsi formulées. En effet, le principe de l’oralité signifie que seuls les prétentions et moyens énoncés oralement à l’audience saisissent le juge (C. pr. civ., art. 446-1) ; en conséquence, l’écrit, s’il n’est pas banni de ces procédures, est dénué de valeur. C’est la raison pour laquelle l’absence de conclusions écrites ne pouvait, en l’espèce, valablement justifier l’irrecevabilité de la demande. À l’inverse, les conclusions écrites ne sont, dans une procédure orale, recevables qu’à la condition d’avoir été reformulées oralement à la barre (Civ. 2e, 4 mars 2004).
Civ. 2e, 6 juin 2013, n°12-21.406
Références
■ Ass. plén. 24 nov. 1989, n°88-18.188.
■ Civ. 2e, 4 mars 2004, n°02-11.423.
■ L. Cadiet, J. Normand, S. Amrani, Théorie générale du procès, PUF, 2010.
■ Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, V° « Oralité ».
■ Code de procédure civile
« Les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.
Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui. »
« Sauf dans le cas où il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 764, le juge de la mise en état déclare l'instruction close dès que l'état de celle-ci le permet et renvoie l'affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s'il a reçu délégation à cet effet. La date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.
S'il l'estime nécessaire pour l'établissement de son rapport à l'audience, le juge de la mise en état peut demander aux avocats de déposer au greffe leur dossier, comprenant notamment les pièces produites, à la date qu'il détermine.
Le président ou le juge de la mise en état, s'il a reçu délégation à cet effet, peut également, à la demande des avocats, et après accord, le cas échéant, du ministère public, autoriser le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu'il fixe, quand il lui apparaît que l'affaire ne requiert pas de plaidoiries.
Le juge de la mise en état demeure saisi jusqu'à l'ouverture des débats ou jusqu'à la date fixée pour le dépôt des dossiers des avocats. »
« Lorsque le montant de la demande n'excède pas 4 000 euros, la juridiction peut être saisie par une déclaration faite, remise ou adressée au greffe, où elle est enregistrée. La prescription et les délais pour agir sont interrompus par l'enregistrement de la déclaration.
Outre les mentions prescrites par l'article 58, la déclaration doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande. Les pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions sont jointes à sa déclaration en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée. »
Autres À la une
-
Droit des biens
[ 22 novembre 2024 ]
Acte de notoriété acquisitive : office du juge quant à l’appréciation de la preuve de l’usucapion
-
Droit des obligations
[ 21 novembre 2024 ]
Appréciation de la date de connaissance d’un vice caché dans une chaîne de contrats
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 20 novembre 2024 ]
Chuuuuuut ! Droit de se taire pour les fonctionnaires poursuivis disciplinairement
-
Droit de la responsabilité civile
[ 19 novembre 2024 ]
Recours en contribution à la dette : recherche d’une faute de conduite de l’élève conducteur
-
Droit de la responsabilité civile
[ 18 novembre 2024 ]
L’autonomie du préjudice extrapatrimonial exceptionnel d’un proche d’une victime handicapée
- >> Toutes les actualités À la une