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[ 14 novembre 2017 ] Imprimer

Droit des obligations

Promesse de vente d’un immeuble d’habitation : modalités du délai de rétractation

Mots-clefs : Promesse de vente, Immeuble, Usage d’habitation, Délai de rétractation, Acquéreur non-professionnel, Charge de la preuve, Avis de réception, Modalités, Irrégularité, Clause pénale (non)

Le délai de dix jours de rétractation offert à l'acquéreur non-professionnel d’un immeuble à usage d'habitation ne court qu’à compter d’une notification régulière de l’acte de vente dont dépend la signature personnelle de l’avis de réception de son bénéficiaire.

Le délai de rétractation de dix jours institué par l'article L. 271-1 du Code de la consommation au profit de tout acquéreur, non professionnel, d’un bien immobilier à usage d’habitation ne devrait pas poser de difficultés particulières. D’une part, son domaine d’application paraît bien défini, les dispositions du texte précité prévoyant que celles-ci ne sont applicables qu'aux immeubles ayant un usage exclusif d'habitation. D’autre part, le délai de rétractation offert à l’acquéreur non professionnel semble également obéir à un régime assez simple, reposant sur divers modes de notification différents, tous assez souplement admis : soit une lettre recommandée avec avis de réception, ou bien par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. 

Dans tous les cas, les modalités de rétractation répondent aux mêmes formalités que celles prévues pour formaliser l’acte originaire lui-même, ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un bien immeuble à usage d'habitation. De surcroît, la lettre recommandée avec avis de réception, modalité la plus couramment choisie, est un procédé qui ne devrait pas susciter de difficultés particulières si l’on tient compte du fait que le délai de rétractation court non pas à compter de la remise effective de la lettre à son destinataire, mais de sa première présentation. 

Cependant, en pratique, la mise en œuvre du procédé est rendue complexe par deux points parfaitement illustrés par l’arrêt rapporté : la preuve de la qualité d’acquéreur non professionnel, nécessaire au bénéfice du droit de rétractation, et les risques présentés par la remise de la lettre notifiant la rétractation, dont il n’est jamais sûr qu’elle soit effectivement remise à son destinataire.

En l’espèce, une SCI avait conclu avec un particulier une promesse synallagmatique de vente portant sur un immeuble d'habitation. L'acquéreur ayant exercé le droit de rétractation prévu par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation, la SCI avait demandé l'application de la clause pénale prévue à l’avant-contrat, après avoir argué du fait qu'il n'y avait pas lieu à rétractation, notamment parce qu’indépendamment des stipulations de l’acte de vente, l’achat avait pour but, même partiel, mais de manière réelle et effective, un usage commercial. 

La cour d’appel rejeta ses demandes au motif, d’une part, que dans les rapports entre les parties, la nature de l'objet de la vente est déterminée non par la situation de l'immeuble mais par le contrat qu'elles ont signé, or l'acte litigieux portait sur la vente d'un immeuble à usage d'habitation et que, dès lors, quelle que soit l'affectation effective du bien, les règles protectrices du Code de la construction et de l'habitation étaient applicables et l’acquéreur, non-professionnel, bénéficiait à ce double titre du délai de rétractation prévu par l'article L. 271-1 de ce code. D’autre part, elle retint que l’avis de réception ayant été signé par la mère de l’acquéreur et non par l’acquéreur lui-même, sans que ce dernier l’ait mandatée pour le faire, la notification de la promesse synallagmatique de vente litigieuse devait être tenue pour irrégulière, que le délai de rétractation n'avait donc pas couru et que la rétractation décidée par l’acquéreur était valable et avait eu pour effet de le délivrer de son engagement. 

La Cour de cassation, en rejetant le pourvoi, clarifie les deux points contestés, à tort, par l’auteur du pourvoi. Elle affirme tout d’abord que dans le cadre d’un avant-contrat comme d’un contrat portant sur la vente d'un immeuble à usage d'habitation, usage qu’elle tient, en l’espèce, pour acquis, la charge de la preuve du caractère non-professionnel de l'acquéreur pèse naturellement sur le vendeur. En effet, un acquéreur personne physique n'a pas, a priori, la qualité de professionnel. Ainsi pouvait-il, en toute logique, exercer le délai de rétractation, en l’espèce purgé. Elle précise ensuite la question relative au mode de notification par lettre recommandée avec avis de réception. Dans cette espèce, rappelons que l'accusé de réception avait été signé par la mère de l'acquéreur et non par l'acquéreur lui-même. La Cour relève que la mère n'était pas munie d'un mandat pour recevoir l'acte de notification ce qui aurait, dans ce cas, rendu le procédé régulier, l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation prévoyant expressément que lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation, auquel cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte (art. préc., al. 3). Or en l’espèce, sans mandat, la signature par la mère de l’acquéreur rendait l’avis de réception irrégulier, en sorte que le délai de rétractation n'avait pu courir et qu'en conséquence, la clause pénale n'était pas due. 

La solution rappelle et confirme celle que la troisième chambre civile avait déjà rendue dans l’hypothèse d’une pluralité d'acquéreurs (9 juin 2010, n° 09-14.503 et n° 09-15.361). Dans cette affaire, la Cour affirmait qu’à moins qu’un mandat ait été confié, chaque acquéreur doit se voir personnellement adresser une lettre recommandée, faute de quoi le délai de rétractation de dix jours ne court pas contre l'acquéreur n'ayant pas bénéficié d'une notification personnelle. Il peut par conséquent, sans contrainte de délai, se rétracter. Le même principe sous-tend la solution ici rendue : faute d'avoir lui-même signé l'avis de réception, l'acquéreur n'a pas bénéficié d'une notification personnelle. Cette position pêche sans doute par sévérité, tant il est fréquent, en pratique, que la signature des avis de réception ne soit pas apposée par ceux à qui ils sont personnellement soumis, ceux-ci étant généralement remis à d’autres que son destinataire.

Civ. 3e, 12 oct. 2017, n° 16-22.416

Référence

■ Civ. 3e, 9 juin 2010, n° 09-14.503 P et n° 09-15.361 P : D. 2010. 1706 ; AJDI 2011. 317, obs. F. Cohet-Cordey.

 

Auteur :M. H.


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