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[ 9 mars 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Promesse de vente d’un terrain à bâtir : pas de faculté de rétractation !

Mots-clefs : Immobilier, Promesse unilatérale de vente, Vente d'un terrain à bâtir, Volonté des parties, Construction d'un immeuble à usage d'habitation, Prise en compte (non), Faculté de rétractation (non)

La faculté de rétractation prévue par l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation ne concernant que les actes ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation, ne peut être exercée par les bénéficiaires d’une promesse de vente d’un terrain à bâtir.

Par acte notarié, une société avait consenti une promesse unilatérale de vente d'un terrain à bâtir à un couple, sous la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire, une maison à usage d'habitation ainsi que d'un prêt. La vente n'ayant pu été régularisée, la société promettante avait assigné les bénéficiaires de la promesse en paiement de l'indemnité d'immobilisation, ceux-ci lui avaient opposé que la promesse unilatérale de vente était nulle, faute de leur avoir été notifiée conformément aux dispositions de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation. La cour d’appel leur donna raison et déclara nulle la promesse unilatérale au motif que la volonté des acquéreurs de construire une maison à usage d'habitation était certaine lors de la conclusion de la promesse et était entrée dans le champ contractuel et qu'il doit se déduire de ces éléments que le droit de rétractation prévu par les dispositions légales précitées était applicable. La société forma un pourvoi en cassation, accueilli par la Cour, jugeant la rétractation en l’espèce impossible à exercer dans la mesure où la promesse ne portait que sur la vente d'un terrain à bâtir alors que la faculté de rétractation prévue par l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation ne concerne que les actes ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation. 

L’application de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation aux terrains à bâtir n’est pas en soi inenvisageable. En effet, s’il on peut avec certitude déduire de la volonté des contractants non professionnels que leur achat a été motivé par la volonté d'édifier un immeuble à l'usage d'habitation, condition essentielle d’application de cette disposition, la solution pourrait être admise, comme l’ont d’ailleurs retenu plusieurs juridictions du fond (CA Versailles, 8 janv. 1999, n° 97/00000424). Néanmoins, plusieurs arguments invitent à une solution contraire, en l’espèce retenue par la Cour, refusant que l’intention des parties ait une quelconque incidence sur le champ d’application du texte (V. sur ce point, H. Périnet-Marquet ; JCP N 2002, p. 955, n° 8 à 14). Un argument de texte peut tout d'abord être avancé : l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation vise « tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation ». Ainsi l’objet de l'acte requis par le texte est l'immeuble transféré par le contrat de construction ou d’acquisition, cet immeuble devant en outre être à usage d'habitation. Or tel ne peut logiquement jamais être le cas d'un terrain à bâtir qui, par définition, ne peut encore servir, au moment de la conclusion, d'habitation comme il ne peut davantage être l’objet d’un contrat de construction. Il convient également d’observer que si l'article L. 442-8 du Code de l'urbanisme a été édicté en vue d’offrir une faculté de rétractation aux seuls bénéficiaires de promesses unilatérales de vente de lots de lotissement issus de permis d'aménager, cette disposition n’aurait de sens, sauf à faire doublon avec la précédente, si l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation leur était déjà applicable. Enfin, la réglementation des contrats spéciaux de construction garantissant généralement à l'acquéreur une protection suffisante, soit qu'il y ait lieu d'appliquer le contrat de vente d'immeuble à construire (si le terrain est vendu par le constructeur) soit qu'il y ait lieu d'établir un contrat de construction de maisons individuelles lorsque le terrain est « procuré » indirectement par le constructeur, le bénéfice du droit de rétractation offert par l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation pourrait être vu comme surabondant. En ce sens, deux réponses ministérielles ont depuis longtemps exclu l'application de l'article L. 271-1 Code de la construction et de l'habitation en matière d'acquisition de terrains à bâtir (Rép. min. n° 63604JOAN Q 10 sept. 2001, p. 5260Rép. min. n° 65241JOAN Q 15 oct. 2001, p. 5967). Selon cette dernière réponse, le champ d'application de l'article L. 271-1 est lié à l'objet du contrat. Or dans le cas de terrains à bâtir le contrat a pour objet l'acquisition du bien déterminé que constitue le terrain, et non directement de l'habitation à construire sur ce dernier, quoique la cause du contrat ou le motif de l'acquisition soit l'édification ultérieure d'un bâtiment destiné à l’habitat. En conséquence de cette distinction entre l’objet et la cause du contrat, l'application du texte précité doit être exclue (V. sur cette réponse, D. Boulanger, L'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation et le terrain à bâtir hors-jeu : JCP N 2001, n° 49, p. 1767). La doctrine majoritaire se rallie d’ailleurs à cette position (M. Dagot, La protection de l'acquéreur immobilier et l'article 72 de la loi SRU : JCP N 2001, p. 913. D. Lepeltier, Rétractation ou réflexion : une nouvelle protection pour l'acquéreur immobilier : BPIM janv. 2002, p. 19 s., n° 3. – Rép. CRIDON de Paris, dossier n° 587927, 1er oct. 2001, et sur le problème de la cession de terrain contre locaux à construire : ibid., dossier n° 587928, 1er oct. 2001).

Civ. 3e, 4 févr. 2016, n° 15-11.140

Référence

■ CA Versailles, 8 janv. 1999, n° 97/00000424 ; RDI 1999. 267.

 

Auteur :M. H.


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