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Droit du travail - relations individuelles
Promesse d’embauche et contrat de travail : une identité imparfaite
Mots-clefs : Droit du travail, Actes préparatoires, Promesse d’embauche, Conclusion d'un contrat de travail postérieur, Période d’essai
Une période d’essai n’a pas à être prévue dans une promesse d’embauche, même si celle-ci vaut contrat de travail, dès lors qu’elle est par la suite déterminée dans le contrat de travail conclu postérieurement.
Le 6 avril 2009, une société exploitant un restaurant avait signé une promesse d’embauche au profit d’une serveuse. Le 11 avril 2009, cette dernière avait été engagée par cette société dans le cadre d’un contrat à durée déterminée. Le 5 mai 2009, l’employeur rompit le contrat. La salariée saisit alors la juridiction prud’homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat et pour non-respect de la procédure de licenciement.
La cour d’appel la débouta de ses demandes au motif que le contrat de travail conclu à la suite de la promesse d’embauche prévoyait une période d’essai au cours de laquelle l’employeur était libre de rompre la relation contractuelle. La salariée forma un pourvoi en cassation.
Le moyen du pourvoi reposait sur l’articulation des règles suivantes : une promesse d’embauche comportant la mention de l’emploi proposé ainsi que celle de la date d’entrée en fonction vaut contrat de travail ; par ailleurs, la période d’essai ne se présume pas et doit, pour être opposable au salarié, être fixée dès l’engagement de celui-ci, dans son principe comme dans sa durée. Or, selon la demanderesse au pourvoi, sa promesse d’embauche n’ayant pas prévu de période d’essai, le contrat de travail établi par la suite ne pouvait valablement en instituer une.
Son pourvoi est rejeté par la Cour de cassation au motif que l’existence d’une promesse d’embauche signée le 6 avril 2009, par laquelle la société s’engageait à employer la demanderesse en qualité de serveuse aide cuisine du 11 avril 2009 au 11 octobre 2009, ne faisait pas obstacle à ce que le contrat à durée déterminée conclu le 11 avril 2009 entre les parties prévoie une période d’essai.
La conclusion d’un contrat de travail implique l'échange des consentements. Une volonté commune, ferme et définitive de s'engager doit donc émaner de l'employeur et du candidat à l'emploi. Mais l'identification de l'accord de volontés soulève des difficultés dans l’hypothèse où la conclusion du contrat de travail est précédée d'actes préparatoires.
Tout comme en droit commun, il convient d'opérer une distinction entre le contrat de travail proprement dit et les pourparlers, l'offre de contracter, la promesse de contracter.
Les pourparlers désignent la période au cours de laquelle l'employeur et le candidat à l'emploi se rapprochent en vue de préparer la conclusion d'un futur contrat. Durant cette période exploratoire, « les futurs contractants échangent leurs points de vue, formulent et discutent les propositions qu'ils se font mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat, sans être pour autant assurés de le conclure » (v. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette). À ce stade, le projet de conclure le contrat est mal défini ou bien assorti de conditions imprécises. En raison de leur imprécision, les pourparlers ne lient pas les parties et leur rupture est libre, sous réserve de l’abus commis par son auteur.
Plus engageante, l’offre de contracter se définit, conformément au droit commun, comme « la proposition ferme de conclure à des conditions déterminées un contrat de telle sorte que son acceptation suffise à la formation de celui-ci » (v. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette). Elle se situe entre l'invitation à entrer en pourparlers et la promesse de contrat. L'offre de conclure un contrat de travail doit donc, d'une part, être ferme et, d'autre part, contenir les éléments essentiels de la relation de travail (nature du travail, rémunération) pour engager son auteur.
Enfin, la promesse d'embauche, précontrat le plus contraignant, se caractérise par sa précision sur certains éléments essentiels du contrat de travail (emploi occupé, qualification, date d'embauche, rémunération, lieu de travail, etc.) et ainsi, se distingue des pourparlers. Elle se différencie également de l'offre de contracter dans la mesure où elle est un contrat. Plus précisément, elle a pour objet de créer à la charge de l'une (promesse unilatérale) ou des deux parties à la relation de travail (promesse synallagmatique) l'obligation de conclure un contrat de travail. En définitive, c'est donc la fermeté et la précision de l'engagement qui confèrent à la promesse d'embauche sa spécificité.
Comme le rappelait ici la demanderesse au pourvoi, la promesse d’embauche « vaut contrat de travail ». La logique voudrait alors qu’en cas de conclusion d'un contrat de travail postérieurement à la signature d’une promesse d'embauche, ce contrat soit en tout point conforme aux termes de la promesse d'embauche qui l'a précédée. Toutefois, la jurisprudence se montre plus souple. Ainsi considère-t-elle que l’absence d’identité des termes du contrat de travail avec ceux de la promesse d'embauche ne suffit pas à engager la responsabilité de l'employeur. En ce sens, il a pu être jugé que seul le contrat de travail tient lieu de loi aux parties et que de ce fait, les engagements souscrits dans la promesse d'embauche sont devenus caducs (Soc. 8 nov. 2006). La chambre sociale procède ici du même raisonnement pour ne pas sanctionner le fait que la période d’essai n’ait pas été prévue dans la promesse d’embauche, mais uniquement dans le contrat de travail qui s’en est suivi.
Promettre reste donc bien « la veille de tenir » (George Herbert).
Soc. 12 juin 2014, n°13-14.258
Références
■ F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, 11e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2013, p. 131, n°108 et p. 200, n°184.
■ Soc. 8 nov. 2006, n°04-45.251, RJS 2007, n° 1.
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