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Droit des obligations
Promesse unilatérale de vente : l’exécution forcée continue d’être refusée
Mots-clefs : Avant-contrat, Promesse unilatérale, Vente, Promettant, Rétractation, Sanction, Exécution forcée, Dommages-intérêts
Lorsque le promettant se rétracte pendant le délai d’option, le bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente ne peut obtenir l’exécution forcée du contrat projeté par la promesse.
La question de la sanction de la promesse unilatérale de contrat vient à nouveau d’être posée à la Cour de cassation. La réponse apportée est classique : en cas de rétractation du promettant pendant le délai accordé au bénéficiaire pour lever l’option, l’exécution forcée est exclue ; seule l’allocation de dommages-intérêts, autrement dit l’engagement de la responsabilité délictuelle du promettant, est admise.
En l’espèce, les bénéficiaires d’une promesse unilatérale de vente avaient assigné le promettant en réalisation forcée de la vente, qui s’était rétracté pendant le délai d’option. Résistant au refus constant de la Cour de cassation de forcer, dans un tel cas, la conclusion du contrat, les juges du fond avaient, pour juger la vente parfaite et ordonner sa réalisation, retenu que le promettant était lié par son engagement contractuel jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’à l’expiration du délai d’option. Prévisible, la cassation de cette décision est motivée par la règle, devenue classique depuis un arrêt de principe de 1993 (Civ. 3e, 15 déc. 1993), selon laquelle « la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée ».
Ainsi, la Cour de cassation confirme-t-elle son refus de forcer l’exécution du contrat projeté par la promesse unilatérale de vente lorsque le promettant se rétracte pendant le délai d’option. La solution est constante : depuis vingt ans, le conflit entre liberté contractuelle et force obligatoire du contrat préliminaire se résout définitivement en faveur de la première et au mépris de la seconde. Sa pérennité avait, toutefois, été récemment discutée par ceux qui avaient décelé un frémissement dans la jurisprudence de la Haute cour, au point de lui prêter des velléités de revirement (Civ. 3e, 8 sept. 2010, justifiant que l'option puisse être valablement levée après le décès du promettant contre ses héritiers par la considération « que le promettant avait définitivement consenti à vendre »). Cela étant, le doute fut rapidement levé par la troisième chambre civile, puis par la chambre commerciale (Civ. 3e, 11 mai 2011 ; Com. 13 sept. 2011), confirmant à l’unisson la solution adoptée en 1993.
Dans la décision rapportée, la troisième chambre oppose à nouveau aux juges du fond la fermeté de sa position. La promesse unilatérale de contracter n’est ni plus ni moins qu’une promesse d’engagement qui, quitte à décevoir celui qui s'y est fié, ne se règle pas par la force. Le manque de pragmatisme de cette solution est depuis longtemps dénoncé par la doctrine majoritaire, pour laquelle l'utilité pratique de la promesse doit dépendre de son efficacité juridique, même à l'épreuve de sa révocation. Cela étant, il apparaît que le débat sur l’exécution forcée de cet avant-contrat porte moins sur l’efficacité attendue de cet instrument précontractuel que sur la nature juridique qu’on lui prête, dès lors que la loi ne l’a pas définie. La divergence d'analyse opposant la doctrine majoritaire et certains juges du fond à la Cour de cassation reflète, en effet, deux conceptions distinctes de la promesse unilatérale de contrat :
– la première l'envisage comme un contrat qui n'a besoin, pour conduire à la vente, que de l'exercice par le bénéficiaire de son droit d'option. De ce point de vue, l'avant-contrat, dans son évolution programmée, est promis à se métamorphoser en contrat, fût-ce de manière forcée si les volontés ont cessé de s'accorder ;
– la seconde la perçoit plutôt comme une simple phase préliminaire dans le processus de vente, un pur acte préparatoire qui ne peut conduire à la conclusion effective du contrat promis qu’à la condition que la volonté du promettant reste inchangée jusqu'à ce que celle du bénéficiaire s'y joigne. Ainsi conçu, l'avant-contrat ne débouchera sur le contrat qu’à la condition que ce dernier résulte de la rencontre des volontés des deux parties.
Irréductibles, ces représentations appellent un choix moins technique que politique. C'est l’intérêt de cet arrêt : campant sur ses positions, la troisième chambre civile continue d’opposer aux promoteurs d'un utilitarisme ante-contractuel sa faveur pour la liberté contractuelle et son refus corrélatif de se substituer aux contractants en leur imposant la conclusion d’un contrat dont ils ne veulent pas ou plus (V. G. Rouzet et L. Leveneur).
Civ. 3e, 12 juin 2013, n°12-19.105
Références
■ Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199, RTD civ. 1994. 584, obs. J. Mestre.
■ Civ. 3e, 8 sept. 2010, n° 09-13.345, RTD civ. 2010. 778, obs. B. Fages.
■ Civ. 3e, 11 mai 2011, n°10-12.875, G. Rouzet, rapport sur cet arrêt , JCP N 2011. 1163 ; D. 2011. 1457, note D. Mazeaud ; ibid. 2011. 1460, note D. Mainguy ; RTD civ. 2011. 532, obs. B. Fages.
■ Com. 13 sept. 2011, n°10-19.526, RTD civ. 2011. 758, obs. B. Fages.
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