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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Proportion du cautionnement et information de la caution : le créancier était irréprochable
Mots-clefs : Cautionnement, Banque, Débiteur principal, Faculté contributive, Caution, Information, Paiement, Réticence dolosive (non)
C’est par une appréciation souveraine qu’une cour d’appel retient que n’était pas établie une disproportion entre le montant de son engagement et les biens et facultés contributives de la caution lors de la souscription du cautionnement. Il ne peut pas non plus lui être reproché d’avoir écarté la réticence dolosive imputée à la banque dès lors qu’il n’était pas démontré qu’au jour de cette souscription la situation de la débitrice principale était irrémédiablement compromise, ou à tout le moins lourdement obérée.
L'arrêt commenté ne bénéficie certes pas des honneurs d'une publication au Bulletin puisqu'il se borne à appliquer des solutions bien établies (v. M. Latina) ; il n'en est pas moins intéressant dans la mesure où il illustre deux ripostes fréquemment utilisées par les cautions actionnées en paiement.
C'était pour garantir le prêt contracté par sa concubine, grâce auquel elle avait financé l'acquisition d'une exploitation agricole, qu'un homme s'était engagé en qualité de caution solidaire. Devant la défaillance de l'emprunteuse, l'établissement de crédit a engagé une procédure de saisie contre la caution afin d'obtenir l'exécution de son engagement. La caution a alors répliqué en assignant le prêteur aux fins d'obtenir la nullité du cautionnement et des dommages-intérêts.
Au soutien de son pourvoi en cassation, la caution reprenait les moyens qui avaient échoué devant la cour d'appel.
En premier lieu, elle attaquait l'arrêt d'appel sur le front de la proportion de son engagement, invoquant à son profit la célèbre jurisprudence Macron imposant au créancier, professionnel du crédit, en dehors du champ d'application du droit de la consommation (C. consom ., art. L. 313-10 : crédit immobilier et crédit à la consommation), de veiller à la proportionnalité du cautionnement par rapport aux ressources de la caution (Com. 17 juin 1997. – V. Albiges et Dumont-Lefrand, nos 68 s.). La violation de cette obligation entraîne l'octroi de dommages-intérêts à la caution, qui viennent en compensation des sommes en paiement desquelles elle est poursuivie. Rappelons à cette occasion que cette exigence jurisprudentielle est amenée à disparaître, remplacée par l'exigence légale posée par l'article L. 341-4 du Code de la consommation, introduit par la loi pour l'initiative économique no 2003-721 du 1er août 2003. Ce texte ne pouvait être invoqué en l'espèce, la Cour de cassation ayant décidé qu'il n'était pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003 (Ch. mixte 22 sept. 2006. - V. Albiges et Dumont-Lefrand, no 214).
Cette première critique se heurte à l'appréciation souveraine de la cour d'appel, qui avait retenu, après avoir analysé les biens et revenus de la caution au moment de la conclusion du contrat, que la disproportion alléguée n'était pas établie. On observera simplement que, lorsqu'il appliquera l'exigence de proportionnalité dans sa formulation retenue par le législateur, le juge devra s'assurer, si la disproportion existait au stade de la souscription de la sûreté, que celle-ci persistait au moment où la caution a été appelée (C. consom., art. L. 341-4. - Sur le régime de ce texte, v. Albiges et Dumont-Lefrand, nos 215 s.).
En second lieu, la caution prétendait que le créancier s'était rendu coupable d'une réticence dolosive en omettant de lui révéler la situation irrémédiablement compromise, ou à tout le moins lourdement obérée, de la débitrice principale lors de la souscription du cautionnement. L'argument s'appuie encore une fois sur le devoir de loyauté du banquier qui lui interdit de garder le silence, face à la caution profane, sur les difficultés financières du débiteur dont il aurait connaissance (V. Albiges et Dumont- Lefrand, no 62). En l'espèce, le pourvoi reprochait précisément à la cour d'appel d'avoir mis à la charge de la caution, créancière de l'obligation d'information, la preuve de la situation obérée de la débitrice principale, en violation de l'article 1315 du Code civil.
Le moyen est également écarté. S'il ne fait pas de doute que c'est le professionnel débiteur d'une obligation d'information qui supporte le fardeau probatoire de sa délivrance (Civ. 1re, 25 févr. 1997) encore fallait-il, en l'espèce, que l'information à délivrer existât ! Ce qui n'était manifestement pas le cas, comme l'a constaté la cour d'appel par des appréciations qu'une fois encore la Cour de cassation n'a pas le pouvoir de remettre en cause : les difficultés de la débitrice principale n'étaient apparues que bien après l'engagement de la caution, la dégradation de sa situation financière étant notamment due à l'incendie des bâtiments de son exploitation survenu trois ans après la souscription du cautionnement.
Civ. 1re, 12 janvier 2012, no 10-18.516
Références
■ M. Latina, « Le mystère de la publication des arrêts de la Cour de cassation », Dalloz Actu Étudiant, « Le Billet », 30 janv. 2012.
■ Code de la consommation
« Un établissement de crédit, un établissement de paiement ou un organisme mentionné au 5 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
■ Albiges et Dumont-Lefrand, Droit des sûretés, 3e éd., coll. « Hypercours », Dalloz, 2011, nos 62, 68 s, no 214, n°215 s.
■ Com. 17 juin 1997, no 95-14.105, R., p. 232 ; JCP E 1997. II. 1007, note D. Legeais ; Defrénois 1997. 1424, obs. Aynès ; RTD civ. 1998. 100, obs. Mestre, et 157, obs. Crocq.
■ Ch. mixte 22 sept. 2006, no 05-13.517, Bull. civ. no 7 ; JCP 2006. II. 10180, note D. Houtcieff, Dr. et patr . janv. 2007, p. 22, note L. Aynès ; D. 2006. AJ. 2391, obs. V. Avena- Robardet ; RTD civ. 2006. 799, obs. P. Crocq ; Bull. Joly 2007. 47, note F. Macorig-Venier.
■ Civ. 1re, 25 févr. 1997, no 94-19.685, Bull. civ. I, no 75 ; R., p. 271 ; GAJC, 12e éd., no 16.
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