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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Propos rapportés d’un député sur la vie carcérale de Salah Abdeslam : pas d’atteinte à la vie privée
Mots-clefs : Terrorisme, Incarcération, Vie privée, Information légitime, Parlementaire
Le TGI de Nanterre a débouté Salah Abdeslam dans son action intentée contre Thierry Solère pour atteinte à la vie privée, estimant les propos du député justifiés par l’information légitime du public sur un sujet d’intérêt général et un événement d’actualité judiciaire.
Le 29 juin 2016, le député de la 9e circonscription des Hauts-de-Seine Thierry Solère se rendit à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, accompagné de deux journalistes du Journal du dimanche (JDD), dans le cadre des dispositions de l’article 719 du Code de procédure pénale qui permettent aux élus de la nation (députés, sénateurs et élus en France du Parlement européen) de visiter à tout moment les lieux de détention (locaux de garde à vue, lieu de rétention administrative, zones d’attente, établissements pénitentiaires et centres éducatifs fermés) dans le but de vérifier que les conditions de détention répondent à l’exigence de dignité de la personne (CE 27 mai 2005, n° 280866). Le 3 juillet, le JDD publia un article intitulé « Prière, cuisine, télé-réalité… la vie de Salah Abdeslam en prison » relatant la visite du député et rapportant certains propos de surveillants au sujet du détenu et ceux de Thierry Solère. Estimant l’article et les propos du député attentatoires à sa vie privée et dénonçant une « présentation voyeuriste de son quotidien de détenu » et l’image qu’elle véhicule auprès du public, Salah Abdeslam fit assigner ce dernier devant le TGI de Nanterre, au visa des articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, demandant un euro en réparation de son préjudice moral.
Par son jugement du 12 octobre 2017, le TGI le déboute de sa demande. Le tribunal commence par préciser la combinaison qu’il faut opérer entre les textes qui garantissent le droit au respect de la vie privée (C. civ., art. 9 et Conv. EDH, art. 8), et l’article 10 de la Convention qui « garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers » (pour la conciliation analogue opérée dans la jurisprudence européenne, V. not. J.-F. Renucci, Droit européen des droits de l’homme, 5e éd., 2013, LGDJ/Lextenso, nos 186 s.) : il convient ainsi de limiter le droit à l’information du public, « d’une part, aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle et, d’autre part, aux informations volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général ».
Il relève ensuite que l’article traite de plusieurs « sujets d’intérêt général du public », à savoir : l’existence du droit à l’information des députés et journalistes sur les conditions de détention, les conditions d’incarcération à Fleury-Mérogis en particulier, en tant que « plus gros établissement pénitentiaire français », et la mise en œuvre du dispositif mis en place par l’arrêté du 9 juin 2016 portant création de traitement de données à caractère personnel relatif à la vidéoprotection des cellules de détention. Le tribunal ajoute que la visite des conditions de détention de Salah Abdeslam s’inscrivait dans un contexte d’actualité judiciaire, puisque celui-ci avait été placé sous vidéoprotection par décision du garde des Sceaux du 17 juin 2016 (V. TA Versailles, 15 juill. 2016, n° 1604905 qui a rejeté le référé-liberté de Salah Abdeslam, et CE, ord., 28 juill. 2016, n° 401800).
Il conclut que les propos retranscrits dans l’article étaient justifiés par l’information légitime du public sur un sujet d’intérêt général et sur un événement d’actualité judiciaire, aucune atteinte à la vie privée du demandeur procédant de tels propos n’étant caractérisée.
TGI Nanterre, pôle civil, 1re ch., 12 oct. 2017, RG n° 16/09501
Références
■ Vidéosurveillance permanente, Dalloz actualité, 14 juin 2016, obs. O. Hielle.
■ Intégration du dispositif de vidéosurveillance à la L. n° 2009-1436 du 24 nov. 2009, art. 58-1, par la L. n° 2016-987 du 21 juill. 2016, Dalloz actualité, 26 juill. 2016, obs. D. Goetz.
■ Dalloz Actu Étudiant, 14 sept. 2016.
■ CE 27 mai 2005, n° 280866 : Lebon ; AJDA 2005. 1579, note A. Rainaud.
■ TA Versailles, 15 juill. 2016, n° 1604905 : AJDA 2016. 1480.
■ CE, ord., 28 juill. 2016, n° 401800 : AJDA 2016. 1602 ; ibid. 2052, note M. Sztulman ; D. 2016. 1808, entretien E. Péchillon ; AJ pénal 2016. 502, obs. D. Aubert.
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 8
« Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Article 10
« Liberté d'expression. 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »
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