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Droit de la responsabilité civile
Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile
Mots-clefs : Action de groupe, Responsabilité parentale, Responsabilité du fait d'autrui, Troubles de voisinage, Dommage corporel, Faute délictuelle, Régimes spéciaux, Cumul
Une proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile, présentée par M. Laurent Béteille, a été enregistrée à la présidence du Sénat le 9 juillet dernier.
Cette proposition traduit, au niveau législatif, les préconisations du rapport d’information n° 558 Responsabilité civile : des évolutions nécessaires, adopté le 15 juillet 2009, et dont M. Béteille avait été le coauteur avec M. Alain Anziani.
Le texte s’inspire du rapport Catala ainsi que des propositions faites dans le cadre d’Unidroit et des Principes du droit européen des contrats. Il prend également en compte les orientations du groupe de travail de la Commission des lois sur l’action de groupe.
Afin de réformer l’ensemble des dispositions relatives à la responsabilité civile, les articles du Code civil relatifs tant à la responsabilité contractuelle qu’à la responsabilité délictuelle seraient abrogés.
Les nouveaux articles 1382 à 1386-37, répartis en trois sections, définissent les règles de droit commun en matière de responsabilité civile.
S’ils consacrent, dans leur ensemble, les solutions dégagées par la jurisprudence, certains points doivent être relevés :
– l’article 1386-2, en particulier, pose les conditions d’une action de groupe en responsabilité, lorsque plusieurs personnes sont victimes de dommages matériels similaires résultant de l’inexécution ou de la mauvaise exécution d’un contrat liant un professionnel et un consommateur, ou constituant une pratique prohibée par le Livre IV du Code de commerce (relatif à la liberté des prix et de la concurrence) ou par le Livre III (relatif aux services) ou la section 1 du chapitre V du titre VI du Livre IV (relative aux atteintes à la transparence des marchés) du Code monétaire et financier ;
– la responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur n’est plus soumise à la nécessité d’une cohabitation. L’abandon de cette exigence est la bienvenue, la cohabitation faisant l’objet par la jurisprudence d’une appréciation abstraite ;
– plus généralement, la responsabilité du fait d’autrui ne peut être engagée que dans la mesure où est rapportée la preuve d’un fait de nature à engager la responsabilité directe de l’auteur du dommage. Ceci ne serait pas sans incidence sur la responsabilité des parents, dans la mesure où la jurisprudence admet que celle-ci est engagée dès lors que le fait de l’enfant a causé le dommage ;
– l’article 1386-12 prévoit expressément la responsabilité du fait des troubles de voisinage, tout en l’excluant à l’égard des entrepreneurs ;
– l’article 1386-17 dispose que le cocontractant victime d’une inexécution contractuelle ayant provoqué un dommage corporel peut en obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou délictuelle. Il échappe donc à la règle dite « du non-cumul » ;
– le tiers victime d’une inexécution contractuelle a également le choix entre responsabilité contractuelle ou responsabilité délictuelle pour obtenir réparation ;
– dans les cas où la loi en dispose expressément, l’auteur d’une faute lucrative peut être condamné, en plus des dommages-intérêts compensatoires, au paiement de dommages-intérêts punitifs (art. 1386-25) ;
– la victime d’un dommage non corporel a l’obligation d’en réduire l’étendue ou d’en éviter l’aggravation (art. 1386-26), ce qui est contraire à la jurisprudence actuelle ;
– en cas de dommage corporel, le juge doit se référer à une nomenclature ainsi qu’à un barème national d’invalidité (art. 1386-28) ;
– l’exclusion ou la limitation conventionnelle de la réparation du dommage résultant d’une faute délictuelle est interdite. Dans les autres cas, elle n’a d’effet que si celui qui l’invoque prouve que la victime l’avait acceptée de manière non équivoque (art. 1386-37). L’interdiction de ces clauses en matière de responsabilité délictuelle ne serait donc plus absolue.
Les nouveaux articles 1386-38 à 1386-61 définissent deux régimes spéciaux de responsabilité. Le premier est consacré à la responsabilité du fait des produits défectueux, le second codifie la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dans une sous-section intitulée De la responsabilité du fait des accidents de la circulation. Quelques modifications sont apportées à cette loi. Est ainsi prévue son application à tout accident impliquant un véhicule terrestre à moteur, y compris un tramway ou un train (art. 1386-56). Par ailleurs, l’article 3 de la loi de 1985 est substantiellement modifié par l’article 1386-58, qui ne distingue plus entre les victimes conductrices et non-conductrices en cas de faute ayant contribué au dommage et supprime le régime particulier dont bénéficiaient les victimes spécialement protégées en raison de leur âge ou de leur invalidité.
Enfin, l’article 3 de la proposition de loi modifie l’article L. 113-3 du Code de la consommation relatif à l’information des consommateurs en prévoyant qu’un professionnel ne peut exclure ou limiter son obligation de réparation du dommage causé à un non-professionnel ou consommateur en l’absence de contrepartie réelle, sérieuse et clairement stipulée.
Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile
Références
Extraits de la proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile présentée par M. Laurent Béteiller au Sénat
« Lorsque plusieurs personnes sont victimes de dommages matériels similaires résultant de l'inexécution ou de la mauvaise exécution d'un contrat liant un professionnel et un consommateur, ou constituant une pratique prohibée par le livre IV du code de commerce ou par le livre III ou la section 1 du chapitre V du titre VI du livre IV du code monétaire et financier, la responsabilité de l'auteur des manquements peut être prononcée par le juge pour tous les cas semblables.
À peine d'irrecevabilité, l'action en déclaration du principe de la responsabilité de l'auteur du manquement est introduite par une association de défense des consommateurs ou des investisseurs spécialement agréée à cet effet par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé de l'économie.
Une fois le principe de la responsabilité de l'auteur du manquement établi, les victimes peuvent agir collectivement, au cours d'une même instance, en réparation des dommages matériels subis par chacune d'elles, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. »
« Le propriétaire, l'occupant ou l'exploitant d'un fonds, qui provoque un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, est responsable de plein droit des conséquences de ce trouble. »
« Le co-contactant victime d'une inexécution contractuelle ne peut se soustraire à l'application des dispositions de la présente section.
Toutefois, lorsque cette inexécution provoque un dommage corporel, le créancier ou le débiteur peut également obtenir réparation de ce dommage dans les conditions prévues dans la section II du présent chapitre. »
« Dans les cas où la loi en dispose expressément, lorsque le dommage résulte d'une faute délictuelle ou d'une inexécution contractuelle commise volontairement et a permis à son auteur un enrichissement que la seule réparation du dommage n'est pas à même de supprimer, le juge peut condamner, par décision motivée, l'auteur du dommage, outre à des dommages et intérêts en application de l'article 1386-22, à des dommages et intérêts punitifs dont le montant ne peut dépasser le double du montant des dommages et intérêts compensatoires.
Les dommages et intérêts punitifs sont, dans la proportion que le juge détermine, versés respectivement à la victime et à un fonds d'indemnisation dont l'objet est de réparer des dommages similaires à celui subi par la victime. À défaut d'un tel fonds, la proportion des dommages et intérêts non attribués à la victime est versée au Trésor public. »
« Le juge évalue le dommage au jour où il rend sa décision, en tenant compte de toutes les circonstances qui ont pu l'affecter dans sa consistance comme dans sa valeur, ainsi que de son évolution prévisible.
Il prend également en compte la possibilité qu'avait la victime, par des moyens sûrs, raisonnables et proportionnés, de réduire l'étendue de son dommage non corporel ou d'en éviter l'aggravation. »
« Lorsque le juge statue en matière de dommages corporels, il se réfère à une nomenclature ainsi qu'à un barème national d'invalidité régulièrement mis à jour, définis par voie réglementaire. »
« En matière délictuelle, on ne peut, par convention, exclure ou limiter la réparation du dommage qu'on a causé par sa faute.
Dans les autres cas, la convention n'a d'effet que si celui qui l'invoque prouve que la victime l'avait acceptée de manière non équivoque. »
« Même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques sont indemnisées des dommages imputables à cet accident par le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué.
Ne constitue pas un accident de la circulation celui qui résulte de l'utilisation d'un véhicule immobile et dans une fonction étrangère au déplacement.
En cas d'accident complexe, chaque véhicule intervenu à quelque titre que ce soit dans la survenance de l'accident y est impliqué.
Même lorsqu'un seul véhicule est impliqué dans un accident, toute victime peut demander réparation à l'un des débiteurs de l'indemnisation, y compris le gardien au conducteur ou le conducteur au gardien. »
« Les victimes sont indemnisées des préjudices résultant des atteintes à leur personne, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.
Toutefois, les victimes ne sont pas indemnisées par l'auteur de l'accident des préjudices résultant des atteintes à leur personne lorsqu'elles ont volontairement recherché le dommage qu'elles ont subi. »
■ Article 3 de la proposition de loi
« Après le premier alinéa de l'article L. 113-3 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
“ En l'absence de contrepartie réelle, sérieuse et clairement stipulée, un professionnel ne peut exclure ou limiter son obligation de réparer le dommage causé à un non-professionnel ou consommateur à raison de l'inexécution d'une obligation légale ou contractuelle.” »
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