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Droit des obligations
Protection de la résidence principale de l’entrepreneur individuel : application de la loi dans le temps
L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de cette loi. C'est, dès lors, exactement qu'une cour d'appel déclare irrecevable l'action en licitation-partage d'un tel immeuble formée par un liquidateur qui soutient que l'essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité.
Com. 13 avr. 2022, n° 20.23.165
Depuis la loi Macron du 6 août 2015, la résidence principale de l’entrepreneur jouit d’une protection offerte par l’article L. 526-1 du code de commerce, lequel dispose : « les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ». Concernant l’application dans le temps de ce texte, l’article 206, IV, de la loi Macron prévoit une disposition transitoire selon laquelle la protection « n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle après la publication de la présente loi ». Envisagée de manière collective, l’opposabilité aux créanciers de cette règle d’insaisissabilité est indivisible. Tel est l’enseignement de l’arrêt rapporté.
Au cas d’espèce, le liquidateur d’une société avait tenté de saisir la résidence principale d’un peintre, nonobstant l'insaisissabilité de plein droit des droits du débiteur sur sa résidence principale prévue par l’article L. 526-1 précité. Dans cette perspective, il soutenait que « l'essentiel des créances déclarées étaient antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi », de sorte que la loi serait inapplicable à la procédure collective le concernant. Le liquidateur fractionnait ainsi la protection légale du débiteur selon un critère chronologique : l’insaisissabilité de sa résidence principale serait opposable aux créanciers postérieurs au 8 août 2015, date de publication de la loi, mais inopposable aux créanciers antérieurs à cette date. Rejoignant les juges du fond, la Haute juridiction rejette la thèse du pourvoi fondée sur une opposabilité différenciée du nouveau dispositif légal. Elle en rappelle ainsi d’abord la teneur : l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur, résultant de l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, n'a d'effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1er, de cette loi, qu'à l'égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette loi. Elle en déduit ensuite que « le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l'immeuble indivis constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi » (les droits du débiteur sur l'immeuble étant alors appréhendés par le gage commun). Elle en conclut enfin que puisqu'il était soutenu par le liquidateur que l'essentiel des créances déclarées étaient antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, mais non leur totalité, l'arrêt d’appel retient exactement qu'il n'est pas opérant de la part du liquidateur, en l'espèce, d'invoquer l'opposabilité de l'insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement, et que son action est irrecevable.
De l’« essentiel » à la totalité, la nuance est de taille. La Cour s’oppose ainsi à la divisibilité de l’insaisissabilité prévue par le nouveau dispositif légal. Soit tous les créanciers sont antérieurs au 8 août 2015 et la protection édictée est inapplicable, soit l’un au moins des créanciers est postérieur et l’action est irrecevable.
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