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Procédure pénale
Provocation à la haine raciale : recevabilité de l'intervention d'une association
Mots-clefs : Constitution de partie civile (recevabilité, voie d'intervention), Association, Racisme, Provocation à la haine raciale, Presse
Aucune disposition ne fait obstacle à l'intervention d'une association habilitée par l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 dans une procédure engagée par une autre partie ou le ministère public du chef des infractions visées par ce texte.
Par l'arrêt du 12 octobre 2010, la chambre criminelle fait un pas de plus vers une admission élargie de l'action des associations en matière de presse. En l'espèce, un individu avait été cité directement devant le tribunal correctionnel par le parquet du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (art. 24, al. 6, L. 29 juill. 1881), pour avoir diffusé, sur un site Internet, des propos mettant en cause les « intellectuels et les décideurs juifs ». Le tribunal le condamna et reçut les constitutions de partie civile formées par voie d'intervention de la Ligue pour la défense des droits de l'homme (LDH) et de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA). C'est cette recevabilité que le prévenu contestait, au nom du caractère particulier de l'acte de poursuite en matière de presse qui fixe irrévocablement la nature, l'étendue et l'objet de celle-ci.
La question qui se posait était donc celle de la recevabilité de la constitution de partie civile par voie d'intervention des associations, puisqu'en l'espèce, les poursuites avaient été initiées par le ministère public seul. La chambre criminelle y répond par l'affirmative, estimant que la cour d'appel a fait l'exacte application des textes, puisqu'« aucune disposition ne fait obstacle à l'intervention d'une association habilitée par l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 et qui entend se constituer partie civile dans une procédure engagée par une autre partie ou le ministère public du chef des infractions visées par ce texte ».
L'article 48-1 de la loi de 1881 permet à « toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants, combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse » d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions de presse précises : celles prévues par les articles 24 (dern. al.), 32 (al. 2) et 33 (al. 3) de la loi du 29 juillet 1881, ainsi que les délits de provocation prévus par le 1° de l'article 24, lorsque la provocation concerne des crimes ou délits commis avec la circonstance aggravante prévue par l'article 132-76 du Code pénal.
Toute association de lutte contre le racisme, régulièrement déclarée depuis cinq ans, peut donc agir sur le fondement de ce texte, sans aucune condition supplémentaire (Crim. 16 avr. 1991). Il semblait en revanche acquis que la constitution de partie civile ne pouvait alors se faire que par voie d'action (l'association devant nécessairement se trouver à l'origine des poursuites ; v. Crim. 10 mai 2006 ; 12 nov. 2008). Restriction levée par le présent arrêt, qui s'appuie sur une interprétation littérale de l'article 48-1.
Crim. 12 oct. 2010, F-P+B, n° 10-80.825
Références
« 1° L’association, ou contrat d’association, est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices (L. 1er juill. 1901, art. 1er).
2° Personne morale issue de cette convention. Selon leur type (déclarée, reconnue d’utilité publique, composée en majeure partie d’étrangers, ou ayant son siège social à l’étranger), les associations bénéficient d’un régime de liberté plus ou moins étendu. »
« Nom donné à la victime d’une infraction lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant les juridictions répressives (mise en mouvement de l’action publique, action civile en réparation). »
■ Plainte avec constitution de partie civile
« Acte par lequel la partie lésée par un crime ou un délit met l’action publique en mouvement devant le juge d’instruction et, le cas échéant, exerce l’action civile. La plainte initiale déposée entre les mains du juge d’instruction oblige celui-ci, sauf si la poursuite s’avère impossible, à ouvrir une information.
La recevabilité de cette constitution, s’agissant de la plupart des délits, n’est dorénavant possible que si la personne justifie, soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d’une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu’il n’engagera pas lui-même les poursuites, soit qu’un délai de 3 mois s’est écoulé depuis le dépôt de la plainte, délai courant à compter du récépissé de dépôt ou de la lettre recommandée avec avis de réception de l’envoi de la plainte ou de la copie au magistrat de la plainte déposée auprès de la police. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Crim. 16 avr. 1991, n° 90-87.508 et n° 90-87.509, Bull. crim. no 182.
■ Crim. 10 mai 2006, Bull. crim. no 125 ; D. 2006. IR .1705 ; ibid. 2007. Pan. 1038, obs. Dupeux ; AJ pénal 2006. 372 ; Dr. pénal 2007. Chron. 1, obs. Mouysset.
■ Crim. 12 nov. 2008, n°08-81.269, Dr. pénal 2009. Chron. 6, obs. Mouysset.
■ Loi du 29 juillet 1881
« Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal. »
« Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 45 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement. »
« La diffamation commise envers les particuliers par l'un des moyens énoncés en l'article 23 sera punie d'une amende de 12000 euros.
La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement. »
« L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12 000 euros.
L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros.
Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »
« Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants, combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24 (dernier alinéa), 32 (alinéa 2) et 33 (alinéa 3) de la présente loi, ainsi que les délits de provocation prévus par le 1o de l'article 24, lorsque la provocation concerne des crimes ou délits commis avec la circonstance aggravante prévue par l'article 132-76 du code pénal.
Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes. »
■ Article 132-76 du Code pénal
« Dans les cas prévus par la loi, les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »
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