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[ 10 septembre 2010 ] Imprimer

Droit pénal européen et international

Publication de la loi portant adaptation du droit pénal à la Cour pénale internationale

Mots-clefs : Génocide, Crime contre l'humanité, Complicité, Compétence, Prescription

La loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, validée par le Conseil constitutionnel le 5 août 2010, a été publiée au Journal officiel du 10 août.

La loi n° 2010-930 du 9 août 2010 comporte des dispositions modifiant le Code pénal, d’autres modifiant le Code de procédure pénale et des dispositions finales. Elle complète les incriminations prévues par le droit français :

– en créant la provocation au génocide ;

– en modifiant la définition du crime contre l’humanité ;

– et en précisant les modalités de la complicité du supérieur hiérarchique pour des crimes commis par ses subordonnés.

Un nouveau Livre consacré aux crimes et délits de guerre est également créé (la prescription pour ces crimes est portée à 30 ans).

Sur le plan procédural, la loi ne reconnaît pas aux juridictions françaises une compétence universelle mais une compétence extraterritoriale leur permettant seulement, sous certaines conditions, de poursuivre et de juger toute personne résidant habituellement en France et qui se serait rendue coupable à l’étranger d’un crime relevant de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) ; le nouvel article 689-11 du Code de procédure pénale dispose ainsi : « Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s’est rendue coupable à l’étranger de l’un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale en application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998, si les faits sont punis par la législation de l’État où ils ont été commis ou si cet État ou l’État dont elle a la nationalité est partie à la convention précitée. [La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s’assure auprès de la Cour pénale internationale qu’elle décline expressément sa compétence et vérifie qu’aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n’a demandé sa remise et qu’aucun autre État n’a demandé son extradition ».

La publication de cette loi parachève l’adaptation du système pénal français à la CPI, après la révision constitutionnelle du 28 juin 1999 (qui avait permis la ratification du traité, le 9 juin 2000) et l’adoption de la loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération concernant l’exercice des poursuites, l’exécution des décisions et l’indemnisation des victimes. Son adoption définitive aura pris plus de deux ans.

Par sa décision du 5 août 2010, le Conseil constitutionnel a rejeté l’ensemble des griefs formulés par l’opposition parlementaire et touchant aux articles 1er (incrimination de l'incitation publique et directe à commettre le crime de génocide), 2 (modification de l'art. 212-1 C. pén. relatif aux crimes contre l'humanité), 7 (prescription par 30 ans de l'action publique et des peines pour les crimes de guerre) et 8 (nouvelle compétence extraterritoriale de la France ; art. 689-11 C. pr. pén.) de la loi. Sur la compétence extraterritoriale de la France, il a notamment estimé que l’exigence de rechercher les auteurs d’infractions n’imposait pas la reconnaissance de la compétence des juridictions françaises à l’égard de crimes commis à l’étranger sur une victime étrangère et dont l’auteur, de nationalité étrangère, se trouve en France (cons. 12), que le législateur n’avait pas porté atteinte au principe d’égalité devant la loi et la justice en définissant les conditions d’exercice de cette compétence (consid. 14) et que, privé du pouvoir de contrôler la compatibilité d’une loi à un traité ou un accord international, il ne lui appartenait pas d’apprécier le second alinéa de l'article 689-11 qui impose au ministère public, préalablement à la mise en œuvre de l'action publique, de s'assurer, auprès de la CPI notamment, de la subsidiarité de la compétence française (consid. 15).

Cons. const. 5 août 2010, n° 2010-612 DC

Loi n° 2010-930 du 9 août 2010, JO 10 août

 

 

Références

 Cour pénale internationale

« Statuts adoptés à Rome le 17 juillet 1998. La Cour a pour mission de poursuivre les responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. Traité entré en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par 60 États. Des plaintes ne peuvent être adressées à la Cour que pour des faits survenus postérieurement à cette date. Les États-Unis ont refusé de ratifier la convention créant la Cour et marquent une forte hostilité à son égard (cherchent à conclure des accords bilatéraux de non-extradition devant la Cour). La Cour siège à La Haye. »

Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010

■ http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC?lan=fr-FR

■ Article 212-1 du Code pénal modifié par l’article 2 de la loi n°2010-930 du 9 août 2010

« Constitue également un crime contre l'humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité l'un des actes ci-après commis en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique :

1° L'atteinte volontaire à la vie ;

2° L'extermination ;

3° La réduction en esclavage ;

4° La déportation ou le transfert forcé de population ;

5° L'emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;

6° La torture ;

7° Le viol, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;

8° La persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international ;

9° L'arrestation, la détention ou l'enlèvement de personnes, suivis de leur disparition et accompagnés du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort qui leur est réservé ou de l'endroit où elles se trouvent dans l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée ;

10° Les actes de ségrégation commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir ce régime ;

11° Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique.

Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux crimes prévus par le présent article. »

 Article 689-11 du Code de procédure civile créée par l’article 8 de la loi  n°2010-930 du 9 août 2010

« Peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s'est rendue coupable à l'étranger de l'un des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale en application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale signée à Rome le 18 juillet 1998, si les faits sont punis par la législation de l'État où ils ont été commis ou si cet État ou l'État dont elle a la nationalité est partie à la convention précitée.

La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l'extradition de la personne. A cette fin, le ministère public s'assure auprès de la Cour pénale internationale qu'elle décline expressément sa compétence et vérifie qu'aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n'a demandé sa remise et qu'aucun autre Etat n'a demandé son extradition. »

 

Auteur :S. Lavric

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