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Droit constitutionnel
QPC : une première réponse sur le régime de «décristallisation des pensions»
Mots-clefs : Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), Conseil constitutionnel, Non-conformité totale avec effet différé, Violation du principe d’égalité, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (art. 6), Cristallisation des pensions
Si le législateur peut fonder une différence de traitement en fonction du lieu de résidence et en tenant compte des différences du pouvoir d’achat, il ne peut établir, au regard de l’objet de la loi, de différence selon la nationalité entre titulaires d’une pension d’ancien combattant résidant dans un même pays étranger a décidé le Conseil constitutionnel le 28 mai 2010.
La question posée par le Conseil d’État (14 avr. 2010, n° 336753) au Conseil constitutionnel était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de trois articles de lois relatifs à la « cristallisation des pensions », c’est-à-dire, au régime spécial des pensions applicable aux ressortissants de pays et territoires autrefois sous souveraineté française et plus particulièrement, en l’espèce, aux ressortissants algériens (art. 26 de la loi du 3 août 1981 de finances rectificative pour 1981 ; art. 68 de la loi du 30 déc. 2002 de finances rectificative pour 2002 et art. 100 de la loi du 21 déc. 2006 de finances pour 2007).
Le Conseil constitutionnel a, dans un premier temps, rappelé sa jurisprudence relative au principe d’égalité de chacun devant la loi : « l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi ‘doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse’ ; … le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » (Cons. 8). (Cons. const. 27 juill. 2006 ; Cons. const. 18 mars 2009)
Puis, le Conseil a ensuite considéré que deux des dispositions contestées (art. 26 de la loi du 3 août 1981 et art. 68 de la loi du 30 déc. 2002) avaient « pour objet de garantir aux titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite, selon leur lieu de résidence à l'étranger au moment de l'ouverture de leurs droits, des conditions de vie en rapport avec la dignité des fonctions exercées au service de l'État ». Or, ces dispositions prévoyaient des conditions de revalorisation différentes de celles prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite en laissant subsister une différence de traitement avec les ressortissants français résidant dans le même pays étranger. Le législateur peut fonder une différence de traitement en tenant compte du critère de lieu de résidence, matérialisé par la prise en compte du pouvoir d'achat dans chaque pays. Il ne peut, en revanche, établir, au regard de l'objet de la loi, de différence selon la nationalité entre titulaires d'une pension civile ou militaire de retraite payée sur le budget de l'État ou d'établissements publics de l'État et résidant dans un même pays étranger (Cons. const. 22 janv. 1990).
Ces deux dispositions sont déclarées inconstitutionnelles par le Conseil. La troisième disposition contestée (art. 100 de la loi de finances pour 2007) est par voie de conséquence déclarée inconstitutionnelle (v. cons. 10 de la décision n° 2010-1 QPC).
L’abrogation immédiate de ces trois dispositions législatives aurait pour conséquence de permettre à d’anciens textes législatifs de s’appliquer à nouveau (notamment de 1958 et 1959). Ces anciens textes plaçaient les titulaires étrangers de pensions dans une situation encore plus inégalitaire. Pour résoudre ce problème et laisser le temps au législateur d’intervenir, le Conseil constitutionnel a fixé au 1er janvier 2011 la date d’abrogation des trois textes contestés.
Par ailleurs, pour préserver l’effet utile de sa décision à la solution des instances actuellement en cours, le Conseil constitutionnel décide en l’espèce que les juridictions devront surseoir à statuer jusqu’au 1er janvier prochain dans les instances dont l’issue dépend de l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et que le législateur doit prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date du 28 mai 2010.
Cons. const., 28 mai 2010, Consorts L., n° 2010-1 QPC
Références
« Principe d’interprétation d’un acte juridique visant à donner un sens et un effet aux dispositions de celui-ci qui ne les rendent pas inutiles, c’est-à-dire sans véritable application. Utilisé de manière extensive par la Cour de justice pour affermir l’existence d’un ordre juridique propre et l’autorité du droit communautaire. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Cons. const. 27 juill. 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, 2006-540 DC, cons. 13 ; Cons. const. 18 mars 2009, Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, 2009-578 DC, cons. 19.
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