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Procédure pénale
Qualité à agir du demandeur en nullité: retour vers le passé !
Mots-clefs : Nullités, Qualité à agir, Tiers, Garde à vue, Régularité
La méconnaissance des formalités substantielles auxquelles est subordonnée la garde à vue ne peut être invoquée à l’appui d’une demande d’annulation d’acte ou de pièce de procédure que par la partie qu’elle concerne.
La question des irrégularités commises au cours des enquêtes vient de connaître un nouvel épisode. Rappelons brièvement qu’initialement, la chambre criminelle limitait le droit d’obtenir la nullité d’un acte à celui dont les droits avaient été violés. Seule la personne directement visée par l’acte irrégulier pouvait invoquer sa nullité. Par un arrêt de revirement en 2006, elle autorisa aussi à agir celui qui avait été mis en cause à raison d’un acte irrégulier concernant un tiers (Crim 6 sept. 2006). Dorénavant, « le requérant à la nullité peut invoquer l’irrégularité d’un acte de la procédure concernant un tiers, si cet acte, illégalement accompli, a porté atteinte à ses intérêts ». Par un arrêt du 31 mai 2007, elle admet pareillement qu’un demandeur n'est recevable à invoquer l'irrégularité d’une mesure de garde à vue concernant une autre personne mise en examen, qui n'a pas requis cette annulation, qu'à la condition de préciser en quoi cette irrégularité a porté atteinte à ses intérêts.
Or, dans l’arrêt du 14 février dernier, la chambre criminelle revient vers une conception plus restrictive de la qualité à agir en nullité. En l’espèce, deux individus ont été poursuivis et condamnés respectivement pour vols avec effraction en récidive et recel. La cour d’appel était saisie d’une exception de nullité, soulevée par l’un des prévenus, de la garde à vue de l’autre, dont la condamnation était devenue définitive (le coprévenu n’ayant pas interjeté appel de la décision de condamnation). Pour accorder l’annulation sollicitée, les juges retiennent que l’audition du second prévenu incrimine le premier et lui fait grief. Le droit au silence n’a pas été notifié et il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat. La cour d’appel annule en conséquence la garde à vue de ce dernier, ainsi que la perquisition et les saisies.
Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Rennes, la chambre criminelle censure, au visa des articles 171 et 802 du Code de procédure pénale, la décision des juges du fond. Elle énonce, dans un attendu de principe, que « la méconnaissance des formalités substantielles auxquelles est subordonnée la garde à vue ne peut être invoquée à l’appui d’une demande d’annulation d’acte ou de pièce de procédure que par la partie qu’elle concerne ». Le demandeur à la nullité est ainsi sans qualité pour se prévaloir de la méconnaissance d’un droit qui appartient en propre au second prévenu définitivement condamné.
La décision de la chambre criminelle s’inscrit donc en opposition avec la solution retenue antérieurement. On s’interrogera sur cette nouvelle conception restrictive de l’intérêt à agir, la suppression de l'exigence d'un préjudice personnel et sa compatibilité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. La juridiction strasbourgeoise retient en effet une conception compréhensive, fondée sur l’exigence d’un contrôle efficace des actes procéduraux. La chambre criminelle aurait peut-être dû se souvenir que sa position antérieure avait été prise à la suite des condamnations de la France (CEDH 29 mars 2005, Matheron c. France)…
Crim. 14 févr. 2012, n°11-84.694 FS-P+B+R-I
Références
« Il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition du présent code ou toute autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. »
« En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. »
■ Crim. 6 sept. 2006, Bull. crim. n° 208, AJ pénal 2006. 509, obs. C. Girault ; D. 2007. 973, obs. J. Pradel.
■ Crim. 31 mai 2007, n° 07-80.928, Procédures n° 10, oct. 2007, comm. 229, J. Buisson, RSC 2008. 651, note Buisson.
■ CEDH 29 mars 2005, Matheron c. France, D. 2005. Jur. 1755, note J. Pradel.
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