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[ 4 juin 2013 ] Imprimer

Droit des sociétés

Qualité du conjoint d’un associé en cours de divorce

Mots-clefs : Société, Apport, Régime matrimonial, Bien commun, divorce, qualité d’associé, droit d’information

Tant qu’un jugement de divorce n’est pas passé en force de chose jugée, l’époux d’un associé peut notifier à la société son intention d’être personnellement associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises par son conjoint.

En application de l’article 1832-2 du Code civil, l’épouse d’un associé de trois sociétés civiles immobilières (ci-après SCI) a notifié à ces dernières son intention d’être reconnue en qualité d’associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises par son époux par emploi de biens communs. Ayant assigné son conjoint en divorce avant de notifier son intention d’être associé, les SCI contestèrent l’acquisition de cette qualité et refusèrent de lui communiquer des documents sociaux.

Il est de principe que le mariage n’affecte pas la qualité d’associé, en ce qu’une personne mariée, quel que soit son régime matrimonial, peut entrer dans une société sans avoir à demander l’autorisation à son conjoint. Toutefois, une nuance doit être apportée concernant le régime de communauté, plus précisément les cas où l’apport en société ou l’acquisition des droits sociaux sont financés grâce à des biens communs. En effet, en pareille situation, l’article 1832-2, alinéa 1er, du Code civil impose à l’époux qui emploie lesdits biens communs, sous peine de nullité (C. civ., art. 1427 : prescription biennale), d’informer son conjoint, la preuve de cet avertissement étant rapportée dans l’acte d’apport ou d’acquisition.

En cas d’emploi de biens communs pour faire un apport à une société, il convient de se demander à qui sera reconnue la qualité d’associé ? À ce titre, une distinction doit être opérée :

– dans les sociétés par actions, si les droits sociaux et dividendes rentrent dans la communauté, seul l’apporteur ou l’acquéreur a la qualité d’associé (Civ. 1re, 16 mai 2000) ;

– dans les autres sociétés, si l’apporteur a, en principe, seul la qualité d’associé, son conjoint peut, lui aussi, revendiquer cette qualité, pour la moitié des parts sociales, en notifiant à la société son intention. En l’absence de renonciation écrite et non équivoque (Com. 12 janv. 1993), la qualité d’associé peut être revendiquée au moment de l’acquisition des parts ou plus tard, aucun délai n’étant imposé. La société ne peut s’opposer à cette demande, sauf clause d’agrément expressément prévue à cet effet par les statuts (étant précisé que l’époux associé ne participe pas au vote).

Dans l’arrêt commenté, la question soulevée était de savoir si l’assignation en divorce avait fait perdre à la femme sa qualité d’épouse et, de ce fait, son droit à revendiquer la qualité d’associé à laquelle est attaché le droit à l’information.

Si l’article 1832-2, dernier alinéa, du Code civil, use de la formule générale « jusqu’à la dissolution de la communauté », la Cour de cassation est venue préciser que la notification de l’intention doit intervenir avant tout jugement de divorce passé en force de chose jugée (Com. 18 nov. 1997).

C’est donc en toute logique, qu’en l’espèce, conformément à sa jurisprudence, la Cour suprême approuve les juges du fond de s’être placés au moment où la revendication était sollicitée et non ultérieurement à la date du prononcé du divorce. La qualité d’associé étant acquise, la communication des documents sociaux, prérogative essentielle attachée à cette qualité (C. civ., art. 1855), ne pouvait donc lui être refusée.

Com. 14 mai 2013, n° 12-18.103

Références

■ J. Champion, Patrimoine du couple 2011/2012, Delmas, 2010.

■ Civ. 1re, 16 mai 2000, n° 96-17.856.

■ Com. 12 janv. 1993, n° 90-21.126.

■ Com. 18 nov. 1997, n° 95-16.371, D. 1999. 238, obs. V. Brémond.

■ Code civil

Article 1427

« Si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation. 

L'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté. »

Article 1832-2

« Un époux ne peut, sous la sanction prévue à l'article 1427, employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu'il en soit justifié dans l'acte. 

La qualité d'associé est reconnue à celui des époux qui fait l'apport ou réalise l'acquisition. 

La qualité d'associé est également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d'être personnellement associé. Lorsqu'il notifie son intention lors de l'apport ou de l'acquisition, l'acceptation ou l'agrément des associés vaut pour les deux époux. Si cette notification est postérieure à l'apport ou à l'acquisition, les clauses d'agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint ; lors de la délibération sur l'agrément, l'époux associé ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. 

Les dispositions du présent article ne sont applicables que dans les sociétés dont les parts ne sont pas négociables et seulement jusqu'à la dissolution de la communauté. »

Article 1855

« Les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d'un mois. »

 

Auteur :H. V.

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