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[ 9 novembre 2020 ] Imprimer

Procédure pénale

Quand l’action civile rappelle la ratio legis de l’infraction de violation du secret professionnel

L’action civile, en vertu de l’article 2 du Code de procédure pénale, appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Dès lors, un médecin ne saurait l’exercer au titre de la violation du secret professionnel résultant de documents divulgués par sa salariée. Cette interprétation résulte de la ratio legis de l’infraction de violation du secret professionnel qui est institué dans l’intérêt des personnes dans la nécessité de faire des confidences à des professionnels. Plus particulièrement, pour ce qui concerne le secret médical, il résulte de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique qu’il est institué dans l’intérêt des patients. Un médecin ne saurait donc se prévaloir de ce droit dans l’intérêt du patient. 

Crim. 13 octobre 2020, n° 19-87.341

M. et Mme M., cardiologue et chirurgien-dentiste exercent au sein de la société S. Une procédure prud’hommale devait opposer Mme P. et la société S, employeur de Mme P. Dans le cadre de cette procédure, Mme P. a fourni, à titre de preuve, des éléments tels des carnets de rendez-vous et de correspondances ainsi que le dossier médical d’un patient. M. et Mme M. ont fait citer Mme P. devant le tribunal correctionnel du chef de violation du secret professionnel tel qu’institué par l’article 226-16 du Code pénal. 

Les juges du premier degré les ont déclarés irrecevable en leur action, décision confirmée en appel. 

M. et Mme M. se pourvoient en cassation. 

La cour d’appel avait, sur le fondement de l’article 2 du Code de procédure pénale, déclaré irrecevable l’action civile. Ce dernier précise que « l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ». 

Pour les juges du fond, M. et Mme M., pas plus que la société S. ne sauraient se prévaloir d’un tel préjudice direct et personnel. La ratio legis de l’infraction, soulignée par la cour d’appel, est invoquée au soutien de cette solution. Précisant alors que l’infraction de violation du secret professionnel telle que prévue par l’article 226-13 du Code pénal « est destinée à protéger la sécurité des confidences qu’un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l’état ou la profession, dans un intérêt général et d’ordre public, fait d’elle un confident nécessaire ». Elle en conclut que la violation du secret ne porte directement préjudice qu’à l’intérêt général et à l’auteur de ces confidences. De la sorte, les praticiens ne sauraient arguer d’un préjudice direct et personnel résultant de la violation du secret professionnel par leur salarié leur permettant de mettre en mouvement l’action publique dans les conditions prévues par l’article 2 du Code de procédure pénale. Au contraire, selon le moyen au pourvoi, « le médecin, dépositaire du secret médical, doit, quel que soit son mode d’exercice, personnellement veiller à ce que les personnes qui l’assistent soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s’y conforment ». Les informations ainsi fournies par Mme P. dans le cadre de la procédure l’opposant à M. et Mme M. relèvent d’informations soumises au secret. Leur révélation porte ainsi atteinte, auprès des patients, à la réputation de la société comme à celle des médecins qu’elle assiste, consistant alors en un préjudice direct et personnel. 

La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve ce faisant le raisonnement mené par la cour d’appel. 

Elle met ainsi en évidence à la fois l’absence de caractère personnel et direct du préjudice alors subit. D’une part, en vertu de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique, « toute personne prise en charge par un professionnel participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant ». Dès lors, le secret médical est un droit propre au patient et n’a pas pour objet de protéger directement le praticien qui ne saurait arguer d’un préjudice personnel, pas plus que de se prévaloir de ce droit dans l’intérêt du patient. D’autre part, le préjudice résultant de l’atteinte que porterait à sa réputation la violation du secret professionnel par une salariée ne peut être qu’indirect. 

Référence

■ B. PyRép. pén. DallozSecret professionnel, mai 2020. 

 

Auteur :Chloé Liévaux


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