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[ 2 juillet 2012 ] Imprimer

Droit administratif général

Quel est le juge compétent lors d’un litige entre un détenu et un service en gestion déléguée d’un établissement pénitentiaire?

Mots-clefs : Compétence, Tribunal des conflits, Responsabilité, Établissement pénitentiaire, Gestion déléguée ; Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, Subrogation, Action en responsabilité, Indemnisation

Le juge administratif est compétent pour connaître d’un litige né de l'action en responsabilité engagée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, subrogé dans les droits d’un détenu, à l’encontre d’une société chargée du service médical d’un établissement pénitentiaire, a décidé le Tribunal des conflits dans un arrêt du 11 juin 2012.

Depuis les années 1990, la gestion déléguée à des prestataires privés concernant les prestations non régaliennes de l’administration pénitentiaires a été mise en place dans certains établissements (au 1er janv. 2011, sur 189 établissements pénitentiaires, 45 étaient gérés en gestion déléguée. V. Cour des comptes). Ainsi en application de l’article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire (modifié notamment par la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012, art. 2), l'État peut confier à une personne ou à un groupement de personnes, de droit public ou de droit privé, une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires. Cette mission peut en outre porter sur l'exploitation ou la maintenance d'établissements pénitentiaires, à l'exclusion des fonctions de direction, de greffe et de surveillance.

La question posée au Tribunal des conflits était la suivante : la juridiction administrative est-elle compétente pour les litiges entre le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, subrogé dans les droits d’un détenu, et une société privée chargée du service médical d’un établissement pénitentiaire ? Les juges répondent par l’affirmative.

Les faits de l’espèce sont relatifs à un homme incarcéré dans une maison d’arrêt victime, en juillet 1997, d’un arrêt cardio-respiratoire puis d’un coma anoxique. La culpabilité des médecins ayant prescrit et administré les substances à l’origine de cet accident a été reconnue par le tribunal correctionnel. En revanche, celui-ci s’est déclaré incompétent pour connaître de la constitution de partie civile du détenu au motif que les fautes retenues à l’encontre des médecins n’étaient pas détachables du service. Par ailleurs, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, subrogé dans les droits de la victime a recherché, devant la juridiction administrative, la responsabilité de la société chargée du service médical de l’établissement pénitentiaire en vertu d’un marché passé avec l’État. Cette société a été condamnée par le tribunal administratif. Cependant la cour administrative d’appel s’est déclarée incompétente pour apprécier ce litige et a saisi le Tribunal des conflits afin qu’il décide de la question de compétence. Selon le Tribunal, le dommage subi par le détenu a pour origine des fautes qui n’étaient pas détachables du service médical assuré par la société privée chargée d’assurer ce service, pour le compte de l’État et sous son contrôle. Ainsi, eu égard « tant à la nature particulière que revêtait cette mission de service public administratif qu'aux conditions dans lesquelles elle était alors assurée, le détenu auquel des soins étaient dispensés dans le cadre qui était ainsi défini se trouvait, à l'égard de la personne, même de droit privé, chargée de cette mission, dans une relation de droit public ; [..] il suit de là que le litige né de l'action en responsabilité engagée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, subrogé dans les droits [du détenu] à l'encontre de la société […], relève de la juridiction administrative ».

T. confl, 11 juin 2012, Société GTM Génie civil et services c. Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, n° C3849

Références

■ Sur l’organisation du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, V. C. assur., art. L. 422-1 à L. 422-6 et R. 422-1 à R. 422-10.

Cour des comptes, « Communication à la commission des finances de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée Nationale », Les partenariats publics-privés pénitentiaires, oct. 2011, p. 23.

Article 2 de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire

« Par dérogation aux dispositions des articles 7 et 18 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, l'État peut confier à une personne ou à un groupement de personnes, de droit public ou de droit privé, une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires. Cette mission peut en outre porter sur l'exploitation ou la maintenance d'établissements pénitentiaires, à l'exclusion des fonctions de direction, de greffe et de surveillance.

L'exécution de cette mission résulte d'un marché passé entre l'État et la personne ou le groupement de personnes selon les procédures prévues par le code des marchés publics. Ce marché peut notamment être passé selon la procédure du dialogue compétitif prévue aux articles 36 et 67 du code des marchés publics, dans les conditions prévues par ces mêmes articles. Si le marché est alloti, les offres portant simultanément sur plusieurs lots peuvent faire l'objet d'un jugement global.

Les marchés passés par l'État pour l'exécution de cette mission ne peuvent comporter de stipulations relevant des conventions mentionnées aux articles L. 34-3-1 et L. 34-7-1 du code du domaine de l'État et à l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales.

Dans les établissements pénitentiaires, les fonctions autres que celles de direction, de greffe et de surveillance peuvent être confiées à des personnes de droit public ou de droit privé habilitées, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État. Ces personnes peuvent être choisies dans le cadre des marchés prévus au deuxième alinéa. »

 

Auteur :C. G.

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