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Droit administratif général
Quel est le juge compétent pour connaître d'une action en responsabilité engagée contre l'État à la suite du décès d'une personne placée en garde à vue ?
Mots-clefs : Police administrative, Police judiciaire, Garde à vue, Répartition des compétences, Conflits
Dans une décision rendue le 9 mars 2015, le Tribunal des conflits rappelle la compétence du juge judiciaire pour statuer sur une demande tendant à la réparation des préjudices subis lors d’une garde à vue.
À l’occasion de sa garde à vue dans les locaux du commissariat de police de Bastia, un homme s’est suicidé en se pendant avec ses lacets. Des membres de sa famille ont alors demandé au ministre de l’Intérieur l’indemnisation des préjudices subis du fait de ce décès.
Après avoir reçu un refus, ils ont saisi le juge judiciaire qui s’est déclaré incompétent pour connaître de leur action en responsabilité contre l’État au motif que les manquements allégués tenant à l’omission de retrait des lacets de l’intéressé, au défaut de toute surveillance pendant trente minutes et à la présence d’un angle mort empêchant la surveillance vidéo de l’ensemble de la cellule ne relevaient pas du « fonctionnement du service de la justice » mais avaient trait « aux modalités techniques et pratiques de la mise en œuvre par les services de police d’une mesure de garde à vue ».
La famille a alors demandé réparation au juge administratif qui a considéré que le placement en garde à vue était une opération de police judiciaire et a renvoyé la question de compétence au Tribunal des conflits.
En matière de police, la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction repose sur la distinction entre police administrative et police judiciaire (CE, sect., 11 mai 1951, Cts Baud ; T. confl. 7 juin 1951, Dame Noualek). Ainsi, la police administrative a pour finalité la mission générale de maintien de l'ordre public et la police judiciaire a pour objectif la recherche des preuves et des auteurs d'une infraction déterminée.
Par exemple, sont des opérations de police judiciaire, la poursuite d'un délinquant, qui a forcé un barrage au mépris de la signalisation et des sommations (T. confl. 5 déc. 1977, Dlle Motsch) ou encore l’appréhension d'une personne réfugiée dans un bar et suspectée de vols à la roulotte sur le parking attenant (T. confl. 26 juin 2006, Littmann c/Cne de Villeneuve-Loubet).
Sont des opérations de police administrative, une opération de police destinée à mettre fin à des désordres dans une salle de bal privée (CE 13 oct. 1982, Berrandou) ou à rétablir la tranquillité publique dans le voisinage (T. confl. 22 avr. 1985, Chadeyras), ou encore l’intervention d'un officier de police motivée par l'état d'ébriété d'un individu qui refuse de se laisser conduire au commissariat (T. confl. 7 juill. 1975, Soustre et CPAM de Saint-Étienne).
En l’espèce, il s’agissait de la mort d’un homme lors de sa garde à vue.
En application de l’article 63 du Code de procédure pénale, seul un officier de police judiciaire, sous le contrôle du procureur de la République, peut décider du placement en garde à vue d’une personne lorsqu’elle est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction.
Dans une décision rendue le 22 mars 2004 Stoffel, le Tribunal des conflits avait précisé que «le placement en garde à vue, en application des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, a le caractère d'une opération de police judiciaire et qu'il n'appartient qu'aux tribunaux judiciaires de connaître des litiges survenus à l'occasion d'un tel placement ».
Dans sa décision du 9 mars 2015, le Tribunal des conflits reprend ce considérant.
Ainsi, seul le juge judiciaire est compétent pour statuer sur la demande de la famille relative à l’indemnisation des préjudices subis du fait du décès d’un de ses membres lors d’une garde à vue.
T. confl. 9 mars 2015, Mme R. et a. c/ Ministère de l’Intérieur, n° 3990
Références
■ CE, sect., 11 mai 1951, Cts Baud, Lebon 265.
■ T. confl. 7 juin 1951, Dame Noualek, Lebon 636 ; S. 1952, 3, 13 concl. Delvolvé, note Drago.
■ T. confl. 5 déc. 1977, Dlle Motsch, req. no 2060, Lebon 671.
■ T. confl. 26 juin 2006, Littmann c/Cne de Villeneuve-Loubet, req. no 3504, Lebon T. 982.
■ CE 13 oct. 1982, Berrandou, req. no 21304, Lebon 340.
■ T. confl. 22 avr. 1985, Chadeyras, req. no 2360, Lebon T. 543.
■ T. confl. 7 juill. 1975, Soustre et CPAM de Saint-Étienne, req. no 2009, Lebon T. 926-1172.
■ T. confl. 22 mars 2004, Stoffel, n° 3390, Lebon 514.
■ Article 63 du Code de procédure pénale
« I. - Seul un officier de police judiciaire peut, d'office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue.
Dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue. Il lui donne connaissance des motifs justifiant, en application de l'article 62-2, ce placement et l'avise de la qualification des faits qu'il a notifiée à la personne en application du 2° de l'article 63-1. Le procureur de la République peut modifier cette qualification ; dans ce cas, la nouvelle qualification est notifiée à la personne dans les conditions prévues au même article 63-1.
II. - La durée de la garde à vue ne peut excéder vingt-quatre heures.
Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, si l'infraction que la personne est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an et si la prolongation de la mesure est l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2.
L'autorisation ne peut être accordée qu'après présentation de la personne au procureur de la République. Cette présentation peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle. Elle peut cependant, à titre exceptionnel, être accordée par une décision écrite et motivée, sans présentation préalable.
III. - Si, avant d'être placée en garde à vue, la personne a été appréhendée ou a fait l'objet de toute autre mesure de contrainte pour ces mêmes faits, l'heure du début de la garde à vue est fixée, pour le respect des durées prévues au II du présent article, à l'heure à partir de laquelle la personne a été privée de liberté. Si la personne n'a pas fait l'objet d'une mesure de contrainte préalable, mais que son placement en garde à vue est effectué dans le prolongement immédiat d'une audition, cette heure est fixée à celle du début de l'audition.
Si une personne a déjà été placée en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes de garde à vue s'impute sur la durée de la mesure. »
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