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Procédure pénale
Quel est l’impact du décès d’une personne poursuivie sur le cours de l’action publique ?
Voici une question qui a été posée de manière récurrente à la suite de la disparition du célèbre homme d’affaires Bernard Tapie, partie au procès dit de « l’arbitrage Tapie-Crédit Lyonnais », dont le délibéré rendu par la cour d’appel de Paris est attendu le 24 novembre prochain.
Rappelons tout d’abord que l’action publique peut se définir comme celle « exercée au nom de la société pour faire constater par le juge répressif compétent le fait punissable dans des délais raisonnables, établir la culpabilité ou l’innocence de la ou des personnes poursuivies, et obtenir le cas échéant le prononcé de la sanction (…) prévue par la loi, et ce, en se conformant aux principes d’équité, de respect du contradictoire et de la présomption d’innocence énoncés désormais dans l’article préliminaire du code de procédure pénale institué par l’article 1er de la loi du 15 juin 2000 (L. no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d’innocence et le droit des victimes) » (François Molins, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Action publique – Caractères de l’action publique – nov. 2017).
Pour autant, cette action peut parfois se heurter à certaines difficultés, de nature à empêcher sa mise en mouvement ou à l’éteindre. Il en est ainsi de la convention judiciaire d’intérêt public (C. pr. pén., art. 41-1-2), du paiement de l’amende forfaitaire (C. pr. pén., art. 529) ou de l’amende de composition (C. pr. pén., art. 41-2). De surcroît, l’article 6 du Code de procédure pénale distingue les causes d’extinction générales de l’action publique pour l’application des peines (mort du prévenu, prescription, amnistie, abrogation de la loi pénale et chose jugée), qui s’appliquent par principe à toutes les infractions, et les causes d’extinction spéciales (transaction, composition pénale, retrait de la plainte lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite), dont la réalisation n’est permise que pour quelques infractions prévues par la loi et lorsqu’une disposition le prévoit expressément.
Partant, en cas de décès de la personne poursuivie, mise en examen, prévenue ou accusée, le principe fondamental de la personnalité des poursuites visé à l’article 121-1 du Code pénal (« Nul n’est responsable que de son propre fait ») s’oppose à l’engagement des poursuites pénales à son encontre. Celle-ci décède en étant présumée innocente, faute d’avoir été déclarée définitivement coupable de son vivant. Au regard du même principe de personnalité des poursuites, aucune poursuite ne peut être engagée à l’encontre des héritiers de la personne poursuivie en raison de la simple filiation qui les unit.
Dès lors, toute poursuite qui n’a pas été menée à son terme doit cesser immédiatement après le décès de la personne poursuivie ; il appartient au juge d’instruction ou à la juridiction de jugement de constater l’extinction de l’action publique (Crim. 3 mars 1949), au vu du certificat de décès de l’intéressé. Si l’action publique a été engagée au moment du décès, elle ne peut plus être poursuivie. Il en est de même si l’auteur des faits reprochés n’a pas été condamné définitivement.
En revanche, le décès d’une personne poursuivie n’éteint pas l’action publique à l’égard de ses présumés co-auteurs ou complices (Crim. 23 juill. 1974, n° 73-93.383), à l’instar de l’affaire médiatisée évoquée en propos liminaire, si bien que le cours de l’instance ne prend pas fin par la survenance de cet événement. Ceux-ci devront être poursuivis voire jugés pour les faits qui leur sont reprochés personnellement.
S’agissant de la procédure initiée devant la Cour de cassation, si le prévenu décède au cours de l’instance, la chambre criminelle constate l’extinction de l’action publique et prononce le non-lieu à statuer sur le pourvoi, lorsqu’il n’y a pas d’intérêts civils en cause (Crim. 5 mai 1998, no 97-82.669) et pas de sanction à caractère réel, telle la confiscation (Crim. 9 déc. 1991, no 88-80.786 et no 90-84.994).
En tout état de cause, l’action publique ne se confond pas avec l’action civile, dont l’objet vise la réparation de l’atteinte à l’intérêt privé des victimes (C. pr. pén., art. 2 s.).
Ainsi, le décès de la personne poursuivie n’entraine pas l’extinction de l’action civile. Pour indemniser de la manière la plus cohérente la ou les victimes, les magistrats compétents doivent apprécier, d’une certaine manière, la culpabilité du défunt au risque de transformer finalement le cours de l’action civile en une forme de peine à son encontre. Après le décès du condamné, il peut donc être procédé au recouvrement de l’amende, des frais de justice et à l’exécution de la confiscation (C. pén., art. 133-1).
Si l’action civile ne peut plus être portée devant le juge répressif devenu incompétent, elle peut se poursuivre s’il en avait été régulièrement saisi (Crim. 5 oct. 1954 ; Crim. 23 févr. 1966, n° 65-90.238). La Chambre criminelle reconnait dorénavant que la juridiction répressive reste compétente pour se prononcer sur l’action civile après le décès de la personne poursuivie à condition qu’une décision sur le fond concernant l’action publique ait été rendue au moment du décès (Crim. 10 mai 2012, no 12-82.810 ; Crim. 15 sept. 2009, n° 08-86.830).
N’oublions pas que pour ce faire, l’action civile se transmet aux héritiers ou aux tiers civilement responsables. Dans cette hypothèse, l’action civile est dirigée à leur encontre et intentée devant une juridiction civile. Les héritiers peuvent cependant renoncer à la succession (C. civ., art. 804 à 808) et échapper au recouvrement des dettes civiles du défunt ou l’accepter à concurrence de l’actif net pour ne pas avoir à payer les dettes qui dépassent la valeur des biens du défunt qu’ils ont recueillis (C. civ., art. 787 à 803).
Références
■ Crim. 3 mars 1949, Bull. crim. no 80
■ Crim. 23 juill. 1974, n° 73-93.383 P
■ Crim. 5 mai 1998, no 97-82.669 P : RSC 1999. 317, obs. B. Bouloc
■ Crim. 9 déc. 1991, no 88-80.786 et 90-84.994 P
■ Crim. 5 oct. 1954 : Gaz. Pal. 1954. 2. 361
■ Crim. 23 févr. 1966, n° 65-90.238 P
■ Crim. 10 mai 2012, no 12-82.810 P
■ Crim. 15 sept. 2009, n° 08-86.830 P : AJ pénal 2009. 499, obs. G. Royer
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