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Droit constitutionnel
Quelle est la valeur juridique d’une ordonnance non ratifiée après le délai d’habilitation ?
Depuis une décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2020 (n° 2020-843 QPC) ayant fait l’objet d’un communiqué de presse, désormais, à l'expiration du délai fixé par la loi d’habilitation, les dispositions d’une ordonnance peuvent uniquement être modifiées par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. Dès lors, à compter de cette date, elles doivent être regardées comme des dispositions législatives.
C’est à l’occasion d’une QPC relative à la conformité de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie sur les autorisations d’exploiter une installation de production d’électricité à l’article 7 de la Charte de l’environnement que le Conseil constitutionnel vient de donner une précision importante concernant la nature juridique des ordonnances non ratifiées après le délai d’habilitation lorsque le projet de loi de ratification a été déposé dans le délai imparti.
L’article 38 de la Constitution permet au Gouvernement de demander au Parlement l’autorisation de prendre par voie d’ordonnance des mesures qui relèvent normalement du pouvoir législatif. Si depuis la fin des années 90 le recours aux ordonnances s’est banalisé, il semble que nous ayons atteint un record depuis le début de l’état d’urgence sanitaire avec plus de soixante ordonnances prises, pour le moment, pendant cette période.
Si la délégation de pouvoir consentie par le Parlement au Gouvernent est toujours limitée dans le temps, la loi doit également préciser la date avant laquelle le Gouvernement est tenu de déposer un projet de loi de ratification des ordonnances. En principe, l’absence de dépôt du projet de loi rend les ordonnances caduques : « Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation » (Const. 58, art. 38, al. 2, 2e phrase).
Nature juridique des ordonnances
Pendant le délai d’habilitation, les ordonnances sont des actes réglementaires car elles émanent du pouvoir exécutif et sont par conséquent soumises au principe de la légalité. Elles peuvent être contestées devant le juge de l'excès de pouvoir qui peut les annuler (CE 24 nov. 1961, Féd. nat. synd. de police) même si cela reste rare.
À l’expiration du délai, les ordonnances doivent normalement être ratifiées expressément par le Parlement. Ainsi, seules sont ratifiées les ordonnances pour lesquelles le Parlement examine le projet de loi de ratification déposé par le Gouvernement et l'adopte.
Le Parlement saisi de la loi de ratification peut soit ratifier les ordonnances, soit les ratifier en les modifiant, soit encore refuser leur ratification. Pour tous les cas, il garde à ce stade la maîtrise du contenu au fond des dispositions applicables. Si le Parlement refuse leur ratification, les ordonnances deviennent caduques et disparaissent de l’ordonnancement juridique qui est rétabli dans son état antérieur. Si le Parlement ratifie les ordonnances, leurs dispositions subissent en quelque sorte une transformation, qui leur donne, depuis leur signature, la valeur législative dont elles avaient été provisoirement dépourvues. Dès lors, ces dispositions ne peuvent plus voir leur légalité contestée, y compris si le juge en était saisi avant la ratification.
Si malgré le dépôt d’un projet de loi de ratification, celui-ci n’est jamais inscrit à l’ordre du jour, les ordonnances conservaient, avant la décision n° 2020-843 QPC, leur valeur réglementaire, puisqu’elles n’avaient pas été « expressément » ratifiées (Const. 58, art. 38).
Toutefois, le juge constitutionnel vient de décider que lorsqu’un projet de loi de ratification d’une ordonnance a été déposé dans le délai fixé par la loi d’habilitation et que le Parlement ne s'est pas prononcé sur cette ratification, l’ordonnance non ratifiée bénéficie rétroactivement d’une valeur législative : « si un projet de loi de ratification de l'ordonnance du 5 août 2013 a été déposé dans le délai fixé par l'article 12 de la loi du 27 décembre 2012, le Parlement ne s'est pas prononcé sur cette ratification. Toutefois, conformément au dernier alinéa de l'article 38 de la Constitution, à l'expiration du délai de l'habilitation fixé par le même article 12, c'est-à-dire à partir du 1er septembre 2013, les dispositions de cette ordonnance ne pouvaient plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. Dès lors, à compter de cette date, elles doivent être regardées comme des dispositions législatives. Ainsi, les conditions et les limites de la procédure de participation du public prévue à l'article L. 120-1-1 sont « définies par la loi » au sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement » (2020-843 QPC, § 11).
Le seul dépôt du projet de loi de ratification dans le délai prévu par la loi d’habilitation donne désormais valeur législative à une ordonnance.
Ainsi, par cette décision QPC, le Conseil constitutionnel décide de l’existence d’une ratification implicite en donnant valeur législative à une ordonnance non ratifiée après le délai d’habilitation dont le projet de loi de ratification a été déposé dans les délais.
Reste à savoir comment articuler cette décision avec l’exigence constitutionnelle ajoutée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 selon laquelle les ordonnances « ne peuvent être ratifiées que de manière expresse » …
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