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Majeurs protégés : rappel du principe de priorité familiale
Lorsque le juge place un majeur sous tutelle, il doit choisir son tuteur en priorité dans la famille du tutélaire. Ce n’est que par exception à cette règle de la préférence familiale que le juge peut, dans l’intérêt du majeur protégé et par une décision spécialement motivée, désigner un tiers extérieur à ce cercle familial.
Civ. 1re, 2 juill. 2025, n° 23-17.524
En application du principe légal de priorité familiale dans la désignation du tuteur ou du curateur en charge de la protection de la personne vulnérable, le juge des tutelles ne peut choisir comme tuteur un tiers extérieur à la famille du majeur protégé sans motiver sa décision par l’intérêt de ce dernier. Telle est la solution rappelée par l’arrêt rapporté.
Au cas d’espèce, un homme est placé sous tutelle par un juge qui désigne une association comme mandataire judiciaire à la protection des majeurs en qualité de tutrice, en sorte de protéger tant les biens que la personne même du majeur protégé. Les relations se délitent entre le tutélaire et l'association. En conséquence, le juge décide de désigner un autre tuteur en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Or ce choix d’un tiers extérieur au cercle familial du tutélaire est fait en méconnaissance du souhait exprimé, conformément à la loi, par le frère de ce dernier de devenir son tuteur. Devant la Cour de cassation, le frère du majeur protégé conteste donc cette désignation, effectuée au mépris de la règle de la préférence familiale.
Accueillant le pourvoi, la première chambre civile de la Cour de cassation casse la décision attaquée au visa des articles 449 et 450 du Code civil. Elle rappelle que la priorité familiale demeure la règle dans le choix du tuteur, chaque fois que cela est possible, dans le respect d’un ordre légalement prédéfini. En effet, « le juge nomme, comme curateur ou tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. À défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent et sous la dernière réserve qui y est mentionnée, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. Il prend en considération les sentiments exprimés par celui-ci, ses relations habituelles, l'intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage » (C. civ., art. 449). La Cour souligne ensuite que ce n’est que « lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la curatelle ou la tutelle (que) le juge désigne un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit » (C. civ., art. 450).
La loi est donc claire sur ce point : en principe, le tuteur est prioritairement le conjoint ou le partenaire de la personne protégée et, à défaut, un parent ou un proche de celle-ci, entretenant avec elle des rapports étroits et stables. En l’absence de proche apte à protéger les intérêts de la personne vulnérable, mais à cette condition seulement, la tâche sera assumée par un professionnel : le mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM). Seul l’intérêt du majeur protégé autorise donc de déroger à la règle de la préférence familiale par la désignation d’un tuteur extérieur à son cercle familial : bien que le Code civil prévoie en son article 449 qu’une priorité est accordée à la famille en matière de tutelle, et en particulier au conjoint, l’intérêt du majeur protégé reste néanmoins au cœur de la décision du juge des tutelles et peut dans certains cas justifier que la mesure de tutelle soit confiée non pas à un membre de la famille, mais à un tiers. Toutefois, dans la mesure où la loi érige la priorité familiale en principe, il incombe dans ce cas au juge de motiver sa décision lorsqu’il décide de choisir un tiers pour la mesure de tutelle. C’est ce défaut de motivation qui justifie en l’espèce la cassation de la décision des juges du fond de désigner un tiers comme tuteur du majeur. En l'espèce, le « fort conflit » existant entre l'association et le majeur protégé avait conduit le juge à décider d’un changement de tuteur. Or aucun motif n'avait été avancé pour justifier son choix de remplacer l'association par un tiers mandataire plutôt que par le frère du majeur protégé, pourtant volontaire. Rien n'indiquait surtout que « la désignation d'un tiers était commandée par l'intérêt de la personne protégée ». La tutelle familiale devant être préférée, dès lors qu’elle est possible, à la tutelle confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM), le juge aurait donc dû précisément faire mention des motifs pour lesquels la désignation du frère comme tuteur était de nature à compromettre les intérêts du majeur protégé, par exemple la relation conflictuelle entre les deux frères, la priorité familiale ne jouant pas en cas de conflits familiaux (Civ. 1re, 26 juin 2013, n° 12-25.902).
Référence :
■ Civ. 1re, 26 juin 2013, n° 12-25.902 : D.2013.2196, obs.J.-L.Lemouland, D.Noguero et J.-M.Plazy
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