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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Question préjudicielle sur l’application de la « directive retour »
Mots-clefs : Rétention administrative, Droit des étrangers, Séjour irrégulier, Obligation de quitter le territoire, Directive retour, Droit de la défense, Droit à être entendu
La décision de prolongation d’une mesure de rétention administrative concernant un étranger en situation irrégulière prise en méconnaissance du droit à être entendu n’est pas nécessairement illégale a précisé la CJUE dans une décision du 10 septembre 2013.
Saisie d’une question préjudicielle (TFUE, art. 267) posée par le Raad van State (Conseil d’État néerlandais), la CJUE devait se prononcer sur la question suivante : lorsque dans le cadre d’une procédure administrative, la prolongation d’une mesure de rétention est décidée en méconnaissance du droit à être entendu, doit-il être mis fin immédiatement à la rétention ou le juge national chargé de l’appréciation de la légalité de cette décision de prolongation peut-il la maintenir quand il estime qu’elle demeure justifiée au terme de la mise en balance des intérêts en présence ?
Plus exactement, la CJUE devait se prononcer sur l’interprétation de l’article 15, paragraphes 2 à 6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (dite « directive retour »).
Selon la CJUE : « d’une part, toute irrégularité dans l’exercice des droits de la défense lors d’une procédure administrative de prolongation de la rétention d’un ressortissant d’un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits. »
Et, « d’autre part, tout manquement, notamment, au droit d’être entendu n’est en conséquence pas de nature à entacher systématiquement d’illégalité la décision prise, au sens de l’article 15, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive 2008/115, et n’appelle donc pas automatiquement la remise en liberté du ressortissant concerné. »
En conséquence, selon l’interprétation du droit de l’Union, lorsqu’une décision de prolongation d’une mesure de rétention est prise en méconnaissance du droit à être entendu, le juge national chargé d’apprécier la légalité de cette décision n’a pas systématiquement à accorder la levée de la mesure. En effet, il doit apprécier l’ensemble des circonstances de droit et de fait dans chaque cas d’espèce : le juge procède ainsi à une appréciation in concreto et s’il constate que la violation du droit à être entendu a effectivement privé celui qui l’invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, le juge procède alors à l’annulation de la décision.
La « directive retour » a été transposée en droit français en 2011 (L. n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Loi modifiant notamment le CESEDA).
CJUE 10 sept. 2013, aff. n° C-383/13
Références
■ Article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'union européenne
« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:
a) sur l'interprétation des traités,
b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.
Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. »
■ Directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
« CHAPITRE IV Rétention à des fins d’éloignement
Art. 15 Rétention
(…)
2. La rétention est ordonnée par les autorités administratives ou judiciaires.
La rétention est ordonnée par écrit, en indiquant les motifs de fait et de droit.
Si la rétention a été ordonnée par des autorités administratives, les États membres:
a) soit prévoient qu’un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité de la rétention doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du début de la rétention,
b) soit accordent au ressortissant concerné d’un pays tiers le droit d’engager une procédure par laquelle la légalité de la rétention fait l’objet d’un contrôle juridictionnel accéléré qui doit avoir lieu le plus rapidement possible à compter du lancement de la procédure en question. Dans ce cas, les États membres informent immédiatement le ressortissant concerné d’un pays tiers de la possibilité d’engager cette procédure.
Le ressortissant concerné d’un pays tiers est immédiatement remis en liberté si la rétention n’est pas légale.
3. Dans chaque cas, la rétention fait l’objet d’un réexamen à intervalles raisonnables soit à la demande du ressortissant concerné d’un pays tiers, soit d’office. En cas de périodes de rétention prolongées, les réexamens font l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire.
4. Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.
5. La rétention est maintenue aussi longtemps que les conditions énoncées au paragraphe 1 sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois.
6. Les États membres ne peuvent pas prolonger la période visée au paragraphe 5, sauf pour une période déterminée n’excédant pas douze mois supplémentaires, conformément au droit national, lorsque, malgré tous leurs efforts raisonnables, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison:
a) du manque de coopération du ressortissant concerné d’un pays tiers, ou
b) des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires. »
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