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Droit constitutionnel
Questions prioritaires de constitutionnalité : modalités et premières mises en œuvre
Mots-clefs : Art. 61-1 Const., Question prioritaire de constitutionnalité, Procédure, Constitution, Cour de cassation, Conseil d’État, Conseil constitutionnel
Alors que les premières questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sont posées (v. le tableaux des QPC en cours d'examen sur www.courdecassation.fr et www.conseil-etat.fr), la chancellerie présente, par une circulaire du 24 février 2010, l'application de la réforme constituée par la QPC devant les juridictions judiciaires.
Le document adressé aux chefs de cours revient sur l'objet de la QPC, puis précise la procédure applicable devant les juridictions civiles et pénales et la Cour de cassation.
■ Objet de la QPC
Le champ de la QPC est précisé. Sont incluses :
– toute disposition de forme législative votée par le Parlement et promulguée par le président de la République ;
– les lois adoptées antérieurement à l'entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
– les lois promulguées antérieurement qui seraient intervenues en dehors du domaine attribué à la loi par l'article 34 ;
– les lois organiques (en cas de changement des circonstances, de droit ou de fait) ;
– les ordonnances organiques prises sur le fondement de l'ancien article 92 ;
– les ordonnances des articles 38 et 74-1 une fois ratifiées par le législateur ;
– et les lois du pays de la Nouvelle-Calédonie.
Sont exclus :
– certains actes votés par le Parlement (règlements des Assemblées, résolutions mentionnées aux art. 34-1 et 88-4 de la Constitution, avis prévus à l'art. 88-6).
– et les actes réglementaires du gouvernement (dont les décrets-lois antérieurs à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1958, non ratifiés ou simplement repris ou visés dans une loi).
Les normes constitutionnelles correspondent à l'ensemble des droits et libertés en vertu desquels le Conseil constitutionnel assure le contrôle de constitutionnalité a priori, dans le cadre de l'article 61 (« bloc de constitutionnalité ») : ceux protégés par des dispositions de la Constitution elle-même et ceux énoncés dans les textes cités dans le Préambule de la Constitution (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Préambule de la Constitution de 1946, Charte de l'environnement de 2004). Seraient a priori exclus les objectifs à valeur constitutionnelle.
Sur la condition obstacle selon laquelle la disposition ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution, sauf changement de circonstances (art. 23-2, 2°, et 23-4 ord. organique 7 nov. 1958), seules doivent être prises en compte les décisions rendues par le Conseil dans le cadre de son office de juge de la constitutionnalité de la loi ; par « changement des circonstances », il faut entendre « les changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée » (Cons. const. 10 déc. 2009).
■ Procédure applicable devant les juridictions civiles
Une QPC peut être soulevée par les parties (demandeur, défendeur et ministère public) à toute instance en cours (donc ni interrompue, ni suspendue) devant une juridiction judiciaire civile, contentieuse ou gracieuse, au fond ou provisoire. Ce moyen, qui doit venir au soutien de prétentions, se présente sous la forme d'un écrit distinct et motivé devant « permettre d'identifier à quel droit ou liberté constitutionnellement garanti la disposition est susceptible de porter atteinte ». Son régime se calque sur celui applicable à la prétention de laquelle il vient.
Concernant l'instruction de la question, l'obligation d'établir des conclusions spécialement consacrées est soulignée (art. 126-2, in fine, C. pr. civ.).
In fine, la décision du Conseil constitutionnel qui déclare inconstitutionnelle la disposition législative contestée abroge cette disposition à compter de la publication de la décision au Journal officiel ou d'une date ultérieure qu'elle fixe. La juridiction qui connaît de l'affaire poursuit donc l'instance en s'y conformant.
■ Procédure applicable devant les juridictions pénales
La circulaire revient sur l'exception constituée par les cours d'assises pour rappeler que la QPC peut être posée en amont du jugement (pendant l'instruction) ou en aval (à l'occasion de l'appel).
La QPC est ouverte aux parties au procès pénal, ainsi qu'au témoin assisté et au ministère public ; elle doit, comme en matière civile, être soulevée à l'appui d'une demande.
Des exceptions sont prévues au principe de sursis à statuer :
– l'instruction n'est pas suspendue ;
– et il est également fait exception au sursis à statuer en cas de privation de liberté, quand la juridiction est tenue de statuer dans des délais déterminés ou quand le sursis « entraînerait des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie ».
Dans le cas, particulier, d'une disposition législative qui serait déclarée inconstitutionnelle après transmission de la QPC au Conseil alors que la décision pénale serait devenue définitive, il appartiendra au justiciable de faire appel et, ensuite, de former un pourvoi.
■ QPC devant la Cour de cassation
Les parties à l'instance principale peuvent produire des observations devant la formation de renvoi mais n'y sont pas tenues (leurs observations doivent, le cas échéant, être signées par un avocat au Conseils dans les matières dans lesquelles la représentation est obligatoire, et parvenir à la Cour de cassation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision ordonnant la transmission de la question ou de la communication du mémoire soulevant la QPC à l'occasion d'un pourvoi). La formation statue sur le renvoi de la QPC par un arrêt motivé, dans les trois mois de sa réception. Si elle n'a pu se prononcer dans ce délai, l'affaire est transmise au Conseil constitutionnel.
▪ ▪ ▪
Dans des dispositions finales, la circulaire précise l'application de la réforme outre-mer et le régime transitoire. Dans les instances en cours au 1er mars 2010, une QCP devra, pour être recevable, être présentée sous la forme d'un écrit distinct et motivé. Une réouverture de l'instruction, pour les seuls besoins de l'examen de la QPC, laissée à l'appréciation de la juridiction (non dessaisie par le prononcé de sa décision sur le fond), demeure possible.
Le 1er mars 2010, six QPC ont été enregistrées devant la Cour de cassation, dont l'une — la première ? — libellée comme suit : « L’article 63-4 (garde à vue) porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et plus précisément, au respect du principe des droits de la défense, au droit à une procédure juste et équitable, à la liberté individuelle […] ? » ; à ce jour (15 mars), onze sont en cours d'examen en matière pénale, trois en matière civile. Devant le Conseil d'État, vingt-huit QPC sont actuellement étudiées. On notera que le Conseil constitutionnel met à disposition, sur son site (www.conseil-constitutionnel.fr), un Répertoire des dispositions déclarées conformes à la Constitution.
Références
■ Cons. const., 10 déc. 2009, n° 2009-595 DC.
■ Constitution du 4 octobre 1958
« La loi fixe les règles concernant :
– les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias; les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
– la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;
– la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
– l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
– le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;
– la création de catégories d'établissements publics ;
– les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ;
– les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
– de l'organisation générale de la Défense Nationale ;
– de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
– de l'enseignement ;
– de la préservation de l'environnement ;
– du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
– du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.
Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.
Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. »
« Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique.
Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard. »
« Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. »
Les ordonnances sont prises en Conseil des Ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
À l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
« Les lois organiques, avant leur promulgation, les propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil Constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.
Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil Constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.
Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil Constitutionnel doit statuer dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.
Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil Constitutionnel suspend le délai de promulgation. »
« Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l'organisation particulière de la collectivité concernée, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. »
« Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions d'actes de l'Union européenne.
Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.
Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires européennes. »
« L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. L'avis est adressé par le président de l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.
Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.
À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit. »
■ Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
« La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation.
La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige. »
« Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l'article 23-2 ou au dernier alinéa de l'article 23-1, le Conseil d'État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. »
■ Code de procédure pénale
« Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.
Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
L'avocat désigné peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête.
À l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.
L'avocat ne peut faire état de cet entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.
Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents.
Si la personne est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 4°, 6°, 7°, 8° et 15° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de quarante-huit heures. Si elle est gardée à vue pour une infraction mentionnée aux 3° et 11° du même article, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures. Le procureur de la République est avisé de la qualification des faits retenue par les enquêteurs dès qu'il est informé par ces derniers du placement en garde à vue.
« À peine d'irrecevabilité, la partie qui soutient qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présente ce moyen dans un écrit distinct et motivé, y compris à l'occasion d'un recours contre une décision réglant tout ou partie du litige dans une instance ayant donné lieu à un refus de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité.
Le juge doit relever d'office l'irrecevabilité du moyen qui n'est pas présenté dans un écrit distinct et motivé.
Les autres observations des parties sur la question prioritaire de constitutionnalité doivent, si elles sont présentées par écrit, être contenues dans un écrit distinct et motivé. À défaut, elles ne peuvent être jointes à la décision transmettant la question à la Cour de cassation. »
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